La réforme du droit des sociétés a été votée en 2019. Trois phases jalonnent son entrée en vigueur et son application. Ainsi, dès le 1er mai 2019, le nouveau corpus de règles est applicable aux sociétés et associations nouvellement constituées. Ensuite, le 1er janvier 2020, l’ensemble des sociétés et associations se voient appliquer une série de règles impératives comprises dans cette nouvelle législation. Enfin, le CSA prévoit de mettre à jour les statuts de toutes les sociétés pour le 1er janvier 2024 au plus tard.
L’une des évolutions apportées par l’entrée en vigueur du CSA est la disparition de la notion de capital au sein de la société privée à responsabilité limitée (« SPRL »), devenue (société à responsabilité limitée ») (« SRL »). Cette suppression a inévitablement emporté des conséquences sur le plan du droit des sociétés et a, par ailleurs, impliqué une refonte du Code des Impôts sur les Revenus.
Dans ce contexte, la présente contribution a pour objet d’examiner l’opportunité de procéder à une réduction des capitaux propres lors de la mise à jour des statuts d’une SRL.
Sous l’empire de l’ancien Code, les associés d’une SPRL étaient tenus de souscrire à un capital minimum de 18.500 €, généralement libéré à concurrence d’un tiers lorsque la société comptait deux associés et de deux tiers lorsque la société ne présentait qu’un associé.
Depuis le 1er janvier 2020, les capitaux propres sont transférés à un compte indisponible (traité fiscalement comme une réserve taxée), que ceux-ci correspondent ou non à du capital appelé[1]. Les dettes des actionnaires à l’égard de la société persistent, même après la disparition de la notion de capital que consacre le CSA.
Les termes « statutairement indisponibles » impliquent donc que seule l’assemblée générale peut les distribuer, aux conditions requises pour la modification des statuts.
Nous nous poserons donc la question de savoir s’il est toujours opportun de maintenir des capitaux permanents de 18.550 € dans toutes les SRL lors de la mise à jour des statuts ou en profiter pour réduire ces capitaux propres au capital effectivement libéré.
Sur le plan du droit des sociétés
Eu égard à la disparition de la notion de capital, certaines règles ont été renforcées afin d’assurer la continuité des entreprises et le maintien de capitaux propres « minimas » nécessaires à leurs fonctionnements.
Ainsi, toute distribution doit être soumise à un double test de liquidité et de solvabilité.
D’abord, le test de solvabilité implique qu’aucune distribution ne puisse intervenir si l’actif net est négatif ou s’il le devenait à la suite de la distribution de bénéfices[2].
Ensuite, le test de liquidité implique que la société puisse, en fonction de ses développements raisonnablement prévisibles, faire face à ses dettes au fur et à mesure de leur échéance durant une période minimum de douze mois à dater de la distribution.
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Sur le plan fiscal
Le législateur fiscal est intervenu par le biais d’une législation entourant le CSA à différents niveaux et ce essentiellement afin de rendre son introduction neutre d’un point de vue fiscal.
Ainsi, la notion fiscale de « capital » a été remodelée.
D’abord, depuis le 1er janvier 2018, l’imputation fiscale d’une réduction n’est plus libre et doit être effectuée conformément à la fiction légale prévue à l’article 18, al. 2 à 6 du Code des Impôts sur les Revenus (CIR).
Une réduction de capital devra donc être réalisée conformément aux règles du CIR et ne peut être, comme auparavant, imputée uniquement sur du « bon » capital, ce qui avait pour conséquence l’absence de retenue de précompte sur ladite réduction.
Il nous semble opportun de réfléchir à l’opportunité de réduire les capitaux permanents de la société aux montants effectivement libérés à titre de capital. Ainsi, dans une SPRL ne contenant qu’un actionnaire, le capital minimum libéré est de 12.400 €, tandis que le minimum à souscrire est de 18.550 €.
L’idée serait donc de profiter de la mise à jour de ses statuts pour réduire le capital à concurrence du montant effectivement libéré pour bénéficier du régime des « VVPRbis ».
Le régime des « VVPRbis » prévoit, à certaines conditions, un taux de précompte mobilier réduit (15 ou 20%) pour les actionnaires de certaines sociétés lors de la distribution de dividendes. Les conditions de ce régime avantageux ont également été modifiées suite à l’introduction du CSA, en ce qu’il ne prévoit désormais plus l’exclusion des sociétés sans capital minimum[3].
Ainsi, l’application de celui-ci est rendue possible même s’il n’existe plus de notion de capital.
Cette modification est entrée en vigueur le 1er mai 2019. L’exigence d’une libération intégrale du capital de la société est, pour sa part, maintenue[4].
Ce faisant, il apparait donc opportun de réduire le capital d’une SRL à concurrence du montant libéré afin de pouvoir bénéficier, à terme, du régime des VVPRbis, soit un taux de précompte réduit à 15 ou 20 %.
Dans ce contexte, deux décisions du service des décisions anticipées du 21 avril 2020[5] confirment la possibilité de bénéficier de ce régime dans ces circonstances.
Il est donc permis à une SRL de réduire son capital pour, in fine, permettre à ses associés de bénéficier du régime des VVPRbis, pour autant que toutes les autres conditions légales soient respectées.
En pratique, à l’occasion de l’adaptation des statuts au CSA, l’assemblée générale devra constater que les capitaux propres de la société ont été convertis en un compte statutairement indisponible.
Ensuite, statuant à la majorité simple, l’assemblée générale peut décider de libérer ce montant et de réduire les capitaux propres au montant du capital libéré, afin que le capital soit intégralement libéré. Toutefois, lors de cette opération, il est impératif de veiller au double test et aux formalités du droit des sociétés à réaliser exposées supra, afin de l’envisager sereinement.
A noter enfin que si la société a été constituée avant juillet 2013[6], le régime des VVPR bis n’est pas applicable, de sorte que la question de la réduction du capital ne se posera malheureusement pas.
Maîtres Catherine Delbouille et Florian Ernotte, avocats au barreau de Liège-Huy
[1] Art. 39, § 2, al. 3, de la loi du 23 mars 2019 introduisant le Code des sociétés et des associations et dispositions diverses ; Art. 184, al. 2, Cir 92.
[2] Sont pris en compte : les capitaux propres légalement ou statutairement indisponibles (autrement dit l’ancien capital social, la réserve légale de la SPRL ou par exemple la réserve indisponible pour actions propres).
Les capitaux propres ne peuvent inclure ni le montant non encore amorti des frais de constitution et d’extension, ni le montant non encore amorti des frais de recherche et de développement, sauf cas exceptionnels.
[3] Abrogation de l’alinéa 3 de l’article 269, §2 CIR92.
[4] Article 269 CIR, in fine.
[5] Décision n°2020.0114 et 2020.0178, publiées le 30 juin 2020 sur Fisconetplus)
[6] Ou en toute hypothèse, qu’aucune action nouvelle n’a été émise depuis lors.
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