Nous avons déjà indiqué que l’introduction de la nouvelle taxe annuelle sur les comptes-titres allait de pair avec l’inscription d’une nouvelle disposition générale anti-abus dans le Code des droits et taxes divers (ci-après « CDTD »). C’est surtout l’application de cette nouvelle disposition anti-abus à la taxe annuelle sur les comptes-titres qui est singulière (voir le flash d’information du 23 décembre). Le nouveau projet de loi comprend, pour la première fois, des exemples de situations abusives concernant la taxe sur les opérations de bourse et la taxe sur les assurances.
Étant donné la portée générale de cette nouvelle disposition anti-abus, celle-ci s’applique, non seulement à la taxe annuelle sur les comptes-titres, mais également à tous les droits et taxes inclus dans le CDTD. Cela signifie qu’elle est donc par exemple pertinente pour la taxe annuelle existante sur les opérations d’assurance (également appelée « taxe sur les assurances »), la taxe sur les opérations de bourse (également appelée « TOB »), la taxe annuelle sur les participations bénéficiaires, la taxe sur l’épargne à long terme, ainsi que les droits d’écriture, par exemple des notaires et des banques.
La nouvelle disposition générale anti-abus est identique à la disposition anti-abus déjà connue figurant dans le Code des impôts sur les revenus 1992 (ci-après « CIR92 » – article 344, §1 du CIR92). Cela signifie qu’un ou plusieurs actes juridiques ne peuvent être opposés à l’administration fiscale si celle-ci démontre qu’il y a un abus fiscal. Le redevable ou le contribuable peut en apporter la preuve contraire en démontrant que ses opérations ont été inspirées par d’autres motifs qu’un contournement de la loi ou de l’impôt en question. L’exposé des motifs du projet de loi précise désormais un certain nombre de cas pour lesquels les autorités considèrent qu’il y a un abus.
Pour la taxe annuelle sur les opérations d’assurance, il est question des situations suivantes:
- La conclusion formelle d’un contrat d’assurance par un pouvoir public afin de couvrir un risque dans le chef d’un tiers personne-physique, afin de bénéficier de l’exemption prévue par l’article 176 2, 6° du CDTD. Selon le gouvernement, cette exemption ne peut s’appliquer que si le risque est supporté par le preneur d’assurance (le pouvoir public) et non par un tiers.
Les situations suivantes sont explicitement mentionnées :
- La conclusion, par un pouvoir public, d’un contrat d’assurance auto pour des véhicules publics qui a en réalité trait à des véhicules privés ;
- La conclusion par une association professionnelle de contrats d’assurance contre les risques professionnels de ses membres.
- La scission d’un contrat d’assurance en deux contrats distincts, l’un couvrant le risque et l’autre relatif à la gestion du contrat d’assurance, ce qui aurait pour conséquence, selon les autorités, que la base imposable de la taxe sur les assurances serait diminuée dès lors que les frais de gestion font normalement partie de la prime d’assurance (imposable) ;
- Le paiement par le preneur d’assurance de la commission sur base d’une facture ou d’un contrat séparé pour que cette commission n’apparaisse pas comme étant une charge du contrat d’assurance et donc n’est pas considérée comme un élément de la base imposable de la taxe.
Pour la taxe sur les opérations de bourse, le cas suivant est également précisé :
- L’émission de parts bénéficiaires par un organisme de placement collectif privé, afin d’invoquer l’exemption prévue à l’article 126/1, 10° du CDTD. De cette manière, la taxe sur les transactions boursières de 1,32 % sur l’achat d’actions de capitalisation serait évitée.
Cette exemption prévue à l’article 126/1, 10° du CDTD concerne les opérations portant sur les parts d’un organisme de placement collectif privé.
Pour savoir ce que l’on entend précisément par « organismes de placement collectif privés », il faut se référer aux travaux préparatoires de la loi du 27 décembre 2006 qui a introduit cette disposition de l’article 126/1, 10° du CDTD.
Il en ressort que les organismes de placement collectif privés comprennent les OPC visés à la Partie II, Livre II, Titre IV de la loi du 20 juillet 2004 (qui entre-temps est remplacée) (voir DOC 51-2760/001, pp. 203-204).
Selon certains juristes, serait plus particulièrement visée la PRICAF privée belge, et pourtant il découle de la référence susmentionnée que les OPC privés belges à capital variable peuvent également être visés, tout comme les fonds communs de placement privés, tant à capital fixe qu’à capital variable.
Le Livre II de la loi du 20 juillet 2004 traitait des Organismes de Placement Collectif de droit belge. Il n’empêche qu’une certaine doctrine défend que la limitation de l’exonération de la TOB introduite à l’article 126/1, 10° CDTD aux seuls OPC belges serait contraire aux règles européennes en matière de libre circulation des capitaux et de liberté d’établissement (A. DAYEZ en M. VAN OVEREEM, Manuel de la taxe sur les opérations de bourse, p. 67.).
La réglementation des organismes de placement collectif alternatifs privés se trouve désormais dans le titre III de la loi du 19 avril 2014 et couvre les mêmes types d’OPC que ceux prévus dans la loi du 20 juillet 2004.
Cependant, l’évitement du taux de 1,32 % de la TOB avec de tels OPC privés reste incertain. Ce taux s’applique uniquement aux OPC ou aux compartiments qui figurent sur la liste de la FSMA parce qu’ils sont commercialisés en Belgique, ce qui n’est donc pas le cas des OPC privés.
Avec cette nouvelle disposition anti-abus, le législateur vise vraisemblablement plus spécifiquement la situation où un OPC possède à la fois un compartiment privé et un compartiment public, qui investissent systématiquement dans les mêmes actifs et où un investisseur choisit dès lors le compartiment privé afin d’éviter la taxe de 1,32 %.
Néanmoins, cela semble difficile à déduire du texte légal tel qu’il est actuellement rédigé.
La disposition générale anti-abus entrera en vigueur le jour suivant la publication de la loi au Moniteur belge.
Seule la disposition spécifique anti-abus relative à la taxe annuelle sur les comptes-titres s’appliquera déjà à certaines opérations effectuées depuis le 30 octobre 2020.
Il va sans dire que nous continuerons à suivre de près les développements à ce sujet.
Dirk COVELIERS – Counsel
Bart DE COCK – Counsel
Yannick COOLS – Associate
Maryll CALLARI – Associate
Gauthier BONTE – Associate
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