Adaptations du service
Les avocats risquent donc de sortir grands perdants de cette bataille. Ils devront imaginer de nouveaux services et, surtout, repenser leur modèle commercial. Nous avons abordé plus tôt la question des services gratuits, comme l’accès à une banque de connaissances qui permet de fidéliser le client.
Anne De Wolf cite l’exemple du RGPD. Les entreprises actives au niveau européen ou international doivent s’allier à des partenaires capables de coordonner sa mise en œuvre de manière structurée et uniforme dans tous les pays où elles sont actives. Une aubaine pour les cabinets ou réseaux actifs à l’international ! À condition de pouvoir harmoniser leurs propres processus à l’échelle internationale, ce qui, dans de nombreux cas, n’est pas encore un fait.
Course au talent
Citons d’autres points auxquels le barreau devra se montrer attentif selon Anne De Wolf:
– Les cabinets d’avocats doivent davantage se concentrer sur la fourniture de « solutions » (comme la mise en œuvre du RGPD dont nous venons de parler, mais aussi au niveau local) et ne plus se contenter de prodiguer des conseils.
– Les cabinets d’avocats doivent accroître leur productivité au moyen de logiciels.
– Dernier point, et non des moindres : les clients se tournent vers un cabinet en raison des avocats qui y travaillent. Attirer les talents, les garder et en faire la promotion doit rester le souci premier de chaque cabinet (Comme nous l’avions déjà expliqué dans l’article « Le personal branding : meilleur investissement que l’innovation numérique » )
Une attention toute particulière doit d’ailleurs être portée aux avocates. La profession s’est féminisée à une vitesse fulgurante, mais les partenaires féminins sont encore très largement minoritaires et les femmes managing partners se comptent sur les doigts d’une main…
Comment les juristes d’entreprise choisissent-ils leur avocat ?
La seconde partie de l’entretien a été entièrement consacrée au marketing. En guise d’ouverture, j’ai posé la question suivante : qui choisit l’avocat ? Alors qu’auparavant, cette tâche incombait généralement au CEO, voire au conseil d’administration, ce sont, d’après Anne De Wolf, de plus en plus souvent les juristes d’entreprise qui choisissent, ou du moins présentent, l’avocat.
Les critères entrant en ligne de compte dans cette décision sont :
– les connaissances juridiques dans une matière spécifique ;
– la grande familiarité avec les rouages dans un secteur donné ;
– le bouche-à-oreille concernant les tarifs, le service, etc. Pour ce faire, le juriste d’entreprise fait appel, dans une large mesure, à son réseau. Il en va d’ailleurs de sa responsabilité d’actualiser ce réseau d’avocats et de confrères. Les réseaux sociaux intensifient et accélèrent, quant à eux, la communication ;
– la réputation de l’avocat. C’est ici qu’entre en jeu le marketing de contenu : publications, presse, séminaires…
Le juriste d’entreprise envisagera toujours une relation à long terme avec son avocat. Il investit en effet massivement dans les connaissances sectorielles et de l’entreprise de l’avocat, un investissement qui n’est rentable que sur le long terme. Anne souligne, de plus, que la relation client/avocat est toujours basée sur la confiance. Ce qui, une fois de plus, prend du temps. En cas de départ de l’avocat du cabinet, les clients seront tentés de le suivre dans son nouveau cabinet. « J’en ai moi-même fait l’expérience quand j’étais juriste d’entreprise/secrétaire générale de BASF Belgium », confie-t-elle en reprenant la citation de la poète et activiste américaine, Mayo Angelou, que j’avais utilisée lors de la dernière formation de KnowtoGrow à laquelle avait participé Anne : « People will forget what you said, people will forget what you did, but people will never forget how you made them feel. »
Dans le cadre de dossiers très délicats, le juriste d’entreprise est susceptible d’être poussé à faire appel à une « valeur sûre », sans doute plus à même de présenter un candidat plus apte à traiter un dossier spécifique. Le département d’achat des grandes entreprises joue, de plus en plus souvent, un rôle d’accompagnement dans ce processus de sélection. Des appels d’offres doivent être organisés. Dans les grandes multinationales, il n’est pas rare que le juriste soit contraint de faire appel à l’un des cabinets de renommée internationale. Au contraire Anne De Wolf a également eu vent d’entreprises qui, pour des raisons budgétaires, imposent de choisir des cabinets locaux, plus petits. Quoi qu’il en soit, le juriste d’entreprise joue un rôle clé dans cette décision.
