Par un arrêt du 3 juin 2021, la Cour Constitutionnelle a dit pour droit que l’article 17 du Code des droits de succession (avant son abrogation, en ce qui concerne la Région flamande, par le Code flamand de la fiscalité du 13 décembre 2013) est contraire au principe constitutionnel d’égalité en ce qu’il ne prévoit pas que les contribuables qui recueillent, dans la succession d’un résident en Belgique, des biens mobiliers détenus à l’étranger peuvent voir le droit de succession exigible en Belgique, qui frappe ces biens, être réduit jusqu’à concurrence du montant de l’impôt de succession prélevé dans le pays où ces biens sont détenus (arrêt n° 80/2021 du 3 juin 2021).
En l’espèce, il s’agissait de la succession d’un résident flamand qui détenait des biens mobiliers et immobiliers tant en Belgique qu’en Espagne.
Conformément à l’article 15 du Code des droits de succession tel qu’applicable à l’époque, les héritiers du défunt avaient déposé une déclaration de succession qui portait sur l’universalité de ses biens, en ce compris les biens mobiliers et immobiliers situés en Espagne.
En application des règles fiscales espagnoles, les héritiers avaient également été contraints de déposer une déclaration de succession en Espagne pour les biens situés sur le territoire espagnol.
Après avoir acquitté l’impôt successoral espagnol, les héritiers avaient sollicité auprès de l’administration fiscale belge l’imputation de cet impôt sur le droit de succession payé en Belgique.
Or, l’administration fiscale n’avait alors admis cette imputation que partiellement au motif que l’article 17 du Code des droits de succession (avant son abrogation, en ce qui concerne la Région flamande, par l’article 5.0.0.0.1, 4°, du Code flamand de la fiscalité du 13 décembre 2013), ne prévoit une telle imputation que pour l’impôt successoral payé sur les biens immobiliers situés à l’étranger à l’exclusion des biens mobiliers.
En effet, l’article 17 tel qu’applicable à cette affaire prévoyait que :
« Lorsque l’actif de la succession d’un habitant du royaume comprend des immeubles situés à l’étranger qui donnent lieu à la perception, au pays de la situation, d’un impôt successoral, le droit de succession exigible en Belgique est, dans la mesure où il frappe ces biens, réduit à concurrence de l’impôt prélevé par le pays de la situation, converti en euro à la date du paiement de cet impôt.
La réduction dont il s’agit est subordonnée au dépôt, chez le receveur qui détient la déclaration de succession, de la quittance dûment datée des droits payés à l’étranger, ainsi que d’une copie, certifiée conforme par les autorités étrangères compétentes, de la déclaration qui leur a été remise et de la liquidation qu’elles ont établie.
Si les pièces justificatives visées à l’alinéa précédent ne sont pas déposées avant l’échéance des droits, ceux-ci doivent être payés dans le délai légal, sauf restitution, le cas échéant conformément à ce qui est prévu à l’article 135, 2° »
Voyant dans cette différence de traitement une violation du principe constitutionnel d’égalité, les héritiers ont saisi la justice qui les a déboutés de leur demande. Finalement, saisie à son tour, la Cour de cassation a décidé de poser une question préjudicielle à la Cour constitutionnelle.
Après avoir constaté que la différence de traitement repose sur une critère de distinction objectif, à savoir le caractère immobilier ou mobilier du bien qui fait partie de la succession, la Cour constitutionnelle a examiné les travaux préparatoires de la loi du 10 août 1923 « apportant des modifications aux lois sur les droits de timbre, d’enregistrement, de greffe, d’hypothèque et de succession » qui a instauré l’article 17 du Code des droits de succession et a constaté que les motifs qui avaient justifié cette différence de traitement à l’époque ne sont plus pertinents.
Ainsi, « Indépendamment du fait que d’autres pays prélevaient ou non en 1923 un impôt de succession sur des biens mobiliers détenus par des non-résidents sur leur territoire, il apparaît qu’à l’heure actuelle, plusieurs pays dont l’Espagne prélèvent un tel impôt de succession.
En outre, la mobilité internationale tant des personnes que des biens et des capitaux a sensiblement augmenté depuis 1923. De ce fait, les Belges détiennent actuellement beaucoup plus de biens mobiliers à l’étranger qu’au moment de l’adoption de la disposition en cause. Ces biens peuvent avoir une valeur considérable, notamment lorsqu’il s’agit d’avoirs bancaires ou d’actions » (B.6.1).
Dans ce contexte, « Rien ne justifie que le législateur compétent continue à traiter le contribuable qui hérite de biens mobiliers différemment du contribuable qui hérite de biens immobiliers » (B.6.3).
Constatant que « la disposition en cause a été instaurée pour tempérer la sévérité d’une double imposition successorale et elle a été inspirée par un souci d’équité », la Cour constitutionnelle a relevé que « Au regard de cet objectif et compte tenu de ce qui est dit en B.6, il n’apparaît pas que la différence de traitement qui découle de l’article 17 du Code des droits de succession, selon que l’impôt de succession porte sur des biens immobiliers ou mobiliers, repose sur un critère de distinction pertinent » (B.7).
L’on ne peut que se réjouir de cet arrêt dont peuvent déjà se prévaloir les héritiers du défunt concerné. Nul doute que les législateurs régionaux emboiteront le pas à la Cour constitutionnelle et modifieront leur législation afin de mettre fin à l’exclusion anachronique de l’imputation de l’impôt successoral étranger sur l’impôt successoral belge lorsqu’il porte sur des biens mobiliers.
Rafaël Alvarez Campa, Avocat associé Everest Law
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