1.1. La position N°15004
Dans sa position n°15004/A, le Vlabel avait décidé – dans la lignée de la position adoptée par l’administration fédérale – que l’acquisition scindée (usufruit – nue-propriété) d’un bien immeuble, précédée d’une donation, serait considérée comme une donation « déguisée ». La qualification de « donation déguisée » avait pour conséquence qu’au décès du donateur-usufruitier, les biens donnés étaient présumés, aux termes d’une fiction juridique, avoir été légués en pleine propriété de la succession du donateur-usufruitier, et s’en trouvaient dès lors imposés à l’impôt de succession (application de l’article 2.7.1.0.7 du Code Flamand de la Fiscalité).
La preuve contraire permettant de renverser cette présomption pouvait, selon le Vlabel, uniquement être rapportée (a) en démontrant qu’il n’existait pas de lien causal entre la donation et l’acquisition scindée (b) ou en prouvant que la donation préalable avait été soumise à l’impôt d’enregistrement pour les donations ou aux droits de donations.
Le Vlabel avait décidé dans sa position n°15004 d’étendre la position adoptée pour l’acquisition scindée également à l’immatriculation scindée de titres et de placements d’argent. Le Vlabel se basait pour ce faire sur la mention faite dans le texte de la loi selon laquelle « il en va de même pour les titres et pour les placements d’argent ». Il lui paraissait dès lors correct d’interpréter et appliquer l’article de la même manière, peu importe qu’il s’agisse d’une immatriculation ou d’une acquisition démembrée.
Le Vlabel a ensuite encore étendu l’application de sa position aux donations consenties avec réserve d’usufruit de parts de sociétés de droit commun dont les actifs sous-jacents étaient notamment des titres ou placements d’argent (position n° 15004/B).
Concrètement, cette position impliquait que les donations de titres ou placement d’argent avec réserve d’usufruit ne pouvaient plus être consenties devant un notaire étranger (par exemple néerlandais) si l’on souhaitait éviter l’impôt de succession au décès de l’usufruitier, du moins si l’acte n’était pas par la suite spontanément présenté à l’enregistrement en Belgique.
1.2. Conseil d’État
Dans son arrêt du 12 juin 2018 portant le numéro 241.761, le Conseil d’Etat a estimé qu’étant donné que ni le dispositif légal ni les travaux préparatoires ne requièrent l’enregistrement en Belgique de la donation, et dans la mesure où une disposition de fiction doit être interprétée de manière stricte, il ne peut être déduit de l’article 2.7.1.0.7 du CFF que la donation préalable à l’inscription scindée ne serait admise en tant que preuve contraire que pour autant qu’elle ait été enregistrée en Belgique. En d’autres termes, la preuve contraire d’une « donation déguisée » peut être apportée au moyen d’une donation non enregistrée en Belgique et donc non soumise aux droits d’enregistrement applicables.
Le Conseil d’Etat a annulé l’entièreté de la position nr. 15004 de Vlabel concernant la preuve contraire portant sur l’acquisition / l’immatriculation scindée, donc tant la partie A que la partie B de cette position.
1.3. Conséquences de l’arrêt
Dans son communiqué du 15 juin 2018, le Vlabel a confirmé que l’arrêt du Conseil d’Etat a comme conséquence immédiate que la position annulée ne sera plus appliquée lors du traitement de dossiers futurs.
Une acquisition ou immatriculation scindée précédée par une donation ne sera donc finalement pas imposée aux droits de succession par application de la fiction prévue à l’article 2.7.1.0.7 du CFF au décès du donateur-usufruitier.
Concernant les sociétés de droit commun, il n’est dès lors plus requis que les revenus des actifs sous-jacents soient systématiquement distribués à l’usufruitier et/ou au plein propriétaire. La mise en réserve ou l’incorporation de ces fruits ne sera en effet plus considérée constituer une nouvelle immatriculation scindée renfermant une « donation déguisée » pour laquelle la preuve contraire aurait dû être apportée.
L’administration fiscale flamande a, par ailleurs, annoncé que les contribuables ayant été imposés par application de la position annulée ont la possibilité d’introduire une réclamation dans le délai légal de 3 mois suivant la date d’envoi de l’avertissement-extrait de rôle.
La question de savoir quelles autres conséquences ou éventuelles modifications décrétales cet arrêt provoquera reste encore ouverte.
Pour toute information complémentaire concernant l’impact de l’arrêt rendu par le Conseil d’Etat sur votre planification patrimoniale, n’hésitez pas à contacter les auteurs de cet article ou votre conseiller Tiberghien.
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