23 Nov 2021 | Expertise, Nouveauté

Il existe des juges qui veillent effectivement à ce qu’une transaction pénale ne devienne pas une ‘bonne affaire’

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Opgelet: dit artikel werd gepubliceerd op 23/11/2021 en kan daardoor verouderde informatie bevatten.

Récemment j’ai eu l’occasion de consacrer un article web au phénomène des ‘super-procureurs’ suite à la contribution fort intéressante de mon confrère respecté Hugo Lamon sur ce sujet.

A la marge du sujet, l’aspect du règlement extrajudiciaire a croisé mon chemin, dont la transaction pénale élargie sous l’article 216bis du Code d’instruction Criminelle (C.I.Cr.) est la plus connue.  J’utiliserai ci-après le terme ‘transaction pénale’.

Dans ma contribution je soulignais qu’il est nécessaire de continuellement évaluer l’efficacité de la transaction pénale.  Il fut aussi mentionné qu’il existe très peu d’études empiriques sur l’application de la transaction pénale et que l’on arrive assez rapidement à des polémiques non-fondées d’‘en une seule ligne’ comme ‘justice de classe’, ‘réservé qu’aux riches’, etc.

Cependant la matière empirique récente jette une lumière quelque peu différente sur l’application de la transaction pénale.  Même si cette étude n’est qu’une incitation à un bilan plus approfondi, elle semble néanmoins démontrer que les critiques rapides dont elle est souvent victime, ne sont pas fondées.

Une des ‘en une seule ligne’ que l’on entend souvent est que les soi-disant riches se tirent à bon compte de leur poursuite pénale.  Cette affirmation sous-entend que, quand la poursuite judiciaire est déjà instruite, et que les juges doivent dès lors homologuer la transaction entre le ministère public et la partie poursuivie, ceux-ci ne feraient pas bien leur travail.

Dès lors il est intéressant de voir ‘passer’ un cas pratique permettant de vérifier ce type d’allégation.  Ainsi l’occasion se présente avec un arrêt de la cour d’appel de Liège du 17 juin 2021.  Ce jugement fut rendu après que le tribunal correctionnel en première instance ait refusé d’homologuer une transaction pénale et que tant le ministère public que le prévenu aient fait appel contre cette décision.

Avant de commenter cette décision il est utile de rappeler brièvement les conditions d’homologation.

L’art. 216bis, § 2, par 8 C.i.Cr. dispose que le ‘juge habilité’ juge de la validité de la transaction proposée et la ratifie.  Pendant la phase de jugement (ce qui était le cas), il s’agit du juge pénal auprès duquel l’affaire est instruite et qui doit juger des inculpations qui font l’objet de la transaction dans le temps et l’espace.

Ce devoir de contrôle est limité aux points suivants :

  • (1) les conditions matérielles d’application pour une transaction de l’article 216bis, § 1, 1er C.I.Cr.. sont-elles remplies , c.-à-d. :
    • 1° ne paraît-il pas être de nature à devoir être puni avec une peine principale de plus de deux ans d’emprisonnement correctionnel ou d’une peine plus lourde, et
    • 2° ne comporte-t-il pas d’atteinte grave à l’intégrité physique ;
  • (2) les victimes, et – en cas de délits fiscaux ou sociaux – l’administration fiscale et sociale, ont-elles été indemnisées ;
  • (3) le suspect a-t-il accepté la transaction de manière libre et éclairée (en connaissance de cause suffisante) ;
  • (4) dans quelle mesure la transaction proposée est proportionnée à la gravité des faits et à la personnalité du suspect.

In casu la cour de Liège vérifie minutieusement si ces conditions sont remplies dans le jugement du premier juge.  Avant de procéder à cette vérification la Cour répète une fois de plus qu’il appartient au ministère public de juger de l’opportunité de poursuivre ou non, dans les limites des directives de la politique pénale.  La cour souligne également que ceci ne constitue pas, selon la cour constitutionnelle, une atteinte au principe d’égalité.

Après cette considération générale, la cour insiste sur le fait que la transaction pénale envisagée doit réussir l’examen d’homologation.  Celui-ci concerne aussi bien la légalité que la proportionnalité, ce qui implique que le montant de la transaction n’est pas simplement laissé à l’appréciation du ministère public.  Pour l’examen effectif la cour d’appel rappelle également les autres conditions.

Lors de l’examen d’homologation effectif la cour considère que :

  • le prévenu a agi en pleine connaissance de cause et de son plein gré, ceci en étant assisté d’un conseil;
  • l’accord transactionnel motive le montant en tenant compte de l’écoulement du temps, le rôle de chaque prévenu et leur personnalité ;
  • le premier juge a observé que la transaction exclut les frais d’expertise à charge du prévenu.

En ce qui concerne ce dernier point, la cour constate que même si le ministère public peut déterminer si le montant proposé est augmenté de ces frais, il revient au juge saisi de la demande en homologation d’apprécier si l’exercice de cette faculté est adéquatement motivé et demeure proportionné à la gravité des faits.

Le premier juge était d’opinion que ceci n’était pas le cas et a refusé pour cette raison d’homologuer la transaction.

Finalement la cour d’appel suivra le premier juge en considérant que seule déjà la quote-part du prévenu dans les frais d’expertise couvrait le montant proposé de la transaction.

Par ailleurs la cour d’appel a constaté que, sur base du réquisitoire en confiscation à charge du prévenu qui n’avait pas transigé, pour la quote-part du prévenu qui a procédé à une transaction, une confiscation même minimale aurait été retenue si les préventions avaient été déclarées établies, et ce même en tenant compte de tous les aspects tempérants.

La cour a dès lors décidé de suivre le premier juge dans sa décision de ne pas homologuer la transaction.   Ce jugement démontre d’ores et déjà que ‘faire une bonne affaire’ lors d’une transaction pénale, n’est pas si aisé. Heureusement d’ailleurs…. et une preuve de plus qu’un bilan approfondi des décisions en homologation éclairerait sans aucun doute les ténèbres des ‘en une seule ligne’.

Patrick Waeterinckx

Waeterinckx Avocats Droit Penal des Affaires

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