Avis au barreau. Un entretien avec Anne De Wolf, Legal Trend Watcher

Par Jubel

Opgelet: dit artikel werd gepubliceerd op 08/09/2017 en kan daardoor verouderde informatie bevatten.

Quand il s’agit de décrypter les évolutions, passées et à venir, des bureaux d’avocats d’affaires, personne n’est mieux placé en Belgique qu’Anne De Wolf. C’est sous sa houlette – quinze ans durant – que l’Institut des juristes d’entreprise, alors modeste association rassemblant 400 membres (ABJE), a accédé au rang d’association professionnelle, représentant actuellement 2 000 juristes d’entreprise.

Comme il fallait s’y attendre, Anne avait minutieusement préparé l’entretien. Elle avait demandé à recevoir préalablement les questions, ou du moins les sujets, que nous allions aborder. Demande à laquelle j’ai répondu sous la forme d’un e-mail d’une dizaine de lignes. Dix petites lignes qui lui ont suffi à développer une note de pas moins de neuf pages…

Le privilège de confidentialité des professions juridiques

Avant d’aborder les évolutions que connaissent les professions juridiques, nous nous sommes attardés quelques instants sur la situation spécifique des juristes d’entreprise belges. Spécifique parce qu’unique en son genre : la Belgique est, en effet, le seul pays à accorder une protection au titre de juriste d’entreprise. Les membres de l’IJE jouissent, par ailleurs, d’un privilège de confidentialité. En toute logique, ces avantages se sont heurtés, en 2000, année de fondation de l’IJE, à la résistance du barreau. Le barreau considère, en effet, le privilège de confidentialité comme un avantage concurrentiel considérable sur d’autres prestataires de services juridiques.

Tandis que certains experts, comme Jaap Bosmans, auteur de ‘Death of a law firm’, pensent que ce privilège est voué à disparaître du monde du barreau, Anne De Wolf n’hésite pas à me confier qu’il pourrait bien être accordé aux juristes d’entreprise dans d’autres pays. Elle cite notamment l’exemple de la France, sous la présidence d’Emmanuel Macron. Les juristes d’entreprise français sensibilisent en effet en permanence les pouvoirs publics à l’influence défavorable de l’absence de confidentialité pour les entreprises françaises par rapport aux pays où les juristes d’entreprise jouissent bel et bien de ce privilège. Je serais étonné que ce privilège puisse leur être accordé sous le mandat de Macron, étant donné ses tendances libérales. Mais en y réfléchissant bien, cela va en fait dans le sens de la libéralisation : le privilège de la confidentialité accordé à d’autres professions saperait (davantage) le monopole des avocats. Leur monopole de plaidoirie sera-t-il le suivant sur la liste ?

Évolutions propres aux avocats et aux juristes d’entreprise

Le monde évolue toujours plus vite. Les révolutions s’enchaînent dans les différents secteurs depuis plus de 15 ans, notamment sous l’effet de la mondialisation et des avancées technologiques. Les professions juridiques cependant, et tout particulièrement le barreau, ont longtemps été épargnées. Ce n’est qu’avec l’éclatement de la crise de 2008 qu’elles ont été soudainement confrontées aux changements de leur environnement. Des changements qui, depuis, s’accélèrent. Le contexte de lente reprise économique peut donner l’impression que le pire est derrière nous, mais ce serait là une conclusion bien dangereuse.

Nous ne nous sommes pas vraiment penchés, durant cet entretien, sur les causes de ces changements, puisqu’elles sont largement reconnues : mondialisation, pléthore de réglementations et piètre qualité de ces réglementations, évolutions technologiques, concurrence exercée par d’autres professions… Il n’est d’ailleurs pas toujours évident de faire la part des choses entre les causes et les conséquences. Mais, en fin de compte, ce n’est pas le plus important. Ce qui importe, c’est de pouvoir reconnaître les évolutions et de chercher à comprendre comment y réagir – de manière adéquate.

Cabinets boutiques et cabinets sectoriels

Ces dix dernières années, Anne De Wolf s’est employée à suivre de près plusieurs types de réactions.

Elle a notamment noté l’apparition des cabinets « boutiques ». Ceux-ci, pour répondre à la volonté des clients de pouvoir travailler avec une seule équipe, redeviennent cependant souvent des cabinets proposant un service intégral. Cette tendance nous amène à nous interroger, Anne De Wolf et moi : en effet, le caractère distinctif d’un cabinet de ce genre disparaît de nouveau.

Il n’en va pas de même pour les cabinets sectoriels. D’après Anne, ils répondent très clairement aux attentes toujours plus élevées des clients. On attend de plus en plus des avocats et des juristes d’entreprise qu’ils soient de véritables partenaires commerciaux.

