Après la réforme du droit successoral par la loi du 31 juillet 2017, c’est à présent le droit des régimes matrimoniaux qui est réformé. Le 27 juillet dernier, la loi du 22 juillet 2018 modifiant notamment le droit des régimes matrimoniaux a été publiée au Moniteur belge.
Nous exposons brièvement ci-dessous:
1. Les grands axes de la nouvelle loi portant réforme du droit des régimes matrimoniaux;
2. L’entrée en vigueur de cette loi et les dispositions transitoires.
1. LES GRANDS AXES DE LA NOUVELLE LOI PORTANT REFORME DU DROIT DES REGIMES MATRIMONIAUX
La loi du 22 juillet 2018 opère tout d’abord quelques modifications importantes au droit des régimes matrimoniaux:
a. Le régime légal est précisé et actualisé :
Le statut des biens suivants notamment est clarifié : les biens professionnels, les actions de sociétés, la clientèle, l’indemnisation pour les dommages et accidents du travail, et l’assurance-vie (individuelle).
b. Le régime de séparation de biens est plus amplement développé:
- Certaines dispositions applicables aux époux mariés sous le régime légal sont rendues applicables à tous les époux, quelque soit le régime sous lequel ils sont mariés: par exemple le droit à l’attribution préférentielle et la sanction du recel.
- Un modèle légal de régime de séparation de biens avec une clause de participation aux acquêts est développé et inséré dans la loi.
- La possibilité est offerte aux époux d’insérer une clause de correction judiciaire en équité dans leur contrat de mariage, qui s’appliquera en cas de divorce pour désunion irrémédiable.
Cette clause est uniquement appliquée en cas de modifications défavorables et imprévues des circonstances depuis la conclusion du contrat de mariage, de sorte que le régime matrimonial choisi, compte tenu de la situation patrimoniale des époux, aboutirait à des conséquences manifestement inéquitables pour l’époux demandeur.
À la demande de l’époux lésé, le Tribunal de la famille pourra lui octroyer une indemnité permettant de remédier à ces conséquences manifestement inéquitables.
Le devoir d’information du notaire est égalemnet étendu. Le notaire doit attirer l’attention des (futurs) époux sur les conséquences juridiques :
- de l’insertion ou de la non insertion d’une clause de participation aux acquêts. Le notaire doit mentionner explicitement dans le contrat de mariage qu’il a informé les époux à ce sujet ;
- de leur choix de prévoir ou de ne pas prévoir une correction judiciaire en équité dans leur contrat de mariage. Le notaire doit mentionner leur choix dans le contrat de mariage, sous peine de voir sa responsabilité engagée.
c. Le régime des avantages matrimoniaux est également applicable aux régimes de séparation de biens.
Les avantages que les époux se consentent par contrat de mariage (par exemple par une clause de partage inégal des acquêts ou des biens indivis, ou une clause d’attribution de communauté) sont considérés opérés à titre onéreux et non à titre de donation, quelque soit le régime matrimonial des époux, de sorte que ces avantages ne peuvent en principe pas être réduits.
d. L’interdiction de contrats de vente entre époux est levée.
Par ailleurs, la loi du 22 juillet 2018 apporte également quelques modifications au droit successoral. La position successorale du conjoint survivant, notamment, est redéfinie. Ainsi notamment :
- La nouvelle loi attribue un droit sucessoral ab intestat plus étendu au conjoint survivant, étant le droit successoral applicable en l’absence de dispositions de dernières volontés ou de conventions, lorsqu’il est en concours avec des héritiers autres que les descendants du défunt. Le conjoint survivant hérite à présent non seulement de la part en pleine propriété du prémourrant dans le patrimoine commun, mais également de la part en pleine propriété du prémourrant dans l’indivision existant exclusivement entre les époux. En outre, les ayants-droits du 4ème ordre perdent leurs prétentions héréditaires en cas de concours avec le conjoint survivant. Les héritiers du 4ème ordre sont les héritiers autres que les enfants, les (grands-)parents, les frères ou soeurs et leurs enfants.