Canaux marketing pour les prestataires de services aux entreprises
Des contacts antérieurs et ses participations aux formations de KnowtoGrow m’avaient fait comprendre qu’Anne nourrissait un intérêt manifeste pour le marketing. J’avais donc très envie de connaître son point de vue sur les différents canaux marketing !
– Le site web : elle partage notre avis selon lequel le site web est d’une importance capitale. Il doit, bien entendu, être clair et structuré, à jour et adaptatif (c’est-à-dire permettre une navigation aisée et être lisible sur tablette et smartphone). Mais la « legal trend watcher » Anne De Wolf rappelle aussi que les informations ne doivent pas être trop nombreuses : « Il faut choisir ce dans quoi on est bon. » Et partir du point de vue du client, pas (uniquement) de son service et de ses spécialisations.
– Les newsletters : « J’entends souvent dire que les clients reçoivent trop de bulletins d’information de plusieurs cabinets. Ce qui n’empêche pas les juristes d’entreprise d’apprécier les newsletters, à condition toutefois qu’elles soient individualisées ou segmentées (par secteur ou matière). Sans oublier les alertes d’actualité, une manière rapide de communiquer des informations pertinentes et utiles sur de nouvelles réglementations ou des cas de jurisprudence. Elles plaisent beaucoup. La manière de rédiger les newsletters doit tenir compte du groupe cible (en d’autres termes : sont-elles destinées à des juristes ou à un autre public ?). Un exemple qui l’illustre bien : la newsletter de Monard Law. »
– Les blogs : « Les blogs sont un outil utile, à condition d’être correctement structurés et faciles à lire. Ils ne doivent donc pas inviter le lecteur à cliquer sur des liens à de trop nombreuses reprises, au risque de se révéler contre-productifs. Il doit, en outre, s’agir de marketing de contenu, c’est-à-dire un contenu pertinent pour le groupe cible. »
– Répertoires juridiques : Anne estime que les répertoires juridiques peuvent être un bon indicateur dans la quête de l’avocat ad hoc à l’étranger. D’autres éléments sont néanmoins plus importants pour le marché belge, dit-elle. Anne De Wolf me confie cependant que les mentions dans le Chambers of Legal 500 sont importantes pour la position des avocats au sein de leur propre cabinet. Les juristes d’entreprise sont d’ailleurs souvent contactés par leurs avocats qui leur demandent s’ils peuvent les proposer pour des interviews que réalisent les collaborateurs des publications. Les juristes d’entreprise se font un plaisir de collaborer, étant donnée la bonne relation qui existe entre eux et leur avocat.
– Awards : Les cabinets anglo-saxons semblent prendre les « awards » plus à cœur que les cabinets belges. Anne constate cependant que certains cabinets belges accordent plus d’importance aux « Trends Legal Awards », par exemple, organisés de manière objective et indépendante. « Quand un cabinet décroche une récompense, il ne manque pas de la placer bien en vue à la réception. Il la mentionne aussi dans les newsletters, les e-mails et autres. J’ai pu voir des cabinets juridiques dont les réceptions étaient pleines à craquer de récompenses ! Soulignons aussi qu’elles participent très certainement au teambuilding et à la motivation des collaborateurs.
Quel est le meilleur marketing pour les avocats ?
En guise de conclusion, je demande à Anne De Wolf ce qu’elle considère comme être un bon marketing. Ce à quoi elle répond qu’un marketing de qualité doit être un mélange justement dosé entre : des alertes actualité, des événements clients (tant des événements de contenu que des événements à vocation sociale), des invitations à des formations payantes, une présence sur les réseaux sociaux, des e-books, de courtes vidéos et de bonnes relations avec la presse. Ajoutons que le message, clair et limpide, doit être répété à de nombreuses reprises, chaque fois sous une forme différente !
En plus de ces recommandations en matière de communication, Anne ajoute que le marketing n’est pas que communication. Le cocktail marketing complet se compose :
– du service fourni : une évaluation/analyse correcte des risques, la capacité à se mettre à la place du client et à réfléchir avec lui/déterminer la stratégie, le partage des connaissances, des conseils pratiques allant droit au but et immédiatement transposables en pratique ;
– du service : feed-back utile, disponibilité, rapidité d’action ;
– des tarifs : tarification transparente.
« Pour survivre, les avocats doivent être des partenaires commerciaux qui réfléchissent avec leurs clients et l’entreprise de leurs clients, à la manière d’un CEO qui fait montre d’empathie pour tisser un lien à long terme avec l’entreprise. »
L’auteur: KnowtoGrow
Écrit par: Ben Houdmont
L’article complet est également publié sur knowtogrow.be
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