Avec l'entrée en vigueur du Code des sociétés et associations (ci-après : CSA) le 1er mai 2019, une plus grande flexibilité a été choisie par rapport à l'ancien Code des sociétés (ci-après : CDS). Un exemple de cette flexibilité se traduit par l'arsenal d'instruments dont dispose l'actionnaire minoritaire pour pouvoir encore exercer une certaine influence sur les décisions du conseil d'administration et/ou de l'assemblée générale. L'un de ces instruments est l'action en suspension et/ou en nullité des décisions de l'assemblée générale et/ou du conseil d'administration.
Le principe de base du CSA est que chaque action donne droit à une voix (1). Sous réserve de certaines exceptions, l'assemblée générale prend ses décisions à la majorité simple (50% + 1). C'est le cas, par exemple, pour les décisions concernant la nomination ou la révocation des administrateurs ou l'approbation ou non des comptes annuels. L'exception est une modification des statuts ou une augmentation de capital, qui requiert une majorité de 75 %. Une modification de l'objet social de la société requiert même une majorité de 80%.
A première vue, un actionnaire minoritaire dont les parts sont insuffisantes (<50%) ne semble pas pouvoir exercer une quelconque influence sur les décisions de l'assemblée générale et/ou du conseil d'administration. Cependant, la CSA fournit à l'actionnaire minoritaire certains outils pour sauvegarder les droits (éventuellement) ignorés, tels que :
- Le pouvoir individuel d’investigation et de contrôle (article 3:101 CSA);
- Le droit de convoquer l’assemblée générale extraordinaire si l’actionnaire minoritaire détient au moins 10% du nombre total d’action en circulation (articles 5:83, 6:70 & 7:126 CSA);
- Le droit d’interrogation en rapport avec les points à l'ordre du jour (articles 5:91, 6:77 & 7:139 CSA);
- Demander la désignation d’un expert (articles 5:106, 6:91 & 7:160 CSA);
- Action minoritaire pour le compte de la société contre les membres de Conseil d’administration (articles 5:104, 6:89 & 7:157 CSA);
- Demande de démission dans les SRL et SA non cotées (articles 2:68 & 2:69 CSA);
- action en exclusion dans les SRL et SA non cotées si le ou les actionnaires minoritaires détiennent ensemble des titres représentant au moins 30 % des voix. (article 2:63 CSA);
- action en dissolution de la société pour de justes motifs (article 2:73 CSA);
- action en suspension et/ou en nullité des décision de l’assemblée générale ou du Conseil d’administration (articles 2:42 – 2:48 CSA).
Dans ce qui suit, nous expliquons la procédure qui permet à un actionnaire minoritaire de suspendre/annuler une décision de l'assemblée générale ou du conseil d'administration.
L'article 2:42 CSA prévoit quatre causes de nullité d’une décision prise par un organe d’une personne moral ou par l'assemblée générale :
- lorsque cette décision a été adoptée de manière irrégulière, si le demandeur prouve que cette irrégularité a pu avoir une influence sur la délibération ou le vote ou a été commise dans une intention frauduleuse ;
- en cas d'abus de droit, d'abus, d'excès ou détournement de pouvoir ;
- lorsque des droits de vote ont été exercés alors qu'ils étaient suspendus en vertu d'une disposition légale non reprise dans le présent code et que, sans ces droits de vote illégalement exercés, les conditions de quorum ou de majorité requis pour les décisions d'assemblée générale n'auraient pas été réunis ;
- pour toute autre cause prévue dans le présent code.
Il convient de noter que la nullité d'un vote entraîne automatiquement la nullité de la décision si le demandeur prouve que la nullité de ce vote a pu influencer la délibération ou le vote (2).
Contrairement à l'ancien article 178 du Code des sociétés, qui permettait à tout intéressé d'introduire un recours en annulation, l'article 2:44 du CSA prévoit une limitation des personnes pouvant désormais introduire un recours en annulation. Seule la personne morale ou une personne ayant un intérêt au respect de la règle de droit qui n'a pas été respectée peut introduire une telle demande auprès du Tribunal de l’entreprise. L’action en nullité doit être introduite contre la société (3).
En cas d'urgence, le demandeur peut ordonner la suspension d'une décision en référé. Il devra démontrer que les moyens invoqués peuvent, prima facie, justifier la nullité de la décision attaquée (4).
En principe, l'arrêt déclarant la nullité et l'ordonnance de suspension en référé produisent leurs effets à l'égard de tous. En ce qui concerne les personnes qui n'étaient pas parties à la procédure, les effets prennent cours à partir de la publication du jugement dans les formes prévues à l'article 2:47, § 2 du CSA. Les droits acquis de bonne foi par les tiers contre la personne morale en raison de la nullité de la décision ne sont en principe pas affectés.
Enfin, l'article 2:143, §4, deuxième alinéa du CSA prévoit un délai de prescription de six mois pour toutes les actions en annulation des décisions des organes des personnes morales, à compter du jour où les décisions sont opposables à celui qui invoque la nullité ou du jour où il en a eu connaissance.
Références
(1) https://www.studio-legale.be/het-vennootschapsrechtelijke-deskundigenonderzoek-volgens-het-wvv/?lang=nl
(2) Voir article 2:43 CSA
(3) Voir article 2:45 CSA
(4) Voir article 2: 46 CSA
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