12 Dec 2018 | Comptables, Fiscalistes

La SCI française échappe à la Taxe Caïman. Une bonne nouvelle ?
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Le nouvel "AR EEE" est paru aujourd’hui dans le Moniteur Belge. Cet Arrêté Royal liste les entités au sein de l’EEE visées par la Taxe Caïman. Quel est l’impact de ce nouvel "AR EEE" pour la SCI française?

La Taxe Caïman introduite dans la Loi Programme du 10 août 2015 et dans l’intervalle déjà modifiée à deux reprises, a pour principales conséquences :

– Une taxation par transparence fiscale des revenus perçus par une "construction juridique" (par exemple, un trust, une stiftung, une société faiblement imposée etc.) dans le chef de son fondateur / actionnaire comme si celui-ci avait perçu lui-même ces revenus, indépendamment de leur distribution effective.

– Une taxation au titre de dividendes (au taux de 30%) des distributions effectuées par une telle construction juridique, sauf si les actifs ainsi distribués consistent en un revenu ayant déjà subi son régime fiscal normal (généralement par application de la transparence fiscale) ou en actifs initialement transférés à la construction juridique, étant entendu que les revenus les plus anciens sont réputés être distribués en premier (règle de l’antériorité) et ensuite seulement le "capital" initial

En principe les entités situées au sein de l’Espace Economique Européen ne sont pas considérées comme étant des constructions juridiques soumises à la Taxe Caïman, sauf dans les cas prévus par l’Arrêté Royal du 18 décembre 2015 (paru au Moniteur Belge le 29 décembre 2015), qui, en plus de quelques autres catégories,reprend dans la liste des constructions juridiques situées dans l’EEE, la société hybride qui « reçoit des revenus d'origine belge qui ne sont pas taxables en Belgique, et dont les revenus sont considérés comme produits ou recueillis, en vertu de la législation fiscale du pays où cette société est établie, directement dans le chef des actionnaires ou associés de cette société », ci-après la construction juridique « du type hybride ».

La Société Civile Immobilière française (ci-après « SCI ») est dotée de la personnalité juridique et est soumise au régime de la translucidité fiscale en France (pour autant qu’elle n’ait pas opté pour l’impôt des sociétés français ou qu’elle ne se livre pas à une activité commerciale). La translucidité fiscale diffère de la notion de « transparence fiscale » dans le sens où la SCI est elle-même le sujet fiscal, soumis à déclaration de ses revenus en son nom propre, même si chaque associé sera imposable sur la quote-part à laquelle il a droit dans les revenus appréhendés par la société.

Le régime de la translucidité fiscale a donc pour effet de considérer les revenus de la SCI comme produits ou recueillis, en vertu de la législation fiscale du pays où cette société est établie (France), directement dans le chef des associés de cette société

Par conséquent, la SCI répondrait déjà aux conditions pour être qualifiée de construction juridique de "type hybride" pour autant qu’elle perçoive des revenus d'origine belge, ce qui est cependant rarement le cas étant donné que les SCI sont utilisées quasi exclusivement pour la détention de biens immobiliers en France, raison pour laquelle ces SCI ne sont en pratique pas visées par la Taxe Caïman.

Un projet d’adaptation de l’AR EEE a été soumis au Conseil d’Etat le 11 juin 2018, lequel aurait pu faire rentrer la SCI dans le champ d’application de la Taxe Caïman, même en l’absence de revenus d’origine belge.

Ce projet d’AR EEE modifiait la définition de la construction juridique de “type hybride” comme suit :

« Article 1er.- Par dérogation à l’article 2, §1er, 13°, b, alinéa 2, du Code des impôts sur les revenus 1992 et à l’exception des cas visés à l’article 2, § 1er, 13/1, du même Code, sont des constructions juridiques les sociétés, associations, établissements, organismes ou entités, qui possèdent la personnalité juridique, qui sont établis au sein de l’Espace Economique Européen et qui sont repris dans la liste suivante :

2° une société qui n’est pas incluse dans le champ d'application de l'article 29, § 2, du Code précité et dont les revenus sont imposés dans le chef des associés ou actionnaires par l’Etat où cette société est établie ; »

Pour les associés belges d’une SCI française, cette modification aurait été une bonne chose car ils auraient été fiscalisés, par application de la transparence fiscale, comme s’ils avaient perçus directement les revenus immobiliers français et/ou la plus-value immobilière française (en cas de vente ultérieure du bien). Pour rappel, les revenus immobiliers français ainsi que les plus-values immobilières françaises perçus par un résident belge sont, sur la base de la convention fiscale franco-belge, imposables en France et exemptés en Belgique (sous réserve de progressivité). En cas de distribution ultérieure par la SCI à ses associés résidents belges de ses revenus immobiliers français et/ou plus-values immobilières françaises, il n’y aurait pas eu de taxation en Belgique par application de l'article 21, premier alinéa, 12 ° CIR, alors que la Cour de Cassation belge jugeait dans ses arrêts des 29 septembre 2016 et 21 septembre 2017 que de telles distributions (indépendamment de la taxe Caïman) sont bel et bien imposables en Belgique au titre de dividende, alors qu’une imposition avait déjà été subie en France sur les revenus et/ou plus-values immobilières perçus …

C’était trop beau pour être vrai. Le projet d’AR EEE a entretemps été adapté, apparamment à la suite de publications à ce sujet dans la presse, et publié ce jour au Moniteur Belge suite à son approbation.

