Depuis le 1er janvier 2019, la huitième partie du Code judiciaire offre la possibilité aux parties à un conflit de tenter de résoudre celui-ci par le biais du droit collaboratif. Le droit collaboratif se définit comme un processus amiable de résolution des différends, par lequel les parties et leurs avocats respectifs, spécialement formés à cette fin, se livrent à une négociation, laquelle est encadrée par une série de principes légaux destinés à favoriser l’aboutissement de la procédure.
Il est un instrument complémentaire à disposition des particuliers mais aussi des entreprises et de leurs dirigeants afin de désamorcer une situation conflictuelle que ceux-ci rencontreraient.
Avec des avocats agréés
La pratique du droit collaboratif est réservée aux avocats agréés. Pour être agréé, l’avocat doit suivre une formation de plusieurs niveaux et être inscrit sur la liste des avocats collaboratifs[1]. Cette procédure, à l’inverse de la médiation ou encore de la conciliation, ne fait donc pas directement intervenir un tiers.
Cette absence de triangulation a pour objectif de placer les parties au cœur même de leur litige où elles sont amenées à jouer un rôle central. L’état d’esprit des parties ainsi que leur volonté de négocier dans un climat constructif participent fortement au succès de la procédure.
Pour une entreprise, et spécialement une PME, la confiance (aussi appelé le « crédit ») de ses quelques partenaires principaux est essentielle pour la préservation de relations d’affaires.
Une discussion entre acteurs du terrain, mais encadrée par des principes définis (pt.3), leur offre la possibilité de « briser la glace » et, rapidement, de repartir sur des bases assainies.
Négociation cadrée
(i) Tout d’abord, le processus collaboratif repose sur une base strictement volontaire.
Ainsi, il ne peut être engagé qu’à la demande conjointe des parties. De même, toute partie peut à tout moment mettre un terme au processus de droit collaboratif, sans que cela ne lui porte préjudice.
(ii) Ensuite, la procédure se déroule dans un cadre confidentiel. Il s’agit là d’un impératif pour permettre aux parties de se dévoiler sans crainte en vue de parvenir à un accord amiable.
Concrètement, tous les documents établis et les communications échangées pour les besoins du processus collaboratif sont couverts par la confidentialité. Ils ne pourront donc pas être utilisés dans le cadre de toute autre procédure ultérieure (judiciaire, arbitrale, ou autre).
Les parties sont toutefois libres, de commun accord, d’assouplir cette règle dans les limites qu’elles se fixent.
En matière d’entreprises, il va sans dire que le besoin de confidentialité est primordial, spécialement au cas où des discussions avec des concurrents, sous-traitants, etc. devraient impliquer la production de documents jugés sensibles par les parties.
Le processus perdrait ainsi toute crédibilité en cas de non-respect du principe cardinal de confidentialité.
(iii) Par ailleurs, lorsque le processus collaboratif prend fin, qu’un accord soit intervenu ou non, la mission de l’avocat collaboratif s’arrête. En d’autres termes, il ne pourrait pas accompagner son client si le litige devait prendre la forme d’une procédure contentieuse.
Il s’agit là d’une garantie visant à s’assurer que les avocats s’investissent pleinement dans la recherche et la conclusion d’un accord amiable, ceux-ci étant privés de tout intérêt lié à la poursuite de la procédure en cas d’échec du processus collaboratif.
(iv) Enfin, le législateur précise que les parties participent de manière loyale aux négociations collaboratives. Elles devront encore faire preuve de bonne foi et de transparence en cours de procédure.
Ces exigences, bien que légalement admises, dérivent toutefois de l’état d’esprit qui guide le droit collaboratif.
Protocole de participation
En pratique, si la voie collaborative est tentée par les parties, une première réunion plénière sera fixée en présence des avocats. Lors de celle-ci, sera mis au point un protocole de participation dont la loi précise les exigences minimales.
Il s’agit de formaliser les fondements du processus entamés par les parties. Il y est notamment question de fixer la provision pour les coûts liés à la procédure (à l’exclusion des frais des avocats collaboratifs). Par ailleurs, un accord de participation au processus de droit collaboratif est signé par les parties et leurs conseils[2].
La fixation des coûts de la procédure à son entame permet de rencontrer les attentes de prévisibilité financière des entreprises.
Enfin, le droit collaboratif ne fait en principe pas intervenir de tiers (à l’inverse de la médiation, par exemple), ce qui, sur cet aspect, limite son coût.
Accord provisoire, partiel ou total
Au terme de la procédure, si les parties arrivent à un accord provisoire, définitif, total ou partiel, les conseils actent l’accord par écrit de façon claire et non équivoque. La loi prévoit certaines mentions obligatoires. Il est ensuite signé par l’ensemble des intervenants (parties et conseils).
Contrairement aux accords obtenus à l’issue d’une médiation, la loi ne prévoit pas de processus d’homologation simplifié. Ainsi, si l’une des parties n’exécute pas volontairement l’accord collaboratif, l’autre partie ne pourra obtenir un titre exécutoire que conformément au droit commun.
En conclusion, pour peu que le processus collaboratif soit engagé à temps, il peut se révéler d’un sérieux secours pour sauvegarder, voire pérenniser, une relation d’affaires mise à l’épreuve.
Me Nicolas Biessaux, avocat au Barreau de Liège-Huy
Références
[1] La liste des avocats agréés en droit collaboratif du barreau de Liège-Huy est disponible sur le site internet du Barreau de Liège-Huy suivant l’URL : Droit collaboratif | Barreau de Liège (barreaudeliege-huy.be).
[2] Le modèle d’accord de participation général est disponible en format WORD sur le site internet du Barreau de Liège-Huy suivant l’URL : Droit collaboratif | Barreau de Liège (barreaudeliege-huy.be).
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