Le nouveau droit des obligations fait partie de l’approche progressive de notre Code civil belge. La base de notre ancien Code civil (qui, malgré son nom, est en fait encore partiellement en vigueur) remonte à Napoléon Bonaparte, en 1804. On comprend facilement l’importance de cette opération de modernisation. Depuis le 1er janvier 2023, nous assistons à l’entrée en vigueur d’un nouveau Livre 5 du Code civil, relatif aux « Obligations ». Un exposé exhaustif ne vous sera pas d’une grande utilité ; mais nous souhaitons par contre mettre brièvement l’accent sur quelques éléments. Il nous semble important de relever des principes importants que vous pouvez utiliser dans vos contrats.
La théorie de l’imprévision
Tout d’abord, nous constatons que la théorie de l’imprévision est inscrite dans la loi. C’est un principe que nous vous avons déjà signalé à plusieurs reprises l’année dernière ; et il n’a manifestement rien perdu de son importance.
Ce principe implique qu’une partie contractante peut demander à l’autre partie de renégocier (en vue de modifier ou même de résilier le contrat) si les circonstances ont changé par rapport à ce qui était prévisible lors de la conclusion du contrat. Si ce changement n’est pas causé par cette partie elle-même, mais rend l’exécution de ses obligations déraisonnablement difficile, il peut être décidé que l’autre partie ne puisse plus exiger l’exécution du contrat.
Points d’attention
- Soyez donc conscients qu’un tel principe entre en jeu, même si vous n’en avez pas convenu contractuellement.
- Ce n’est pas que cette théorie de l’imprévision s’oppose à ce que vous estimez être un accord bien négocié. Mais elle vous permet de reprendre ces négociations même après leur arrêt. Si vous souhaitez en éviter l’application, vous pouvez l’exclure contractuellement (contrairement à ce qui se passe dans d’autres pays comme, par exemple, aux Pays-Bas).
- Rien n’est jamais tout blanc ou tout noir, et il en va de même ici. Il n’y a pas nécessairement lieu de choisir entre l’application ou la non-application. Une voie médiane, une application soumise à des règles de base claires, est envisageable. Par exemple, renégociation dès que des circonstances imprévues et inexplicables ont un impact supérieur à un certain montant ; renégociation possible uniquement dans un certain délai après la signature initiale de l’accord ; ou, à l’inverse, au plus tôt après un certain délai ; et ainsi de suite.
- Continuez à respecter les accords initiaux tant que vous n’avez pas pu conclure un accord différent avec l’autre partie. La théorie de l’imprévision ne vous donne pas carte blanche pour imposer unilatéralement des conditions différentes du jour au lendemain.
Si les renégociations échouent et qu’aucune solution n’est trouvée dans un délai raisonnable (là encore : possibilité d’accord contractuel sur la durée de ce « délai raisonnable »), le tribunal peut, à la demande de l’une des parties, modifier le contrat ou même le résilier en tout ou en partie.
En outre, cette action en justice est engagée et traitée comme une procédure en référé.
Les clauses abusives
Une législation complète et spécifique pour les situations B2C était déjà en place depuis un certain temps. En Belgique, c’est depuis la fin de l’année 2020 que divers accords concernant les clauses dites abusives s’appliquent également à la relation B2B.
Le nouveau droit des obligations reprend ce principe, même s’il s’appliquera principalement pour la situation C2C ou pour les contrats liés aux services financiers. Car pour le reste, les réglementations B2C et B2B plus spécifiques prévalent.
Néanmoins, il est intéressant d’accorder à ce principe toute l’attention qu’il mérite : toute clause non négociable et qui semble créer un déséquilibre entre les droits et les obligations des parties est illégale. Conséquence : on agit comme si, en soi, la clause n’était pas écrite.
