Le journal Het Nieuwsblad relayait récemment l’intérêt de l’administration fiscale pour les amendes que les clubs de football payent à la place des joueurs lorsque ceux-ci reçoivent des cartons rouges. Elle souhaite savoir si les joueurs les paient de leurs propres deniers ou si les clubs les leur offrent. Car dans ce cas, elle estime qu’il s’agit d’avantages en nature dont ils bénéficient, comme l’utilisation privée d’une voiture ou d’un logement. L’administration fiscale souhaite que les montants payés par les clubs s’ajoutent aux salaires perçus par joueurs et qu’ils soient fiscalisés comme du salaire net.
Cette situation n’est pas unique : lorsqu’une entreprise paye une amende de roulage pour le compte d’un collaborateur ayant commis une infraction, le montant payé est supposé l’avoir été pour le compte du conducteur et s’ajouter à son revenu net.
Puisque l’administration fiscale entend faire payer les personnes physiques ou morales qui commettent des fautes, pourrait-on en sens inverse lui attribuer un carton jaune pour celles qu’elle commet ?
Voici 3 exemples de comportements incorrects : le premier est celui d’une société bruxelloise de quatre personnes qui demande à son secrétariat social de corriger des fiches d’émoluments pour ses deux administrateurs au troisième trimestre de l’an dernier. L’entreprise avait, comme il se doit, payé son précompte professionnel qu’elle souhaite récupérer puisque indu. Après plusieurs demandes à l’administration fiscale dont on a à nouveau changé l’organisation, la société apprend finalement que sa demande écrite est tombée aux oubliettes lors d’un changement informatique. Elle a dû attendre plus de six mois alors qu’elle subissait déjà des difficultés de trésorerie, ce n’est pas normal.
Mon deuxième exemple concerne plusieurs copropriétaires bruxellois qui avaient bien payé leur précompte immobilier chaque année depuis longtemps, à date et heure. Fin 2022, ils reçoivent pourtant de nouvelles demandes de paiement du même précompte immobilier pour 2018 à 2022. C’est une première faute de l’administration, mais pas la dernière. Car en plus, ces nouvelles demandes de paiement portent sur le double du revenu cadastral et donc du précompte immobilier. Pourquoi, comment ? Nul ne le sait. C’est la deuxième faute.
S’y ajoute une troisième, à savoir qu’après réclamation, l’administration comprend enfin qu’elle s’était trompée. Elle annule la double imposition mais sans tenir compte des réductions (notamment pour enfants à charge) auxquelles ces copropriétaires avaient droit, c’est sa troisième faute. Ce n’est pas fini, car pour boucler la boucle, le fisc bruxellois demande alors aux contribuables de payer le surplus indu pour en être remboursés ultérieurement, c’est une quatrième faute. Quand les contribuables récupéreront-ils leur argent ? Personne ne le leur a écrit, ne s’est expliqué ou excusé. Pour un service public, c’est une cinquième faute qui mérite au minimum un carton jaune.
Ce troisième exemple concerne les experts-comptables et secrétariats sociaux qui devaient, cette année comme les autres, rentrer les fiches fiscales des revenus des administrateurs de sociétés pour le 28 février. Or, lorsqu’un administrateur emprunte de l’argent à sa société, il est éventuellement taxé sur cette avance à un taux d’intérêt fixé annuellement dont le montant doit figurer sur la fiche fiscale à rentrer au plus tard fin février. Or, cette année, l’administration n’a publié ce taux d’intérêt débiteur de 7,14 % qu’après l’échéance des fiches. Il nous était de fait impossible d’accomplir l’obligation fiscale pour le compte des contribuables. Pour sortir de cette impasse, l’administration nous a imaginé la solution ubuesque de valider les fiches fiscales incomplètes avant l’échéance, quitte à les remplacer ou compléter ultérieurement…
En pratique, cela veut dire se laver les mains de son erreur et demander à autrui d’en supporter les conséquences. Cette manière de fonctionner est au minimum indigne de l’administration fiscale d’un pays qui se dit moderne. Pour éviter une double charge de travail aux professionnels, n’était-il pas possible de retarder l’échéance de dépôt des fiches jusqu’à ce que le taux soit connu ? Ou de connaître celui-ci plus tôt ? Non, déclare le ministre des finances qui n’est pas à un errement près, la saga des droits d’auteur l’illustre et les nombreux recours juridiques le démontreront probablement. Ici aussi, des cartons jaunes pourraient être distribués.
Le ministre a peut-être perdu de vue que dans SPF (Service Public Fédéral), le P de public signifie que l’administration doit être au service du public. Dans les cas qui précèdent, qu’ils soient fédéraux ou régionaux, on a plutôt l’impression que les ministres estiment que le public est au service de l’administration… Rien n’est moins vrai.
Ce n’est pas seulement une question d’efficacité des administrations qui sont financées par les impôts payés, il s’agit également d’éviter des pertes de temps et d’argent aux contribuables qui doivent supporter et faire corriger les erreurs des administrations, alors qu’ils n’ont pas toujours les ressources et compétences pour le faire. Ne jetons pas la pierre sur les fonctionnaires individuels qui font de leur mieux, mais les contribuables méritent des services publics soucieux de la qualité de leurs prestations, qui reconnaissent leurs erreurs lorsqu’elles sont patentes et qui en indemnisent les victimes automatiquement.
Charles Markowicz, expert-comptable certifié, médiateur agréé Costmasters
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