Le régime fiscal des voitures de société a subi une énième réforme. Conséquence : la taxation de bon nombre de voitures sera désormais plus lourde. Par ailleurs, nous craignons que cette refonte ne mène au chaos, pas forcément sur les routes, mais peut-être bien sur les plans comptable et fiscal.
Réforme des frais de voiture à l’impôt des personnes physiques
Pour commencer, les frais de voiture ont déjà été réformés une première fois à l’impôt des personnes physiques le 1er janvier 2018. En effet, depuis cette date, leur déductibilité est alignée sur celle en vigueur dans le cadre de l’impôt des sociétés. Autrement dit, la déduction des voitures particulières s’opère, elle aussi, en fonction des émissions de CO2. A une petite exception près. Toutes les voitures déjà reprises dans la comptabilité d’une entreprise-personne physique avant le 1er janvier 2018 ont l’avantage d’être toujours déductibles à 75% minimum.
Une voiture polluante n’entraînera donc pas de désavantage, mais les véhicules écologiques pourront, de leur côté, bénéficier d’une déduction plus élevée. Si une société unipersonnelle a acheté une autre voiture (neuve ou d’occasion) depuis le 1er janvier 2018, il se peut toutefois que la déduction tombe à 50%, voire à 40%, à partir de 2020.
Réforme de l’impôt des sociétés
Tout le monde avait eu le temps d’acquérir une maîtrise suffisante de la fiscalité automobile actuelle. Mais voilà, après la déduction liée au CO2 instaurée en 2007, après celle des frais de carburant, soumise à des restrictions depuis 2010, et après le nouveau calcul des avantages de toute nature en vigueur depuis 2012, l’heure d’un énième changement avait apparemment sonné… Un grand changement… aux conséquences plus grandes encore qu’on ne l’imaginerait à première vue.
Modification du pourcentage de déduction
A partir de l’exercice d’imposition 2021 (pour les exercices ayant débuté au plus tôt le 1er janvier 2020), c’est en premier lieu le pourcentage déductible qui changera. Pour toutes les voitures ou presque ! Avant toute chose, on devra vérifier si les émissions de CO2 du véhicule concerné sont inférieures à 200 grammes par kilomètre ou pas. Si elles sont égales à ce seuil, voire supérieures, le pourcentage de déduction s’établira à 40%. Si elles sont inférieures à 200 g/km, le pourcentage de déduction se calculera suivant cette formule: 120% – (0,5% × émissions de CO2 × coefficient carburant).
Le coefficient carburant est de 1 pour les voitures au diesel. Les voitures qui roulent au gaz naturel comprimé (GNC ou CNG [Compressed Natural Gas]) et qui affichent au maximum 12 chevaux fiscaux (CV), peuvent tabler sur un coefficient de 0,9 que le Roi est même habilité à abaisser à 0,7. Attention, le gaz naturel, ce n’est pas du LPG (Liquified Petroleum Gas, parfois appelé GPL ou gaz de pétrole liquéfié ou gaz automobile dans d’autres pays). Toutes les autres voitures – donc, celles roulant au LPG ou à l’essence aussi – donnent lieu à l’application d’un coefficient de 0,95.
Modification de la déduction des frais de carburant
La deuxième modification concerne la déduction des frais de carburant : à partir de l’exercice d’imposition 2021, ils ne pourront plus être déduits au taux fixe de 75%, mais leur déductibilité subira la même limitation que celle appliquée à la voiture à laquelle le carburant se rapportera. Cela signifie non seulement que les factures du fournisseur de carburant ne pourront plus être comptabilisées en bloc et qu’il faudra les ventiler par voiture, mais aussi que, dorénavant, chacun de ces postes de frais de carburant sera soumis à un pourcentage de déduction spécifique. De nouveau, l’effet sera relativement modéré si le parc de véhicules est modeste, puisque, dans ce cas, il sera toujours possible de travailler avec un sous-compte par voiture pour ce qui est des frais de carburant.
Fausses hybrides
Troisième modification, l’introduction de la notion de « fausses hybrides ». Comme la rumeur s’intensifiait selon laquelle l’achat d’un véhicule hybride rechargeable s’expliquait par des raisons purement fiscales et que le câble de recharge ne servait jamais, le législateur a instauré un régime dans lequel les modèles équipés d’une batterie trop petite ne permettant pas, dans la pratique, de rouler, ou si peu, à l’électricité, sont qualifiés de « fausses » hybrides et ne bénéficient donc pas d’un avantage fiscal. En général, les voitures dotées d’une batterie insuffisante sont utilisées comme des versions essence ou diesel ordinaires, ainsi qu’il est dit dans l’exposé des motifs.
Valeurs de CO2
Une dernière modification qui n’est pas spécifiquement en rapport avec la réforme de l’impôt des sociétés, mais qui aura des conséquences fiscales, concerne les méthodes de mesure du CO2. Auparavant, on mesurait le taux d’émission de CO2 d’un nouveau modèle au moyen de la méthode du NEDC (de l’anglais New European Driving Cycle ou nouveau cycle de conduite européen). Ne vous laissez pas induire en erreur par le terme « New », car il s’agit en fait d’une procédure datant des années 1970. Elle ne tient pas compte de techniques modernes comme les systèmes Stop-and-Start, les hybrides et autres dispositifs. En outre, ce test ne fait pas intervenir non plus la densité du trafic sur les routes et les embouteillages qui en résultent.
Les taux de CO2 livrés par le NEDC dans nos conditions de circulation ne sont plus réalistes. Raison pour laquelle on a élaboré une nouvelle procédure, plus actuelle. Il s’agit de la WLTP, acronyme de l’anglais Worldwide Light vehicle Testing Procedure (en français, procédure d’essai mondiale harmonisée pour les voitures et les véhicules utilitaires légers). Ce nouveau test tient davantage compte des techniques et conditions de circulation de notre époque. On ne s’étonnera dès lors pas que les taux de CO2 de la procédure WLTP soient nettement plus élevés que ceux affichés par les mêmes véhicules selon le test NEDC. Les taux de CO2 observés avec la WLTP sont en moyenne 20% plus élevés que ceux fournis par le test NEDC.
Conclusion
Vous l’aurez remarqué, nous sommes d’avis que l’on n’a pas encore pris toute la mesure du surcroît de tracasseries administratives que la nouvelle fiscalité automobile engendrera. Elle réclamera des adaptations afin d’en connaître le traitement sur le bout des doigts. Et… sans vouloir décourager le lecteur, toute cette polémique entre WLTP et NEDC pourrait fort bien déboucher sur une nouvelle refonte complète de la fiscalité automobile…
Roel Van Hemelen
Conseil fiscal TaxQuest
Vous trouverez une version complète de cet article dans Pacioli No. 495. Vous pouvez le lire ici.
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