Points d’attention
- Généralement, le principe d’équilibre peut être respecté assez facilement : si vous souhaitez qu’une obligation soit imposée à l’autre partie, ou qu’un droit spécifique vous soit accordé, pensez à vous inspirer de cet accord et à la manière dont vous pouvez vous-même inclure une obligation similaire ou accorder le même droit à l’autre partie.
- Soyez parcimonieux avec les dispositions « non négociables ». Ne recourez pas à cette position de manière trop désinvolte ; et, pour préserver l’ordre en tout cas, réservez-la à ce qui compte vraiment, tout en gardant à l’esprit les implications juridiques de l’équilibre à maintenir.
La résiliation extrajudiciaire
Vous avez certainement vu depuis de nombreuses années le principe de la résiliation extrajudiciaire dans les contrats. Le nouveau droit des obligations a maintenant légiféré en la matière, ou du moins en a établi la possibilité. Néanmoins, il est certainement toujours utile de conclure des accords contractuels à ce sujet.
Points d’attention
- L’accord contractuel permet de fixer le seuil de déclenchement : il est bon de savoir que la résiliation peut intervenir via un écrit à l’autre partie sans devoir passer par les tribunaux ; mais quels manquements les parties contractantes elles-mêmes considèrent-elles comme suffisamment déterminants ? Quelles obligations sont vraiment essentielles ?
- Envisagez des accords supplémentaires. Par exemple : dans quel délai une réponse doit-elle être apportée à la suite d’un manquement ? Existe-t-il des accords qui devraient survivre à la résiliation du contrat ? Qu’en est-il de la restitution ou de toute obligation de restauration ? La restauration des dommages est-elle essentiellement réglée en espèces ou en nature ? Etc.
- Une fois encore, il convient d’être prudent avec les accords compte tenu des clauses abusives citées plus haut. Si les droits d’une partie sont illégalement restreints ou exclus en raison d’une rupture de contrat ou d’une mauvaise exécution par l’autre partie, il y a de fortes chances que vous soyez rappelé à l’ordre.
La résiliation est, bien entendu, un principe d’une grande portée et l’un des plus intrusifs. Si cette piste va trop loin pour le scénario en question, la réduction du prix peut éventuellement offrir une issue. La question évidente est alors de savoir quelle est la différence de valeur entre la prestation convenue et celle qui a finalement été fournie. Si nécessaire, prévoyez contractuellement qu’une telle piste peut être suivie, à condition toutefois de faire appel à un expert pour estimer cette différence.
Par ailleurs, n’attendez pas nécessairement qu’un manquement majeur intervienne effectivement. S’il apparaît clairement à l’avance (une présomption ne suffit pas) que le manquement est inévitable, parce que, par exemple, des délais antérieurs n’ont pas été respectés par l’autre partie et que la livraison finale en temps voulu est devenue impossible, le contrat peut d’ores et déjà être résilié. Toutefois, une « anticipatory breach » (rupture anticipée) n’est possible que si les conséquences de l’inexécution par l’autre partie sont suffisamment graves pour vous et que les circonstances sont exceptionnelles. En outre, vous devez avoir exigé de l’autre partie qu’elle offre des garanties adéquates dans un délai raisonnable quant au respect des accords.
Terminons par un conseil général dans le cadre des obligations
Toujours dans cette ligne de modernisation : si vous le souhaitez, prévoyez dans votre contrat des dispositions relatives à l’utilisation des mails. Selon le cas, les lettres recommandées peuvent encore être privilégiées. Mais très souvent, le principe du courrier électronique comme moyen de communication privilégié est standard. Inscrivez-le en toutes lettres dans votre contrat, notamment en ce qui concerne les adresses électroniques à utiliser, la méthode de notification d’un changement d’adresse électronique et les délais : dans quel délai après l’envoi d’un courrier électronique le destinataire est-il censé l’avoir lu ; à partir de quand pouvez-vous supposer que l’autre partie a lu votre message (et donc à partir de quand commence à courir le délai dans lequel l’autre partie doit réagir).
Mathieu Roelens, Manager Legal Vandelanotte
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