Depuis 2015, la France s’est dotée d’un nouvel organisme de placement collectif, la Société de Libre Partenariat (« SLP »). La SLP a été mise en place par la loi « Macron », avec le double objectif de renforcer la palette des véhicules d’investissement dans le secteur non-coté (private equity) en France et d’attirer plus facilement les investisseurs étrangers, en se dotant d’un véhicule équivalent au Limited Partnership (LP) de droit anglais et à la Société en Commandite Spéciale (SCSp) de droit luxembourgeois.
Les investisseurs belges ont rapidement répondu présent, puisque le Service des Décisions Anticipées (« SDA ») s’est déjà prononcé à quatre reprises sur le traitement fiscal d’un investissement dans une SLP. Il nous a dès lors semblé opportun de faire le point sur les implications fiscales belges liées à un tel investissement.
Comme nous le verrons ci-après, la plupart des sujets sont globalement identiques à ceux que l’on rencontre traditionnellement lorsqu’il s’agit de déterminer le traitement fiscal d’un organisme de placement collectif de droit étranger. De par sa nature hybride, la SLP soulève toutefois des questions inédites, en particulier au regard de la dernière mouture de la Taxe Caïman.
Caractéristiques juridiques et fiscales de la SLP en droit français
La SLP prend nécessairement la forme d’une Société en Commandite Simple (SCS), et dispose de la personnalité juridique.
A l’instar du LP anglais ou de la SCSp luxembourgeoise, la SLP comporte deux catégories d’associés : (i) les associés commandités, responsables indéfiniment et solidairement des dettes de la SLP et (ii) les associés commanditaires (i.e. les investisseurs), dont la responsabilité est limitée à leur apport.
La souscription et l’acquisition des parts des associés commanditaires sont essentiellement réservées aux investisseurs professionnels au sens du droit français et aux investisseurs dont l’investissement est d’au moins 100.000 EUR.
Au sens de la Directive AIFM telle qu’implémentée en droit français, la SLP répond à la notion de fonds d’investissement alternatif (« FIA » ou « OPCA ») appartenant à la catégorie des Fonds Professionnels Spécialisés (« FPS »). En tant que FPS, la SLP bénéficie d’un régime réglementaire allégé. Sa constitution est soumise à une simple déclaration à l’Autorité des marchés financiers (« AMF »), dans le mois qui suit sa constitution.
La SLP dispose d’une très grande autonomie en termes de politique d’investissement et de gestion financière. Ce sont en effet les statuts et le règlement de la SLP qui fixent notamment :
– La composition du portefeuille ;
– Les règles et ratios d’investissement ;
– La création de catégories de parts (y compris des parts de Carried Interest) ou de compartiments isolés juridiquement et comptablement ;
– La périodicité et les modalités d’établissement de la valeur liquidative ;
– Les modalités de distributions des revenus et des gains de la société (répartition d’actifs, rachat de parts propres, etc.).
Bien que constituée sous la forme d’une SCS, la SLP n’est pas soumise aux règles fiscales applicables à ce type de société.
Dans le but de garantir une neutralité fiscale pour les investisseurs, la SLP est assimilée fiscalement à un fonds professionnel de capital investissement (« FPCI ») constitué sous la forme d’un fonds commun de placement (« FCP »). Autrement dit, à l’instar d’un FCP, la SLP est traitée fiscalement comme une copropriété de valeurs mobilières qui n’est pas passible de l’impôt des sociétés en France (ni de tout autre impôt sur le revenu).
La SLP bénéficie donc d’un régime de transparence fiscale. Il ne s’agit toutefois pas d’une transparence fiscale immédiate et absolue comme nous la connaissons en droit belge ou au Luxembourg pour une SCSp, mais d’une transparence fiscale relative. En vertu de ce régime, les investisseurs sont en principe imposés en fonction de la nature des revenus sous-jacents distribués par la SLP (dividendes, intérêts ou plus-value), mais l’imposition est différée jusqu’à la distribution effective par cette dernière.
Un régime de faveur existe toutefois pour les investisseurs résidents français lorsque la SLP dispose du statut de « SLP fiscale ». Ce statut est notamment subordonné au respect d’un quota d’investissement de 50% en actifs éligibles. Ce régime de faveur permet (i) pour les personnes physiques de bénéficier d’une exemption d’impôt sur le revenu et (ii) pour les personnes morales de bénéficier d’un taux réduit (0% ou 15% selon la nature des flux) sur la majorité des produits de cession provenant de la SLP. Ces régimes de faveur sont soumis à certaines conditions, notamment un délai de conservation des parts de cinq ans.
Distributions effectuées aux investisseurs non-résidents
Dans la plupart des cas, les distributions effectuées par la SLP à des investisseurs non-résidents ne seront soumises à aucune retenue à la source en vertu du droit interne français :
- la taxation des plus-values de source française n’interviendra que dans des cas exceptionnels pour un fonds de capital-investissement (« participations substantielles » représentant pour l’investisseur plus de 25% des droits financiers dans la société du portefeuille en transparence de la SLP, investisseur situé dans un « Etat non coopératif », sociétés à prépondérance immobilière).
- Les intérêts de source française ne subissent aucun prélèvement à la source, sauf paiement dans un « Etat non coopératif ».
En revanche, une retenue à la source pourrait être prélevée dans la mesure où les revenus redistribués correspondent à des dividendes de source française (sous réserve d’éventuelles exonérations de droit interne). Dans ce cas de figure, un investisseur belge devrait se voir reconnaître le bénéfice des taux réduits de la convention fiscale conclue entre la Belgique et la France du 10
Traitement fiscal des investisseurs belges
Pour apprécier si une entité étrangère doit être considérée comme transparente d’un point de vue fiscal belge, il convient de déterminer si, au regard des dispositions du droit des sociétés du pays où l’entité est établie, l’entité en question dispose ou non de la personnalité juridique (application du principe de la « lex societatis »).
Dans la mesure où la SLP dispose de la personnalité juridique en droit français, elle est donc considérée comme une entité distincte (opaque) d’un point de vue fiscal belge.
Nous évoquerons brièvement la situation des investisseurs sociétés avant d’analyser plus en détail celle des investisseurs personnes physiques.
Investisseurs sociétés
Etant donné que la SLP n’est pas soumise à l’impôt des sociétés en France, les revenus provenant des parts de la SLP ne pourront pas bénéficier du régime des revenus définitivement taxés en Belgique (la « condition de taxation » prévue à l’article 203 CIR n’étant pas respectée en l’espèce). Autrement dit, tout produit provenant de la SLP ou de la revente de ses parts sera pleinement imposable à l’impôt des sociétés au taux ordinaire de 25%.
Investisseurs personnes physiques
Compte tenu du caractère opaque de la SLP en droit fiscal belge, il convient de prendre en compte les modalités juridiques des distributions opérées par la SLP. Celles-ci peuvent prendre plusieurs formes : dividendes, remboursements de capital ou rachats de parts/liquidation totale ou partielle de la SLP, etc.
Dans la pratique, les SLP procèdent généralement à des distributions sous la forme de « répartitions d’actifs », qui se traduisent en droit belge par des remboursements par amortissement du capital ou des rachats de parts propres.
Pour savoir plus, vous pouvez lisez le texte intégral de Nicolas Bertrand et Bilal Ajabli, La Société de Libre Partenariat française, une société d’investissement pas tout à fait comme les autres, dans Revue Fiscalité des Placements/ Tijdschrift Beleggingsfiscaliteit, no. 13
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