Voilà la conclusion limpide d’une vaste étude publiée récemment par l’institut d’enquête Gallup. La recherche montre que les collaborateurs talentueux changent volontiers d’employeur au profit d’entreprises qui (1) correspondent à leur propre conception de la vie et (2) se préoccupent sincèrement de leur bien-être. Le souci du bien-être des collaborateurs figure parmi les trois critères de sélection prioritaires à tout âge, mais il arrive largement en tête (avec la diversité, l’inclusion et l’éthique, entre autres) pour les milléniaux et la génération Z. Les employés ne demandent pas de fausse sollicitude de la part de l’organisation pour laquelle ils travaillent, mais un engagement réel en faveur de leur bien-être.
Le même phénomène se manifeste dans le secteur juridique. Une étude récente de l’Association internationale du barreau montre que les juristes praticiens (tous métiers juridiques confondus) évaluent généralement leur bien-être à 51 sur 100. Ce chiffre est d’autant plus alarmant que la population générale s’attribue un score de 75 sur 100 (alors que ses conditions matérielles sont souvent plus difficiles). Parmi les juristes, les scores des jeunes, des femmes et des minorités ethniques sont encore plus faibles. Les injonctions contradictoires, les longues heures de travail, les échéances irréalistes, l’impossibilité de prendre un congé, l’absence de maîtrise de sa propre charge de travail et le manque de feed-back clair arrivent en tête de la liste des causes. Cela confirme l’idée générale que l’autonomie, l’implication et la compétence sont des facteurs majeurs du sentiment de bien-être et de bonheur.
Selon l’étude Gallup de 2021, une organisation peut devenir plus séduisante pour les meilleurs collaborateurs en améliorant sa culture d’entreprise (« work culture »). Cela nécessite de miser sur la manière de travailler, ainsi que sur la qualité du vécu quotidien des employés. L’étude précise qu’il est essentiel, dans ce cadre, d’offrir un bon équilibre entre travail et vie privée, des perspectives réelles de carrière (mais pas nécessairement de promotion) et une rémunération considérée comme équitable par rapport au travail fourni. Le bien-être des collaborateurs ne dépend pas d’un ou deux éléments isolés, mais nécessite une approche globale dans plusieurs domaines, qui contribuent ensuite au bien-être général. L’étude Gallup apporte un éclairage supplémentaire à ce sujet.
Selon l’Association internationale du barreau, il existe un écart important, dans le secteur juridique, entre les efforts que pensent fournir les organisations et le vécu concret de leurs collaborateurs en matière de bien-être personnel. Un facteur important chez les juristes est le grand manque de transparence. Le souci du bien-être et le besoin d’en parler restent fortement stigmatisés. Comme si les juristes n’étaient pas humains. Par-dessus le marché, l’Association internationale du barreau signale un problème fondamental pour le rayonnement du secteur juridique auprès du grand public, le niveau très faible du bien-être entraînant des abus d’alcool et d’autres drogues, ainsi que des prestations insuffisantes dues à la pression élevée. En 2021, il est essentiel pour un juriste de disposer des techniques et éclairages les plus actuels pour préserver son confort et son efficacité au travail et dans la vie. Sinon, ce sont nos clients qui paieront la facture autant que nous.
C’est précisément en raison de la stigmatisation du souci du bien-être et du besoin d’en parler dans les métiers juridiques que le bien-être transcende la situation individuelle des juristes. Il est indispensable pour les cabinets et organisations d’accorder une plus grande priorité au bien-être. Il est important de réaliser qu’une catégorie professionnelle en bonne santé favorise la croissance de l’organisation et du secteur.
Dans son livre « The Happiness Advantage », Achor Shawn (Harvard) explique que les personnes heureuses sont aussi plus performantes. L’importance accordée au bien-être profite donc toujours à tout le monde. Cette idée est liée à la responsabilité sociale que souhaite la jeune génération, ainsi qu’à l’exigence d’une entreprise « durable », qui doit éviter toute forme d’exploitation à outrance. Selon l’Association internationale du barreau, les juristes plus âgés peuvent jouer un rôle déterminant dans ce processus : la stigmatisation diminue lorsque ceux-ci osent aborder le sujet du bien-être et mettre sur les rails et promouvoir des initiatives en matière de bien-être. Il s’agit d’une première nécessité pour pouvoir réaliser des progrès.
Le bien-être de l’ensemble de l’équipe est également indispensable à la qualité des services fournis. En plus d’inciter les meilleurs talents à rester à bord et de réduire la rotation du personnel, le bien-être est un facteur important de la qualité des services fournis.
Ce n’est pas sans raison que l’Organisation internationale de normalisation (ISO) a lancé la norme ISO 45003 il y a quelques semaines. Dans un document détaillé, elle donne des consignes de gestion des risques psychologiques et de promotion du bien-être au travail dans le cadre d’un système de santé et de sécurité. Une organisation qui agit en bon père de famille ne peut plus détourner le regard et considérer les juristes comme des machines capables de fournir indéfiniment des prestations optimales à une époque de plus en plus exigeante.
Plus d’infos concernant la prochaine formation SERVO en français via ce lien.
Jeff Keustermans
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