25 Oct 2019 | Expertise, Nouveauté

Le mini abus de droit français

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Opgelet: dit artikel werd gepubliceerd op 25/10/2019 en kan daardoor verouderde informatie bevatten.

Les relations fiscales franco-belges ont toujours été très importantes. En effet, nombreux résidents belges ont des intérêts patrimoniaux en France (détention d’immobilier, prises de participations etc.) et nombreux français sont au fil du temps venu s’installer en Belgique. Quelles sont les actualités fiscales franco-belges à retenir pour l’année 2019? Nous vous en commentons un nombre de quatre. La troisième, c’est le mini abus de droit français.

La Loi de finances pour 2019 a institué une nouvelle procédure qui étend la notion d’abus de droit aux opérations à motivation principalement fiscale (et non plus uniquement seulement exclusivement fiscale). Selon le nouvel article L. 64 A du Livre des Procédures Fiscales, « l’administration est en droit d’écarter, comme ne lui étant pas opposables, les actes qui, recherchant le bénéfice d’une application littérale des textes ou de décisions à l’encontre des objectifs poursuivis par leurs auteurs, ont pour motif principal d’éluder ou d’atténuer les charges fiscales que l’intéressé, si ces actes n’avaient pas été passés ou réalisés, aurait normalement supportées eu égard à sa situation ou à ses activités réelles ».

Cette nouvelle disposition pourra s’appliquer à tous les impôts (sauf l’IS qui bénéficie d’une procédure spécifique) et à toutes les personnes physiques et morales, parallèlement au dispositif existant d’abus de droit pour fraude à la loi applicable aux seules opérations à but exclusivement fiscal (article L. 64 du LPF). Ce nouveau dispositif n’est pas assorti d’une majoration automatique de 80 % (ou 40%) comme l’abus de droit à but exclusivement fiscal. La doctrine a donc dénommé ce nouveau dispositif de « mini abus de droit ». Cette disposition sera d’application pour les actes ayant un motif principalement fiscal passés ou réalisés à compter du 1er janvier 2020.

L’administration fiscale française pourra donc considérer comme lui étant non opposables :

  • les actes qui ont pour motif principal d’éluder ou d’atténuer les charges fiscales ;
  • et qui ont été mis en place à l’encontre des objectifs poursuivis par le législateur.

Conditions d’application

Les conditions d’application de l’article du mini abus de droit français sont similaires à celles prévue par l’article 344 §1 du CIR92 belge. D’un point de vue français, l’enjeu de la réforme porte essentiellement sur le champ d’application très large du nouveau dispositif, et plus spécifiquement la portée du « motif principal » qui apparait comme subjectif et difficilement quantifiable. Ceci fait craindre aux praticiens que de nombreuses opérations patrimoniales courantes qui avaient antérieurement été validées par la jurisprudence puissent être remises en cause dans le futur.

Sur ce point, un communiqué de presse sur l’abus de droit fiscal (19 janvier 2019, n°568) a apporté une première précision selon laquelle « la nouvelle définition de l’abus de droit ne remet pas en cause les transmissions anticipées de patrimoine, notamment celles pour lesquelles le donateur se réserve l’usufruit du bien transmis, sous réserve bien entendu que les transmissions concernées ne soient pas fictives ».

Quoi qu’il en soit, à l’instar de l’interprétation belge de l’abus de droit, les modèles incitatifs créés par le législateur lui-même ne devraient pas pouvoir être remis en cause. Lorsque l’administration entend remettre en cause des actes réalisés dans un but principalement fiscal, elle est uniquement en droit de notifier un redressement sans pénalité spécifique. Néanmoins, elle dispose toujours de la possibilité d’appliquer, le cas échéant, d’autres sanctions, telles que la majoration de 80% pour manœuvres frauduleuses ou la majoration de 40% en cas de manquement délibéré (art. 1729 du CGI).

Comme par le passé, en cas de rectification par l’administration, le contribuable a la possibilité de solliciter l’avis du comité de l’abus de droit fiscal afin que ce dernier se prononce sur la régularité de l’opération. L’avis rendu est purement consultatif et n’engage ni l’administration ni le contribuable mais est toutefois déterminant. En effet, en cas d’avis défavorable du Comité sur la mise en œuvre de la procédure, la charge de la preuve du bien-fondé des impositions incombera à l’administration fiscale.

Rescrit fiscal

Le contribuable a désormais la possibilité de solliciter un rescrit fiscal (ruling). Cette procédure prévue à l’article L. 64 du LPF permet, préalablement à l’opération envisagée, de consulter par écrit l’administration fiscale afin d’apprécier la portée véritable de l’opération. En cas de confirmation ou de défaut de réponse endéans les 6 mois, l’opération présentée ne pourra pas être constitutive d’un abus de droit. Cependant, contrairement à ce qui se passe en Belgique, le recours au ruling fiscal est peu pratiqué en France.

L’introduction du mini abus dans le droit français est encore très récente et on ne peut préjuger, à l’heure actuelle, de l’interprétation qu’en fera le fisc français. Néanmoins, la similitude entre le texte de l’article L. 64 A du LPF et l’article 344 §1 du CIR92, les commentaires doctrinaux et administratifs ainsi que les applications jurisprudentielles qui ont été faites de ce texte se pourront se révéler utiles pour le praticien français.

Geoffroy Vander Cammen, fiscaliste patrimonial Mobilis Family Office
Emilie Van Goidsenhoven, Counsel Tiberghien Avocats

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