Inflation galopante, ruptures d ‘approvisionnements, moral et budgets des clients en berne… les indicateurs sont plutôt sombres pour les entreprises. Mais de bonnes décisions peuvent vous aider à vous en sortir.
Heureusement que les 80.000 faillites que l'on nous assurait il y a deux ans ne furent pas prononcées, loin de là. Le moratoire sur les faillites préserva de nombreuses sociétés, qui étaient saines ou non jusqu'à fin 2019, de déposer le bilan. D'autres mesures, à savoir les primes aux entreprises et droits passerelles pour les personnes physiques, ont amorti aussi le choc. Les conséquences économiques du Covid-19 furent donc réduites pour une fraction des PME grâce à l'intervention massive des pouvoirs publics.
La demande de marchandises et de biens supérieure à l’offre provoque un regain de l’inflation depuis l’an dernier ; l’invasion de l’Ukraine perturbe encore plus ce à quoi nous aspirions et nous fait prévoir des temps économiques très perturbés. Les réserves financières des entreprises avaient déjà pris un gros coup et elles n’ont pas eu l’ombre d’une minute pour se refaire une santé depuis 2019 et sont probablement moins robustes pour faire face à un nouveau choc.
La hausse des coûts énergétiques est une chose, le manque de matières premières et de marchandises également… et la perte de marchés, de chiffre d’affaires et de bénéfices en sont une autre. Parmi les dirigeants de PME que je côtoie chaque jour, le questionnement relatif à leur avenir s’ajoute à la morosité ambiante générée par l’incertitude politique.
Nul ne connaît l’ampleur de ce qui nous attend ni comment les autorités réagiront pour soulager les entreprises qui sont au cœur de l’économie, du pouvoir d’achat des citoyens et du fonctionnement des services publics. En attendant, voici quelques conseils et rappels à ces patrons d’entreprises, sociétés ou ASBL.
La premier est de se réserver des plages horaires, même brèves, pour prendre de la distance avec le quotidien et s’interroger sur sa stratégie pour les mois à venir : pour le chiffre d’affaires, va-t-on rester sur sa lancée ou changer son fusil d’épaule ? Certains préféreront une politique de marge, à savoir accepter moins de clients en privilégiant les plus rentables et décliner ceux qui le seraient moins. D’autres viseront un volume d’affaires maximal, même à marge plus réduite, peut-être pour assurer des conditions d’achats optimales. Un chauffagiste, par exemple, souhaitera se focaliser sur l’installation de chaudières et sous-traiter les entretiens de petites installations, ce qui conviendra parfaitement à l’un de ses sous-traitants. Stratégie de niche ou de marge, à vous de décider.
C’est peut-être aussi le moment de mieux répartir les risques que vous avez sur un ou quelques clients ou fournisseurs. Plus encore en temps de turbulences qu’en situation stable, réduire sa dépendance envers un fournisseur ou un débiteur apporte plus de sécurité à moyen terme que la perte de rentabilité à court terme. Ce sera le cas d’un développeur informatique qui travaillera désormais pour 10 clients au lieu de trois.
Tentez aussi d’identifier comment vos revenus et frais seront touchés par la situation : vos clients achèteront-ils moins cher ou moins souvent ? Parcourez plus qu’une fois par an le compte d’exploitation de votre entreprise avec votre expert-comptable, tentez de prévoir dans quelle mesure vos frais évolueront. L’augmentation des coûts variables vous empêchera de couvrir vos frais fixes ? N’ayez crainte de ne pas être exact, c’est mieux que de ne rien faire.
Même si cela peut paraître paradoxal, engager des coûts sera parfois la solution. A force de faire tout le travail eux-mêmes, le stratégique, l’opérationnel et le support, certains ne font plus l’essentiel. En engageant et répartissant bien les tâches, ils libèrent du temps qu’ils passent à créer de la valeur. C’est ce que fit l’an dernier cette décoratrice surchargée de travail. Ayant engagé un sous-traitant deux jours par semaine, elle peut chercher et gagner de nouvelles affaires. Demandez-vous si votre structure est à son idéal.
La trésorerie, le nerf de la guerre, mise sous pression
La trésorerie des PME est souvent le nerf de la guerre parce que leur structure financière est assez faible. Après deux années de disette, nombreux estiment que 2022 sera une troisième année de vaches maigres. Se préserver une réserve financière pour supporter quelques mois de faible activité et reporter des investissements doit être envisagé. Attention cependant à ne pas confondre réduction de coûts et report d’investissements : ce n’est pas la même chose et n’a pas les mêmes effets. Quant aux ASBL qui dépendent de financements de sociétés elles-mêmes en proie à la réduction de leurs ressources, le conseil général est de rester souples tout en maximisant la visibilité de leurs revenus futurs.
Enfin, surtout si votre entreprise entre dans une zone de turbulence et de difficultés financières, n’oubliez pas que vous pourriez bénéficier de certaines aides et protections contre la faillite. La Région de Bruxelles-Capitale a délégué un budget de 830.000 € au Centre des Entreprises en difficulté et à bMediation pour aider les PME, prenant en charge les honoraires d’experts. Que ce soit pour une médiation d’entreprise confidentielle ou une protection avant réorganisation, des aides sont disponibles.
Il n’est pas interdit de rêver, même en période difficile. Faites le seul ou avec vos conseillers, qu’ils soient votre expert-comptable, votre avocat ou un tiers compétent. L’essentiel est d’avoir les appuis pour prendre de bonnes décisions et surmonter les obstacles, se positionner à court et moyen terme en prévoyant les mesures que l’on prendra ou pas en fonction des événements.
Charles Markowicz, expert-comptable (Costmasters).
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