La procédure de réorganisation judiciaire (en abrégé « PRJ ») privée est une nouveauté insérée dans le Livre XX du Code de droit économique depuis le 1er septembre 2023. Elle a pour objectif de permettre à l’entreprise (qu’il s’agisse d’une personne physique ou d’une personne morale) en difficulté financière, et dont la continuité se trouve menacée, d’obtenir rapidement un accord de ses créanciers, et ce de manière intégralement confidentielle. Cela signifie que la procédure ne fait l’objet d’aucune publicité (publication à la Banque-Carrefour des Entreprises ou au Moniteur belge).
Deux types d’accords
L’accord de l’entreprise en difficulté avec ses créanciers peut être de deux types : soit un (ou plusieurs) accord(s) amiable(s), soit un accord collectif.
L’accord amiable est une convention (qui ne peut être remise en question en cas de faillite ultérieure du débiteur) conclue entre l’entreprise en difficulté et un ou plusieurs de ses créanciers qui a pour objectif d’assainir la situation financière du débiteur en lui permettant, par exemple, de lisser le paiement d’une dette sur plusieurs années, d’abattre en partie les montants dus à son créancier (que ce soit par une diminution des intérêts de retard, par la suppression des majorations, ou par une réduction du montant dû en principal, par exemple), etc.
L’accord collectif permet, quant à lui, à l’entreprise en difficulté de proposer à l’ensemble de ses créanciers (ainsi que, le cas échéant, aux détenteurs de capital) un plan de réorganisation, qui peut contenir diverses mesures comme : un abattement de créances, des échelonnements de paiements (pour une durée maximale de 5 ans), la conversion de créances en capital, etc. En cas d’approbation par les créanciers (qui doivent voter selon certaines majorités), le plan de réorganisation s’imposera à tous les créanciers concernés, même à ceux qui n’ont pas pris part au vote ou qui ont voté en défaveur du plan.
L’une des particularités de la PRJ privée (contrairement aux PRJ classiques, dites « publiques ») est qu’elle ne confère en principe pas au débiteur un sursis (moratoire) général. L’ouverture d’une telle procédure n’entraîne donc, en principe, aucune suspension des poursuites des créanciers, qui demeurent libres de pratiquer des saisies ou voies d’exécution sur le patrimoine du débiteur, ainsi que d’obtenir sa déclaration en faillite (ou, s’agissant d’une personne morale, en dissolution judiciaire).
Phases confidentielles
La procédure de réorganisation judiciaire privée se déroule en deux phases entièrement confidentielles : la première vise à obtenir la désignation d’un praticien de la réorganisation qui mènera, avec l’entreprise en difficultés, les négociations avec le(s) créancier(s) concerné(s), tandis que la seconde vise à obtenir l’homologation de l’accord (qu’il s’agisse d’un ou plusieurs accords amiables ou d’un accord collectif selon l’objectif recherché par le débiteur).
La PRJ dite privée est un bel outil qui doit permettre au débiteur en difficulté financière de sauvegarder son entreprise à l’abri de certains regards et de la publicité parfois néfaste qui entoure les procédures de restructuration.
La création de cette nouvelle procédure s’inscrit dans une réforme (plus large) du droit des entreprises en difficulté, qui s’en voit largement complexifiée. Plus encore que par le passé, l’entreprise en difficulté sera bien inspirée de s’entourer des conseils d’un spécialiste. Dans cette matière, l’avocat est, comme le dit l’adage, quelqu’un qu’il faut voir avant pour éviter les ennuis après …
Caroline Dewandre, avocate du barreau de Liège-Huy
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