Les sociétés rassemblent les capitaux et les personnes. Les montants en jeu sont généralement importants, les personnalités en présence sont souvent fortes. Il se peut que les différents avis soient impossibles à concilier et qu’un conflit éclate. La question est toujours de savoir comment le gérer. Le nouveau Code des sociétés et des associations (CSA) remanie bon nombre de moyens d’action existants pour en améliorer l’efficacité. Nous commentons ci-dessous les principales nouveautés.
Convocation à l’assemblée générale, droit d’interpellation et pouvoir individuel d’investigation et de contrôle
Il suffit parfois d’inscrire littéralement des points à l’ordre du jour, de manière à pouvoir en discuter lors d’une assemblée générale. Les seuils en vue de la convocation d’une assemblée générale sont ramenés dans le nouveau CSA à 1/10e des actions (dans la SRL et la SC) ou du capital (dans la SA). Le seuil en vertu de l’ancien Code des sociétés est toujours de 1/5e du capital social.
Lors de l’assemblée générale, les actionnaires peuvent poser des questions, auxquelles l’organe d’administration ou le commissaire doivent répondre, sauf si le fait de répondre à ces questions risque de porter préjudice à la société ou est contraire aux engagements de confidentialité souscrits par la société. Le commissaire peut en outre refuser de répondre si, ce faisant, il enfreint le secret professionnel.
Expertise en droit des sociétés et action minoritaire
S’il existe des indications que les intérêts de la société sont ou risquent d’être gravement menacés, le président du tribunal de l’entreprise siégeant en référé peut désigner un expert chargé de contrôler les livres et comptes de la société, ainsi que les opérations de ses organes. Le président peut même décider que le rapport de l’expert doit être publié aux frais de la société.
L’expertise en droit des sociétés permet aux actionnaires (minoritaires) de soumettre l’organe d’administration (désigné par la majorité des actionnaires) à un audit et est expressément mise en relation dans le CSA avec l’action minoritaire. Les seuils pour les deux actions sont les mêmes: 10% des actions dans la SRL et la SC, 1 % des droits de vote ou des titres représentant au moins 1.250.000 euros du capital dans la SA.
Suspension et nullité des décisions des organes
Alors que l’ancien Code des sociétés prévoyait uniquement un régime de nullité pour les décisions de l’assemblée générale (que la jurisprudence applique également par analogie aux décisions du conseil d’administration), le CSA prévoit un régime uniforme pour les décisions de tous les organes. Il s’agit là de la principale nouveauté.
La nullité peut être requise, dans un délai de forclusion de six mois suivant la décision, par toute personne qui peut faire état d’un intérêt au respect de la règle méconnue. Les personnes qui ont voté en faveur de la décision considérée ou ont explicitement ou tacitement renoncé à la possibilité d’invoquer la régularité ne peuvent toutefois plus requérir la nullité, sauf en cas de violation de l’ordre public. Voilà qui souligne une fois encore l’importance d’un bon procès-verbal. Dans les cas urgents, une action en suspension peut également être introduite en référé. Une nouveauté est que le CSA prévoit expressément qu’un vote émis peut aussi être annulé.
La nouvelle possibilité de saisir le juge lorsqu’un administrateur minoritaire abuse de son droit de vote pour bloquer une décision est aussi particulièrement utile. En l’occurrence, il peut être demandé que la décision du juge tienne lieu de vote positif de la part de cette minorité bloquante, de sorte que la décision puisse encore être adoptée.
Résolution des conflits internes 2.0
Lorsque les actionnaires d’une SRL ou d’une SA ne parviennent plus à s’entendre, la procédure de règlement des litiges est souvent la dernière issue. Cette procédure permet, sous certaines conditions, à un actionnaire de se retirer de la société ou, à l’inverse, d’exclure un autre actionnaire. Il s’agit en quelque sorte d’un divorce consacré par le droit des sociétés. Les parties en désaccord se séparent, la valeur des actions de l’actionnaire sortant étant déterminée par le juge et payée par l’actionnaire “restant”.
En ce qui concerne le prix, les parties peuvent désormais prendre des dispositions contractuelles ou statutaires, contraignantes pour le juge, pour autant que celles-ci aient spécifiquement trait à l’hypothèse de la résolution des conflits internes et ne conduisent pas à un prix manifestement déraisonnable. En l’absence de telles dispositions, le juge conserve son plein pouvoir d’appréciation (également en ce qui concerne la méthode de valorisation) et estime la valeur des titres au moment où il ordonne leur reprise, sauf si cette date de référence génère un résultat manifestement déraisonnable. A l’avenir, le juge pourra également prendre des décisions concernant certains litiges connexes au “divorce”.
Révocation, responsabilité et limitation restreinte de la responsabilité des administrateurs
Lorsque les choses se passent mal avec un administrateur, ce dernier peut être révoqué par l’assemblée générale. Dans les SRL, la règle par défaut est que le mandat des administrateurs non statutaires peut être révoqué avec effet immédiat, à tout moment et sans indication de motif (la révocabilité dite ad nutum).
Lorsqu’un administrateur commet une faute manifeste, il peut être tenu responsable par la société, à condition que cet administrateur n’ait pas obtenu la décharge, étant donné que la décharge équivaut à une renonciation au droit d’intenter une telle action (sauf en cas de fraude et autres).
Ladite limitation de la responsabilité des administrateurs de personnes morales est incontestablement une des nouveautés du CSA qui a fait le plus de bruit. En fonction du chiffre d’affaires et du total du bilan de la personne morale calculés sur une moyenne de trois ans, des plafonds de responsabilité ont été introduits pour (les membres de) l’organe d’administration. Ces plafonds, allant de 125.000 euros à 12 millions d’euros, s’appliquent à tous les administrateurs par fait ou par ensemble de faits pouvant impliquer la responsabilité, et indépendamment du fondement juridique invoqué, du nombre de demandeurs ou du nombre d’actions.
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Cet article de Geert De Buyzer a déjà apparu dans le bulletin “Pacioli” (nr. 487).
Il est possible de consulter l’article intégral via le site web de l’Institut des Comptables et Fiscalistes Agréés (IPCF).
Geert De Buyzer
Schoups Avocats
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