Dans le nouvel AR EEE, la construction juridique de type hybride est définie comme suit :

« 2° une société qui n’est pas incluse dans le champ d'application de l'article 29, § 2, du Code précité dont les revenus sont imposés dans le chef des associés ou actionnaires par l’Etat ou la juridiction dans laquelle cette société est établie. »

La SCI française tombe, en application de la translucidité fiscale, sous cette définition de construction juridique de type hybride mais est cependant exclue de la Taxe Caïman par deux exceptions.

1. Exclusion de la Taxe Caïman en vertu d’une taxation minimale : « La [SCI] n'est pas une construction juridique si les revenus produits ou recueillis par cette société sont assujettis, dans le chef de l'actionnaire ou associé qui est un habitant du Royaume ou une personne morale assujettie à l'impôt des personnes morales, à un impôt sur les revenus, en vertu des dispositions de la législation de cet Etat ou de la juridiction dans laquelle est établie cette société, et que cet impôt sur les revenus s'élève à au moins 1 p.c. de la part appartenant à cet actionnaire ou associé du revenu imposable de cette société déterminé conformément aux règles applicables pour établir l'impôt belge sur les revenus correspondants ».

2. Exclusion de la Taxe Caïman en vertu d’une taxation des revenus concernés en France par application de la convention fiscale franco-belge : « La [SCI] n'est pas une construction juridique si l'activité principale de cette entité consiste en l’exercice d’une activité qui génère des revenus qui seraient exonérés de l'impôt des revenus belge dans le chef d'un habitant du Royaume ou d'une personne morale assujettie à l'impôt des personnes morales, en vertu d'une convention préventive de la double imposition conclue avec la Belgique, si cet habitant du Royaume ou cette personne morale avait directement produit ou recueilli les revenus produits ou recueillis par cette entité ».

Etant donné que les revenus immobiliers/plus-values immobilières d’une SCI française sont bel et bien imposés en France dans le chef de ses associés et ce à un taux (bien plus) élevé qu’1% d’une part, et que la convention fiscale franco-belge en attribue le pouvoir d’imposition à la France d’autre part, la SCI restera hors champ de la Taxe Caïman.

La volonté d’exclure la SCI du champ d’application de la Taxe Caïman a d’ailleurs été confirmée à plusieurs reprises dans le Rapport au Roi.

Conclusion : les SCI françaises demeurent hors champ d’application de la Taxe Caïman, même après la modification de l’AR EEE. De ce fait, la jurisprudence susmentionnée de la Cour de Cassation reste pleinement applicable, résultant en une double imposition à la suite d’une distribution par une SCI française de ses revenus immobiliers et/ou plus-value immobilière : une première fois en France lors de la perception du revenus foncier/réalisation de la plus-value immobilière et une seconde fois en Belgique lors de la distribution (taxation au titre de dividende au taux de 30%).

Cependant, la question demeure de savoir si le fiscaliste avisé ne pourrait pas tenter de convaincre le juge sur la base du texte de loi que le nouvel AR EEE et le rapport au Roi y afférent refuse de manière injustifiée et discriminatoire le bénéfice de l’application de de l'art. 21, premier alinéa, 12 ° CIR aux dividendes distribués par une SCI.

Espérons que la (re)négociation du traité franco-belge apportera une solution à ce problème.

N’hésitez-pas à nous contacter pour de plus amples informations.

Gerd D. Goyvaerts – Partner, gerdd.goyvaerts@tiberghien.comEmilie Van Goidsenhoven – Counsel, emilie.vangoidsenhoven@tiberghien.com

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2 Commentaires

2 Commentaires

  1. Malsherbert

    Bonjour,
    Je vous remercie pour votre publication sur le sujet. En tant qu’actionnaire et usufruitier de part de scpi françaises (et étant résident belge), n’existe-t-il pas un moyen de contourner cette double taxation (la France ne reconnaissant pas la double imposition, demander un remboursement ou une déduction de l’impôt belge ? ou autres…)
    En vous remerciant par avance,

    Réponse
    • Anne Scheijnen

      Bonjour,

      Merci pour votre réaction. Nous vous conseillons de prendre contact avec l’auteur de cet article, Studio Legale: info@studio-legale.

      Bien à vous,

      L’équipe Jubel

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