En tant que juriste, vous communiquez en permanence, avec d’autres juristes, mais également avec des non-spécialistes. Vous devez donc utiliser un langage compréhensible. Mais c’est quoi, un langage “compréhensible” ? Faut-il expliquer quelque chose comme si vous écriviez pour un enfant en bas âge, un enfant de l’école primaire, un adolescent, … ? Et est-ce que des subtilités ne se perdent pas à force de simplifier ? Les juristes ont parfois du mal avec ça. Mais une chose est sûre : “langage compréhensible” n’équivaut pas à “langage enfantin”.
Même les lecteurs “professionnels” aiment le langage clair
“Après tout, nous devons prendre le lecteur au sérieux.” C'est un argument souvent avancé contre le langage simple dans les textes professionnels. Nous ne pouvons tout de même pas nous adresser au lecteur dans un langage enfantin ? C’est vrai. Mais langage compréhensible n’équivaut pas à langage enfantin. Car vous savez, même les lecteurs “hautement qualifiés” aiment les textes compréhensibles. Et pour cause, personne n’a envie de lire une phrase trois fois pour finalement ne comprendre qu’à moitié ce qu’elle dit. C’est une perte de temps. En outre, notre cerveau est fondamentalement paresseux et préfère les informations faciles à traiter.
Quelques réflexions supplémentaires à prendre en considération : votre lecteur peut être très hautement qualifié, mais il …
- … n’a peut-être aucune connaissance de votre domaine d’expertise (par exemple, un ingénieur qui a besoin de comprendre un texte juridique, ou vice versa)
- … n’a pas forcément la même langue maternelle
- … pourrait être dyslexique
La peur de ne pas être pris au sérieux
Ceux qui doivent communiquer chaque jour dans leur contexte professionnel craignent parfois de ne pas être pris au sérieux si leur langage est trop simple. Qu’en pensera le lecteur ? Certains auteurs vont alors surcompenser et vont truffer leurs textes de jargon technique et de toutes sortes de mots inhabituels. Après tout, l’utilisation de mots difficiles montre que vous êtes intelligent et bon dans votre travail, n’est-ce pas ? Nous allons tout de suite vous aider à sortir de ce rêve : c’est le contraire qui est vrai. Toute personne qui utilise des mots trop recherchés est en fait perçue comme moins intelligente par le lecteur.
Pensez à cette citation attribuée à Einstein : “Si vous ne pouvez pas l’expliquer simplement, c’est que vous ne le comprenez pas assez bien”. Celui qui maîtrise parfaitement un sujet devrait également être capable de l’expliquer clairement. Il semble que c’est aussi l’avis des lecteurs.
Avez-vous déjà utilisé un mot difficile dans une présentation, un rapport ou un article de blog pour paraître intelligent ? Vous n’êtes pas le seul ou la seule. Une étude du linguiste américain Oppenheimer (pas celui du projet Manhattan) montre que 86 % des orateurs et des auteurs l’ont déjà fait.
La différence entre le langage compréhensible et le langage enfantin
Nous espérons vous avoir déjà convaincu(e) qu’il est indispensable d’écrire des textes compréhensibles. Vous avez encore des doutes ? Poursuivez votre lecture. Nous vous expliquons brièvement la différence entre écrire dans un langage compréhensible et écrire en utilisant un langage enfantin.
Les mots …
Quel est le point commun entre les mots “communiquer”, “compenser” et “contexte” ? Ce sont des mots que vous avez pu lire plus haut dans ce texte. Et ce sont des mots de huit lettres ou plus. Pourtant, aucun lecteur de ce texte n’aura du mal à les comprendre. En revanche, quiconque qui a déjà feuilleté un livre de lecture à haute voix pour enfants en bas âge constatera que les mots qu’il contient – de quatre lettres en moyenne – sont très courts. En effet, le vocabulaire d’un enfant est encore limité. Conclusion : il n’est pas nécessaire d’utiliser des mots de quatre lettres pour se faire comprendre. Alors, ne vous laissez pas tenter d’utiliser des mots comme imbroglio, illico, pénultième et adage, alors que vous pouvez également choisir confusion, tout de suite, avant-dernier et dicton. Sauf si vous êtes sûr et certain que vos lecteurs sont des amoureux du langage qui apprécient ce genre de vocabulaire soutenu.
… et les phrases
Il en va de même pour les phrases. Les livres pour enfants contiennent des phrases courtes. En général, elles ne comptent que six mots, parfois quatre ou cinq. Tout le monde peut comprendre cela. Mais c’est aussi ennuyeux. Pour que le texte soit non seulement compréhensible, mais aussi agréable à lire, il vaut mieux varier la longueur des phrases. Dans un texte standard, les phrases contiennent 15 mots en moyenne. Vos lecteurs comprendront même ces phrases plus longues sans problème (80 % des locuteurs). Selon des spécialistes, une phrase peut compter jusqu’à 20 ou 25 mots. Pour les phrases plus longues, il est toutefois important de les construire de manière claire. En utilisant trop de subordonnées, vous rendez vite un texte incompréhensible.
Le public cible
Vous écrivez une note pour un collègue du service juridique, pour le conseil d’administration, pour un chef d’entreprise sans formation juridique, pour des collègues d’autres services, pour un avocat ou un notaire, pour des clients, … Pour chacun d’entre eux, ce qu’ils entendent par “langage compréhensible” sera probablement quelque chose de différent. Vous n’écrivez donc pas pour des enfants. Et c’est ça qui fait la différence.
Celui qui écrit pour des enfants écrira également de façon “compréhensible”, mais en s’adaptant à leur niveau. Cela va bien au-delà du “langage enfantin”. En effet, il ne s'agit pas seulement de la difficulté des mots ou de la longueur des phrases. Il s’agit du choix du sujet, de la construction de la narration. En fait, le terme “langage enfantin” a, à tort, une connotation quelque peu négative. Après tout, un auteur de livres pour enfants prend bel et bien ses lecteurs au sérieux. En effet, même si l’on écrit pour les enfants, ce n’est pas en étant condescendant ou pédant, mais en utilisant le bon registre de langue.
Conclusion
Vous voulez faire passer un message, vous voulez que votre lecteur agisse ? Rendez votre message aussi simple que possible. Un texte difficile va frustrer le lecteur. Vous n’obtiendrez pas le résultat escompté.
Tout le monde préfère lire un texte écrit en langage compréhensible. Même vos pairs. Mais cela ne signifie pas nécessairement écrire des phrases courtes avec des mots de cinq lettres.
Wim Putzeys, rédacteur en chef Jubel
0 commentaires