En date du 1er octobre 2014, le taux de précompte mobilier sur les bonis de liquidation a été augmenté de manière drastique, passant de 10 à 25 % (par le biais de la loi-programme du 28 juin 2013). Depuis lors, le taux est passé à 30 %.
Pour contrebalancer l’augmentation significative du précompte mobilier en 2014, le législateur a adopté une mesure temporaire pour les petites et moyennes entreprises (« PME ») en leur permettant de constituer une « réserve spéciale de liquidation » pour les exercices d’imposition 2012, 2013 et 2014 (conformément à l’article 541 du CIR 92). Ce régime prévoit que les réserves taxées d’une PME peuvent être distribuées moyennant le paiement d’une cotisation spéciale de 10%, comptabilisé dans un compte distinct du passif.
A partir de l’exercice d’imposition 2015, le législateur a mis en place un régime « permanent », qui prévoit la possibilité de constituer une réserve de liquidation (classique).
Le régime de la réserve spéciale de liquidation – tel qu’applicable pour les exercices d’imposition 20121 à 2014 – était assorti de diverses conditions d’application, notamment la condition que l’entreprise concernée qualifie de PME.
Jusqu’à l’exercice d’imposition 2015, une société qualifiait de PME si elle ne dépassait pas plus d’un des critères suivants lors des deux derniers exercices clôturés :
- Nombre de travailleurs, en moyenne annuelle : 50 ;
- Chiffre d’affaires annuel (hors TVA) : 7.300.000 euros ;
- Total du bilan : 3.650.000 euros ;
à moins que le nombre moyen annuel de travailleurs ne dépasse 100.
Notez que si l’entreprise est affiliée à une ou plusieurs autres entreprises, les critères de chiffre d’affaires et de total du bilan sont calculés sur une base consolidée. En ce qui concerne le critère du personnel effectif, le nombre de travailleurs occupés en moyenne par chacune des entreprises affiliées concernées est additionné.
Par « sociétés affiliées » à une société donnée, on entend : a) les sociétés sur lesquelles exerce un pouvoir de contrôle (les filiales) ; b) les sociétés qui exercent un pouvoir de contrôle sur elle (les sociétés mères) ; c) les sociétés avec lesquelles elle forme un consortium ; et d) les autres sociétés qui, à la connaissance de son organe de direction, sont contrôlées par des sociétés visées aux points a), b) et c).
Au cours des dernières semaines, l’Administration fiscale a envoyé des lettres recommandées à quelques 13.135 contribuables belges qui ont par le passé constitué une réserve spéciale de liquidation2. Dans cette lettre, l’Administration confirme que le prélèvement de la cotisation spéciale de 10% payée à l’époque est reconnu comme un « paiement régulier, pour autant que nous n’ayons pas rejeté cette réserve de liquidation ». En outre, l’Administration fiscale souligne dans cette lettre que le contribuable peut, endéans un délai de 6 mois3, réclamer le remboursement de la cotisation spéciale de 10% déjà payée si les conditions pour bénéficier du régime de la réserve spéciale de liquidation ne sont en réalité pas toutes satisfaites. Enfin, l’Administration précise que l’envoi de la lettre n’exclut pas un contrôle ultérieur sur la réserve spéciale de liquidation.
La période de 6 mois susmentionnée pour introduire une réclamation (pour remboursement de la cotisation spéciale de 10%) débute avec l’envoi de la lettre au contribuable. Cependant, l’Administration fiscale ne prend pas position et il est évident que les réserves spéciales de liquidation resteront dans son viseur et seront toujours potentiellement contrôlées.
Dans la presse, Monsieur Francis ADYNS, conseiller général au SPF Finances, a déclaré que la cotisation spéciale de 10% déjà payée serait inéluctablement perdue si – après l’expiration du délai de réclamation de 6 mois – il s’avérait que toutes les conditions d’application ne sont pas satisfaites. Dans un tel cas, une retenue à la source supplémentaire de 30% devrait être payée en cas de distribution de la réserve spéciale de liquidation.4
En pratique, de notre expérience, certains contribuables ont fait des erreurs – involontaires – dans l’évaluation des conditions d’application du régime de la mesure transitoire ici discutée ou dans l’accomplissement des formalités liées à la constitution de la réserve spéciale de liquidation. A titre illustratif, nous avons déjà attiré l’attention de certains clients ou revu avec eux les questions suivantes :
- Les comptes annuels ont-ils été déposés à temps ?
- La déclaration spéciale à introduire à l’occasion de la constitution de la réserve spéciale de liquidation – par laquelle la cotisation distincte de 10% est déclarée – a-t-elle été correctement établie et annexée à la déclaration d’impôt des sociétés ?
- Est-ce que l’entreprise qualifiait bien de PME à l’époque ? A cet égard, est-ce que l’existence de potentielles « sociétés affiliées » a été dûment vérifiée et considérée pour déterminer si les critères pour qualifier de PME ne sont pas dépassés ? Une société peut être « affiliée » au contribuable par exemple parce que ce dernier contrôle une ou plusieurs autres entreprises, ou parce qu’il existe un consortium avec une autre entreprise (c’est le cas, par exemple, lorsque leurs organes de direction respectifs sont en grande partie constitués des mêmes personnes). En pratique, il n’est pas toujours aisé de déterminer si une entreprise a ou non des sociétés qui sont « affiliées ». C’est pourtant déterminant pour la qualification de PME et donc la possibilité ou non de constituer une réserve spéciale de liquidation.
Les contribuables qui ont constitué une réserve spéciale de liquidation et ne sont pas conscients des questions posées ci-dessus ni de la position stricte de l’Administration fiscale pourraient recevoir une facture salée (alors que la mesure avait pour objectif initial d’atténuer la charge du précompte mobilier).
Indépendamment de la question de savoir si l’Administration fiscale peut revenir sur la constitution d’une réserve spéciale de liquidation en dehors de la période normale de contrôle de trois ans, il est clair que les propos de Monsieur ADYNS – selon lequel, après l’expiration du délai de réclamation, la cotisation spéciale de 10% déjà payée ne pourrait plus être récupérée – est discutable. Sans entrer dans les détails, le contribuable dispose d’autres moyens procéduraux pour éviter une telle débâcle fiscale.
Comme toujours, nous suivons de près la position de l’Administration fiscale et les démarches engagées suite à cette déclaration. Si vous avez des questions à ce sujet, n’hésitez pas à nous contacter.
Tiberghien
Vincent Vercauteren – Associé
Emilie Van Goidsenhoven – Associé
Christophe Dillen – Senior Associate
Justine Smeets – Associate
[1] Voy. Cour constitutionnelle n° 20/2017, arrêt du 16 février 2017 (MB 3 mars 2017).
[2] A partir de l’exercice d’imposition 2015, le législateur a prévu un régime fiscal permanent permettant aux contribuables qui remplissent les conditions de constituer une réserve de liquidation (classique).
[3] A partir du troisième jour ouvrable suivant la date d’envoi de la lettre.
[4] D. SELLESLAGH, “Check als kmo of bezwaarschrift nodig is om extra belasting te vermijden”, Netto, 31 juillet 2020.
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