Les juristes d’entreprise étaient, auparavant, souvent associés à une image négative. Ils étaient en effet ceux qui s’opposaient aux nouvelles idées, sous prétexte qu’elles étaient irréalisables dans le contexte légal. Aujourd’hui, ils sont en revanche impliqués de plus en plus tôt dans le processus décisionnel, souvent en qualité de membres du comité de direction. On attend d’eux qu’ils participent au processus de réflexion visant à façonner une idée spécifique de manière à limiter les risques légaux, en apportant leurs connaissances approfondies du secteur et des processus d’entreprise.

Cela vaut également pour les avocats, qui souffrent cependant d’un handicap par rapport aux juristes internes. De nouvelles compétences sont attendues dans le chef des juristes. Ils doivent endosser le rôle de manager, accepter leur part de responsabilités financières et être capables de les assumer.

Ils doivent soutenir les décisions moyennant une évaluation correcte du risque légal en fonction des intérêts de l’entreprise en jeu. Empathie et qualités de leadership sont, à cet égard, des compétences cruciales.

Internalisation des services juridiques

Une autre évolution est celle de l’internalisation (« insourcing »). Les départements juridiques des entreprises ne cessent de s’agrandir. Les entreprises déchargent donc les cabinets d’avocats d’une grande partie des activités « commoditizées », tout simplement parce qu’il est souvent plus simple de les organiser en interne. La réaction de nombreux cabinets ? Organiser plus efficacement ce type de travail grâce à l’utilisation des outils technologiques disponibles, comme des outils de gestion de contrats, de projets légales et des litiges. Le défi reste cependant immense pour la plupart des cabinets juridiques.

Une autre manière de contrer cette tendance consiste à proposer des services supplémentaires. Les clients s’attendent de plus en plus à bénéficier de services gratuits, comme des formations en interne, des modèles ou encore l’accès à la banque de connaissances.

Tarifs appliqués par les avocats

La crise financière a bien entendu sensibilisé les entreprises à l’importance d’une gestion beaucoup plus efficace des coûts. Le modèle classique des heures facturables a donc été, et est toujours, largement remis en question.

Les cabinets ne doivent pas se contenter de mettre dans la balance le risque et l’intérêt économique. Ils doivent aussi évaluer la nature et l’ampleur de la fourniture des conseils par rapport à cet intérêt. Ce qui est évidemment en contradiction flagrante avec la pression qui règne au sein des cabinets de maximiser le nombre d’heures facturables.

Anne De Wolf relève cependant une évolution notable depuis quelques années. Les cabinets ont, en effet, appris à tenir compte de l’intérêt du client. De leur côté, les juristes d’entreprise ont développé une manière plus professionnelle d’établir des budgets et de mener des négociations.

Les avocats doivent comprendre que les juristes d’entreprise assument une responsabilité budgétaire. Les éventuels dépassements du budget doivent, dès lors, être signalés à temps. Anne prend l’exemple d’une entreprise qui n’a appris qu’à la réception de la facture que le budget estimé avait été dépassé de 20 000 ou 30 000 euros. Ce genre de situation n’est évidemment pas (plus) acceptable. Une estimation du coût du « package total » ainsi qu’un rapport périodique de l’état du budget sont devenus obligatoires.

Évolution future

Le monde complexe dans lequel nous vivons ne réduira pas la charge de travail juridique. Bien au contraire. La répartition sera juste différente. Un dossier de « due diligence », par exemple, n’exigera plus la mobilisation d’un juriste pendant des jours entiers pour l’étude des documents et des contrats. Des logiciels assumeront la majeure partie de ce travail.

La tendance à l’internalisation se poursuivra elle aussi, notamment en raison des connaissances spécifiques et nécessaires du secteur et de l’entreprise. Une part de ce travail, et pas nécessairement les tâches à plus faible valeur ajoutée, sera transmise aux cabinets d’audit (aux « Big 4 », mais aussi à des cabinets de taille plus modeste), qui ont l’avantage de connaître l’entreprise et ses processus beaucoup mieux que ne les connaissent les avocats.

Anne De Wolf fait toutefois remarquer que Sarbanes Oxley et la directive européenne Barnier restreignent la fourniture de services compilés, ce qui joue en défaveur des cabinets d’audit. Enfin, citons les nouveaux prestataires (technologiques) de services, comme Rocket Lawyer, qui arrivent sur le marché et s’approprient une part du gâteau.

L’auteur: KnowtoGrow

Écrit par: Ben Houdmont

 

Lisez la suite de cet article bientôt sur Jubel.

L’article complet est également publié sur knowtogrow.be

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