C’est un malheureux trophée que la Commission européenne a attribué à la Belgique, à savoir celui du nombre de procédures judiciaires introduites en première instance par rapport au nombre d’habitantsi : pour la période 2018-2020, l’on compte près de 7 procédures par 100 habitants. En comparaison au Luxembourg (0,8), aux Pays-Bas (0,8), à l’Allemagne (1,5) et à la France (2,2), il semble que le justiciable belge ait une légère propension à saisir les tribunaux judiciaires dès qu’un conflit survient.
Si la lenteur de la Justice belge est tant décriée, c’est certainement parce qu’elle manque de moyens, il n’y a pas de doute sur cela. Cette étude révèle aussi que les Belges ont le réflexe de la « procédure judiciaire ». Il existe pourtant pléthore d’alternatives aux tribunaux dont la médiation d’entreprise. A l’heure où Graydon annonce jusqu’à 50.000 faillites et Euler Hermes que 125.000 entreprises pourraient connaître des problèmes de trésorerieii, nombre de PME en difficultés devraient s’y intéresser.
Le médiateur d’entreprise est désigné par le tribunal à l’initiative de l’entreprise et non comme désigné d’autorité par le tribunal dans d’autres circonstances. Il prend ensuite connaissance des préoccupations managériales, suggère et discute des pistes de solutions existantes pour en sortir. Il contacte les partenaires de l’entreprise (pouvoirs publics, sous-traitants, salariés, banques et fournisseurs) pour trouver des solutions sur-mesure. Son action peut conduire alors à une réorganisation interne, la signature d’accords confidentiels avec les tiers (une remise de dette ou l’échelonnement de son paiement), ou encore à la préparation d’un plan de réorganisation judiciaire (PRJ), etc…
Par rapport à un administrateur provisoire – qui reprend la gestion de l’entreprise -, le médiateur d’entreprise agit de concert avec l’organe d’administration puisque c’est lui qui en a défini l’étendue de sa mission.
Enfin, si l’organe d’administration conserve ses prérogatives et son pouvoir de décision autonome, sa confirmation par le tribunal lui donne une autorité informelle bien utile pour consacrer les accords négociés avec les tiers. C’est une différence importante par rapport à la position d’un coach. Ayant une réputation à défendre aussi auprès de ce tribunal, le médiateur d’entreprise est un créateur de
solutions. Mais, contrairement au médiateur de droit commun, ses devoirs de neutralité et d’impartialité sont tempérés.
Il ne reste plus qu’à le choisir : comment ? Il n’y a pas de profil type pour cette fonction, le bon choix dépendant de la problématique à résoudre. Aucune liste officielle existe ; il faut s’adresser à un praticien de l’insolvabilité ou de la résolution de conflits, qui mettra son expérience à profit pour accompagner la société. Le Tribunal de l’entreprise, l’avocat ou l’expert-comptable de référence sont souvent tout désignés pour conseiller les PME. Véritable opportunité supplémentaire, le médiateur d’entreprise s’avère être un allié de poids pour les administrateurs de sociétés belges connaissant d’importantes difficultés de trésorerie.
Connaissant l’enjeu, le Conseil des ministres du 29 janvier 2021 a pris conscience que la médiation d’entreprise est une alternative bien plus souple que l’actuelle procédure de réorganisation judiciaire ; C’est pourquoi il a décidé de la favoriser d’ici le 15 février, pour encourager celles et ceux qui auront la volonté de poursuivre leur rêve entrepreneurial.
Gil Knops, avocat, médiateur et Charles Markowicz, expert-comptable fiscaliste, médiateur Costmasters.
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