- La possibilité de déshériter le conjoint survivant en présence d’enfants d’une précédente union est étendue (clause dite Valkeniers). Sous la loi actuelle, il n’est pas possible de priver le conjoint survivant de l’usufruit sur le logement principal de la famille et sur les meubles meublants ce logement. La nouvelle loi permet aux époux de convenir ensemble, par contrat de mariage ou par acte modificatif de leur contrat de mariage, de priver le conjoint survivant de cet usufruit sur ces logement et meubles. L’époux survivant ne pourra pas être privé du droit d’habitation portant sur l’immeuble affecté au logmement principal de la famille et du droit d’usage des meubles meublants ce logement durant une période transitoire de 6 mois suivant le décès.
2. L’ENTREE EN VIGUEUR DE LA LOI DU 22 JUILLET 2018 ET LE DROIT TRANSITOIRE
La loi du 22 juillet 2018 entre en vigueur le 1er septembre 2018.
La loi prévoit quelques dispositions transitoires destinées à éviter que des situations injustes se produisent par une application immédiate des nouvelles dispositions à tous les mariages existants.
a. Les dispositions relatives au droit des régimes matrimoniaux sont d’application immédiate à tous les mariage conclus à compter du 1er septembre 2018, ainsi qu’à toutes les modifications de régime matrimonial opérées à compter du 1er septembre 2018 lorsque ces modifications entrainent une dissolution de précédent régime matrimonial (par exemple lorsque les époux passent d’un régime de communauté à un régime de séparation de biens).
b. Pour les époux qui se sont mariés avant le 1er septembre 2018, et dont le régime matrimonial est dissous par divorce, séparation de biens judiciaire ou décès, à compter du 1erseptembre 2018, le régime transitoire est légèrement plus compliqué.
La loi prévoit ce qui suit:
- Si la procédure en divorce a été introduite avant le 1er septembre 2018, mais que la dissolution du régime matrimonial n’est prononcé qu’après cette date, les nouvelles dispositions légales ne sont pas applicables. Le divorce a en effet été dissous de manière rétroactive, avant le 1er septembre 2018.
- Si la procédure en divorce est introduite à compter du 1er septembre 2018, ou si le mariage est dissous par le décès d’un des époux à compter de cette date, les nouvelles règles relatives aux régimes matrimoniaux sont en principe applicables. Il existe cependant quelques exceptions à cette règle:
- Les nouvelles règles ne portent pas préjudice aux dispostions valables des contrats de mariage datant d’avant le 1er septembre 2018.
- Les nouvelles règles relatives aux statuts et à la valorisation notamment des biens professionnels, des actions, de la clientèle, de l’indemination pour dommages et accidents de travail et de l’assurance-vie individuelle ne sont applicables qu’aux biens acquis à compter du 1er septembre 2018. Il s’agit des modifications apportées notamment aux articles 1400 et 1401 du Code civil.
- Les nouvelles règles relatives à la gestion de ces biens ne sont applicables qu’aux actes de gestion accomplis à compter du 1er septembre 2018.
- La correction judiciaire en équité ne sera applicable qu’aux contrats de mariage conclus à compter du 1er septembre 2018 qui prévoient son application.
c. La plupart des dispositions introduites par la nouvelle loi sont de droit supplétif. Les époux peuvent donc toujours y déroger dans leur contrat de mariage.
d. La nouvelle disposition permettant aux époux de conclure des contrats de vente entre eux est applicable à tous les contrats d’achat et de vente conclus à compter du 1er septembre 2018.
e. Enfin, les nouvelles dispositions relatives au droit succesoral élargi du conjoint survivant seront applicables aux successions ouvertes à compter du 1er septembre 2018. Ces dispositions seront donc applicables aux successions des personnes décédées le 1erseptembre 2018 ou après cette date.
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