Mes chers Confrères,
Vous aurez vraisemblablement appris que la Cour Constitutionnelle a prononcé, ce 21 juin 2018, son arrêt dans le cadre des deux recours en annulation qui avaient été introduits contre la loi du 06 juillet 2016, laquelle avait modifié – de manière assez sensible – à dater du 1er septembre 2016, les règles relatives à l’aide juridique de deuxième ligne.
Parmi les nombreuses mesures dont la constitutionnalité avait été critiquée, seule celle concernant les contributions forfaitaires dues (alias « ticket modérateur ») a été jugée inconstitutionnelle par la Cour.
Si AVOCATS.BE avait en son temps défendu l’idée d’un « ticket modérateur », celle-ci a été balayée par la Cour Constitutionnelle en quelques paragraphes très clairs.
La Cour retient notamment que :
« S’agissant d’une aide destinée aux personnes qui ne disposent pas des moyens leur permettant de prendre en charge elles-mêmes les frais relatifs à leur défense en justice, il est contradictoire de mettre à charge de ces mêmes personnes une contribution financière dans le but de les faire participer au financement de cette aide ».
Il convient objectivement de saluer le combat mené par tous ceux qui, dès le début, ont estimé que l’instauration d’un « ticket modérateur » (dont le montant avait paru pour certains ne pas pouvoir poser problème) était en soi susceptible de restreindre l’accès à la Justice.
Il y a quelques mois, AVOCATS.BE se réjouissait de ce que la valeur du point pro deo avait été fixée à 75,00 €.
Nous savons toutefois que rien n’est acquis en la matière pour l’avenir.
Le combat pour une « enveloppe ouverte » et des délais plus courts entre les prestations des avocats et leur rétribution doit se poursuivre.
L’arrêt que la Cour Constitutionnelle a rendu ce 21 juin 2018 doit aussi rappeler aux Ordres communautaires que la défense des justiciables demeure une priorité.
En la matière, il s’agit d’un nouveau signal lancé par la Cour Constitutionnelle au pouvoir politique : on ne badine pas avec l’accès à la justice.
Les Ordres Communautaires doivent aussi y être – plus que jamais – attentifs.
Dès demain, nous devrons (de préférence avec nos amis de l’OVB) insister pour qu’une réflexion réelle sur l’accès à la Justice soit menée dans ce pays, tant du point de vue des avocats que celui des justiciables.
Dans l’immédiat, l’arrêt de la Cour Constitutionnelle a d’emblée suscité quelques inquiétudes tant pour le financement de l’aide juridique, que parce que (le contraire eut été étonnant) il contient certaines dispositions transitoires.
Soyons rassurés en ce qui concerne son impact sur le financement de l’aide juridique : il ne sera sans doute que marginal.
Qui plus est, si la suppression des contributions forfaitaires est avant tout une bonne nouvelle pour les justiciables qui ne devront plus la payer, beaucoup d’avocats seront certainement soulagés de ne plus devoir la réclamer et intégrer dans leur comptabilité des montants de 20,00 € ou 30,00 €. D’autres y renonçaient même après de nombreuses démarches pour les obtenir.
C’en est également fini des discussions incessantes quant à savoir si ces contributions forfaitaires devront être majorées ou pas de la TVA (ces discussions ou craintes subsisteront toutefois pour les provisions, les taxations ou les indemnités de procédure…).
A cet égard, l’annonce d’un nouveau report au 1er septembre 2018 de l’application de la TVA aux prestations en aide juridique est insuffisante.
L’annulation des contributions forfaitaires à la désignation et à l’instance est immédiate.
En d’autres termes, à partir de ce 21 juin 2018, plus aucun bureau d’aide juridique ne peut prévoir qu’un justiciable devra payer un « ticket modérateur » tandis que l’avocat, quand bien même il aurait été désigné avant cette date, ne peut plus en exiger le paiement et invoquer une quelconque forme d’exception d’inexécution avant d’entamer ses prestations.
Toutefois, la Cour « maintient les effets des dispositions annulées dans l’article 518/17 du Code Judiciaire à l’égard des contributions perçues par les avocats dans les affaires pour lesquelles l’avocat a, au 31 août 2018, fait rapport au bureau d’aide juridique conformément à l’article 508/19 §2 alinéa 1er du Code Judiciaire ».
En fait, rien ne change pour les dossiers à clôturer pour ce 30 juin 2018 ou le 15 juillet 2018 selon le bureau d’aide juridique dont l’avocat dépend : comme l’an dernier, les contributions forfaitaires perçues seront, d’une part, déduites de l’indemnité totale de l’avocat et, d’autre part, ajoutées au budget de l’Etat pour établir le calcul de la valeur du point.
Dans ces dossiers, les contributions forfaitaires ne devront clairement pas être remboursées.
Il en est de même pour ce qui concerne les dossiers non susceptibles d’être soumis à la clôture à la date habituelle (le 30 juin 2018 ou le 15 juillet 2018), mais qui le deviendraient entre cette date et le 31 août 2018.
Il n’est pas inutile de rappeler qu’un dossier ne peut être clôturé que si toutes les prestations ont été effectuées, en ce compris l’appel.
Si une telle situation se produit entre le 30 juin 2018 ou le 15 juillet 2018 et le 31 août 2018, il est vivement recommandé aux avocats de déposer alors aussitôt leurs rapports de clôture.
Non seulement, cela leur évitera de devoir rembourser les contributions forfaitaires perçues, mais aussi, cela leur permettra d’obtenir que leurs rapports soient corrigés avant le début des contrôles croisés.
Ce type de dossier pourra de la sorte être indemnisé au printemps 2019.
Dans tous les dossiers où une contribution forfaitaire a été perçue et dont il est déjà acquis qu’ils ne pourront pas être clôturés avant le 31 août 2018, il est recommandé aux avocats de rembourser la contribution forfaitaire perçue dans les meilleurs délais et, en tout cas, avant le 31 août 2018.
On ne peut pas exclure l’hypothèse où le justiciable ne répondra pas à l’avocat qui lui aura demandé de communiquer un numéro de compte pour le remboursement de la contribution forfaitaire, voire le dispensera de la lui rembourser.
Le respect de l’arrêt de la Cour Constitutionnelle par les avocats pro deo fait sans conteste partie du contrôle de qualité confié aux BAJ par la Loi.
Dans ce contexte, l’avocat devra veiller à insérer la preuve du remboursement ou de sa dispense par le client dans son rapport de clôture.
En synthèse, si l’annulation des contributions forfaitaires à la désignation et à l’instance par la Cour Constitutionnelle entraînera des formalités dans le chef de l’avocat dans les quelques dossiers où une contribution a été perçue, celles-ci seront sans commune mesure
avec la lourdeur administrative et comptable que représentait leur perception dans un nombre finalement assez restreint de dossiers, compte tenu des exemptions et des dispenses qui avaient été prévues.
Nous espérons en tout cas que le prononcé de cet arrêt ne perturbera pas vos vacances, que nous vous souhaitons excellentes !
Alexandre Gillain, Administrateur
Muriel Clavie, Avocate en charge de l’aide juridique
Karine Trimboli, Avocate en charge de l’aide juridique
Article de La Tribune du 28 juin 2018
0 commentaires