Dépôt des demandes de participation et des offres via la plateforme « E-Procurement »
Depuis le 1er janvier 2020, l’ensemble des communications et des échanges d’informations entre l’adjudicateur et les opérateurs économiques, en ce compris l’introduction des demandes de participation et des offres, doivent en principe intervenir, à tous les stades de la procédure de passation, par le biais de moyens de communication électroniques, et ce quel que soit le montant du marché.
Les moyens de communication électroniques sont les « équipements électroniques de traitement, y compris la compression numérique, et de stockage de données diffusées et reçues par fils, par radio, par moyens optiques ou par d’autres moyens électromagnétiques »[1]. Cette notion doit être comprise largement et peut notamment viser le courrier électronique.
Toutefois, lorsqu’il s’agit du dépôt des demandes de participation ou des offres, les moyens de communication électroniques doivent répondre à certaines conditions visant, notamment, à garantir la sécurité du dépôt[2].
Par conséquent, lorsque l’adjudicateur fait usage de moyens de communication électroniques pour le dépôt des demandes de participation ou des offres, il doit recourir aux plateformes qui répondent à ces conditions. Tel est notamment le cas de la plateforme e-Procurement.
Dans la mesure où le dépôt des demandes de participation et des offres doit se faire par le biais de la plateforme e-Procurement, il est possible de poursuivre les procédures de passation en cours malgré le confinement imposé par le Gouvernement en raison de la pandémie du COVID-19.
Dépôt des demandes de participation et des offres via des moyens de communication autres qu’électroniques
L’adjudicateur peut néanmoins faire usage d’autres moyens de communication que les moyens électroniques[3].
Dans pareil cas, les communications peuvent se faire, à titre exceptionnel et uniquement pour les éléments de la demande de participation ou de l’offre pour lesquels les moyens de communication électroniques ne sont pas exigés, par voie postale ou par tout autre service de portage approprié ou en combinant la voie postale ou tout autre service de portage approprié et les moyens de communication électroniques. Il appartient à l’adjudicateur de justifier le recours à d’autres moyens de communication que les moyens électroniques et de préciser toutes les informations relatives à ce dépôt non-électronique dans les documents du marché.
Si les documents de marché prévoient un dépôt par voie postale ou par tout autre service de portage approprié, il n’y a alors pas de difficulté pour l’opérateur économique dès lors que ces services restent accessibles et continuent à fonctionner, malgré les circonstances particulières de confinement que l’on connaît actuellement.
Pratiquement, quelles sont les solutions ?
Se pose toutefois la question de la réception des demandes de participation et des offres par l’adjudicateur au sein de ses locaux, par exemple lorsque celles-ci lui sont adressées par porteur.
En effet, le télétravail à domicile est vivement recommandé, même pour les services publics dont la continuité doit être garantie, et le nombre d’agents présents dans les locaux des adjudicateurs doit être limité au strict minimum.
Au vu des circonstances actuelles, il serait sans doute prudent, en cas de procédure de passation en cours et nécessitant le dépôt de tout ou partie de l’offre directement au sein des locaux de l’adjudicateur, que celui-ci reporte la date et l’heure de dépôt initialement prévues par les documents du marché à une date ultérieure[4].
Dans chacune de ces hypothèses, l’adjudicateur est tenu d’informer l’ensemble des opérateurs économiques qu’il a consultés en cas de procédure négociée « sans publication » ou en publiant un avis rectificatif[5] et ce afin de respecter le principe d’égalité de traitement entre opérateurs économiques.
Le report du dépôt est par ailleurs également recommandé pour laisser davantage de temps aux opérateurs économiques pour l’établissement de leur demande de participation et de leur offre et leur signature par les personnes compétentes, ce qui est sans conteste dans l’intérêt de l’adjudicateur, sauf urgence particulière dans son chef. La qualité d’une candidature ou d’une offre est en effet souvent moins bonne lorsqu’elle est rédigée dans la précipitation.
Ce motif peut bien entendu également justifier un report de la date de dépôt dans les procédures prévoyant des moyens de communication électroniques.
Toutefois, à l’heure actuelle, il n’existe aucune obligation pour les adjudicateurs de reporter la date de dépôt des demandes de participation ou des offres. Les opérateurs économiques intéressés par un marché doivent donc veiller à ce que leurs demandes de participation et leurs offres soient déposées au plus tard avant la date et à l’heure indiquées dans les documents du marché.
A défaut de report du dépôt, il est encore conseillé aux opérateurs économiques d’envoyer leur demande de participation ou leur offre par courrier recommandé, au moins quatre jours avant la date ultime de dépôt, de manière à disposer d’une preuve de la date de l’envoi.
Pour tous les marchés publics à lancer dans les prochaines semaines, il serait plus prudent de ne retenir que le dépôt des demandes de participation ou des offres par voie électronique.
En procédure négociée « sans publication, le dépôt des offres peut se faire par courrier électronique, en dérogation avec ce qui a été rappelé ci-dessus. Il est évident que les opérateurs économiques devront préférer ce mode de dépôt ou l’envoi par voie postale et éviter les dépôts par porteur pour éviter toute difficulté.
Comment réagir en cas de demande de participation ou d’offre tardive ?
Toute demande de participation ou toute offre doit parvenir avant la date et l’heure de dépôt. A défaut, la demande de participation ou l’offre doit être considérée comme tardive et ne peut être prise en considération par l’adjuidcateur[6]/[7].
Cette règle vaut en cas d’utilisation de moyens de communication électroniques visés à l’article 14 de la loi du 17 juin 2016. Dès lors que la pandémie de COVID-19 – et le confinement qui en résulte – ne fait pas obstacle au dépôt d’une demande de participation ou d’une offre par ce biais, aucune justification ne pourrait permettre à un opérateur économique d’échapper à la sanction de tardiveté de sa demande de participation ou de son offre[8].
A l’inverse, si l’adjudicateur a prévu le dépôt par des moyens autres qu’électroniques, une demande de participation ou une offre reçue tardivement doit malgré tout être acceptée si l’adjudicateur n’a pas encore conclu le marché et l’envoi est intervenu par recommandé, au plus tard le quatrième jour précédant la date prévue pour le dépôt[9].
COVID-19 : force majeure ?
Hormis ce cas particulier, un opérateur économique pourrait-il invoquer la force majeure liée à la pandémie de COVID-19 pour justifier le retard du dépôt de sa demande de participation ou de son offre ?
Pour rappel, à ce jour, l’État belge n’a pas – encore – qualifié la pandémie de Covid-19 de cas de force majeure, contrairement à l’État français.
Si une telle qualification devait être donnée à la pandémie de COVID-19 par l’État belge, se pose la question de savoir si l’opérateur économique pourrait invoquer la force majeure pour se prémunir contre une éventuelle sanction de tardiveté.
S’il est généralement admis qu’une demande de participation ou une offre arrivée tardivement, en dehors de l’hypothèse rappelée ci-dessus, ne peut être prise en considération pour éviter d’éventuelles manipulations ou violation des principes de concurrence et d’égalité, la même sévérité doit-elle être réservée aux hypothèses où le caractère tardif du dépôt est totalement étranger à l’opérateur économique, irrésistible et imprévisible, comme l’est une force majeure ?
Une telle justification semble pouvoir être retenue dans la mesure où dans un arrêt récent du 14 décembre 2017[10], le Conseil d’Etat a jugé qu’un requérant pouvait, par principe, invoquer l’existence d’un cas de force majeure, malgré la circonstance que d’autres candidats avaient réussi le même jour à signer leur demande de participation par voie électronique.
En tout état de cause, il est essentiel – et davantage encore dans les circonstances actuelles – que les opérateurs économiques suivent de près les procédures de passation auxquelles ils participent.
Affaire à suivre donc…
Anthony Poppe & Marie Vastmans – Xirius Public
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Références:
[1] Article 2, 42°, de la loi du 17 juin 2016 relative aux marchés publics. [2] Les garanties sont énumérées à l’article 14, § 7, de la loi du 17 juin 2016 relative aux marchés publics [3] Lire en ce sens l’article 14, §§ 2 et 3, de la loi du 17 juin 2016 relative aux marchés publics. Tel est notamment le cas lorsque en raison de la nature spécialisée du marché, l’utilisation de moyens de communication électroniques nécessiterait des outils, des dispositifs ou des formats de fichiers particuliers qui ne sont pas communément disponibles ou pris en charge par des applications communément disponible ; les applications prenant en charge les formats de fichier adaptés à la description des offres utilisent des formats de fichiers qui ne peuvent être traités par aucune autre application ouverte ou communément disponibles ou sont soumises à un régime de licence propriétaire et ne peuvent être mises à disposition par téléchargement ou à distance par l’adjudicateur ; l’utilisation de moyens de communication électroniques nécessiterait un équipement de bureau spécialisé dont les adjudicateurs ne disposent pas communément ; les documents du marché exigent la présentation de maquettes ou de modèles réduits qui ne peuvent être transmis par voie électronique ; il s’agit d’un marché public passé selon la procédure négociée sans publication ou mise en concurrence préalable dont le montant estimé est inférieur au seuil fixé pour la publicité européenne ; l’utilisation d’autres moyens de communication que les moyens électroniques est nécessaire en raison soit d’une violation de la sécurité des moyens de communication électroniques, soit du caractère particulièrement sensible des informations qui exigent un degré de protection extrêmement élevé ne pouvant pas être assuré convenablement par l’utilisation d’outils et de dispositifs électroniques dont disposent communément les opérateurs économiques ou qui peuvent être mis à leur disposition par d’autres moyens d’accès. [4] La circulaire adoptée par la Région wallonne le 23 mars 2020 suggère, en ce sens, aux adjudicateurs de reporter la date du dépôt des offres et des demandes de participation au 20 avril 2020 – https://marchespublics.wallonie.be/news/consequences-des-mesures-sanitaires-liees-au-covid-19-sur-les-marches. [5] Attention, en cas de report de la date de dépôt, il convient de respecter les délais de report prévus à l’article 9, al. 2 et 3, de l’arrêté royal du 18 avril 2017 relatif à la passation des marchés publics dans les secteurs classiques et de l’arrêté royal du 18 juin 2017 relatif à la passation des marchés publics dans les secteurs spéciaux. [6] Lire en ce sens l’article 83 de l’arrêté royal du 18 avril 2017 pour les secteurs classiques et l’article 81 de l’arrêté royal du 18 juin 2017 pour les secteurs spéciaux en cas de procédure ouverte ou restreinte. [7] Lire en ce sens l’article 92 de l’arrêté royal du 18 avril 2017 pour les secteurs classiques et l’article 89 de l’arrêté royal du 18 juin 2017 pour les secteurs spéciaux en cas de procédure en cas de procédure négociée « avec publication ». [8] Sauf une indisponibilité de la plateforme électronique. Voy. à ce propos les articles 57, § 1er, de l’arrêté royal du 18 avril 2017 et 63, § 1er, de l’arrêté royal du 18 juin 2017. [9] Lire en ce sens l’article 57, § 2, de l’arrêté royal du 18 avril 2017 et l’article 63, § 2, de l’arrêté royal du 18 juin 2017. [10] C.E., arrêt n° 240.186 du 14 décembre 2017. |
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