Le plan financier et le capital initial, suffisant pour remplacer le capital minimum dans la SRL ? Un pas en avant ou en arrière ?
Avec le nouveau Code des sociétés et des associations (CSA), le législateur a résolument choisi la voie du droit moderne des sociétés. Il laisse derrière lui la rigidité de l'ancien Code des sociétés (CDS) et la remplace par un grand degré de flexibilité. Cette flexibilité se traduit par la transformation de la SPRL en SRL qui ne nécessite plus de capital, mais prévoit un plan financier et un capital initial suffisant.
Les notions de plan financier et de capital initial suffisant ne sont en aucun cas des notions nouvelles dans le droit belge des sociétés. Cependant, avec l'introduction du CSA, l'exigence de capital minimum dans la SRL a été abandonnée et le plan financier et le capital initial suffisant ont reçu un rôle plus important dans la constitution d'une société privée à responsabilité limitée. Un changement radical, puisque sous l'ancien régime des sociétés, le capital minimum statutaire avait une fonction très importante. Par exemple, l'article 214 du Code des sociétés stipulait que les fondateurs d'une SPRL devaient réunir un capital social minimum de 18 550 euros. Cet article faisait office de « rançon » pour la responsabilité limitée et représentait un frein sur les actifs.
Mais le concept de capital semblait dépassé et ne correspondait plus à la réalité économique. Il n'offre plus la protection efficace qu'il offrait auparavant aux créanciers. Contrairement au capital minimum, le plan financier et le capital initial suffisant sont basés sur une approche plus réaliste, qui recherche un équilibre sain entre la protection obligatoire des tiers et la liberté contractuelle[1].
L'objectif principal du plan financier est d'empêcher les constitutions frivoles. Par conséquent, seuls les fondateurs de l'entreprise sont tenus d'établir un plan financier. La FMSA (Autorité des services et marchés financiers) tente de protéger les fondateurs en les obligeant à réfléchir concrètement aux activités commerciales envisagées et, dans ce cadre, à fournir les ressources financières nécessaires sur une période d'au moins deux ans[2]. Cette protection se traduit également par le fait qu'un juge doit se prononcer a posteriori sur une éventuelle responsabilité au cas où la société ferait faillite dans les trois ans suivant l'acquisition de la personnalité juridique pour manque apparent de capital initial. Le juge utilisera le plan financier comme ligne directrice, ce qui démontre immédiatement l'importance d'un plan financier bien rédigé [3].
L'article 5:4, §2 du CSA détermine le contenu du plan financier. Le plan financier doit au moins comprendre :
- une description précise de l'activité envisagée ;
- un aperçu de toutes les sources de financement au moment de la constitution, le cas échéant, avec indication des garanties fournies dans ce contexte ;
- un bilan d'ouverture, ainsi que des bilans prévisionnels après douze et vingt-quatre mois ;
- un budget des recettes et des dépenses prévues pour une période d'au moins deux ans à compter de sa création ;
- une description des hypothèses utilisées pour estimer le chiffre d'affaires et la rentabilité attendus ;
- le cas échéant, le nom de l'expert externe qui a participé à l'élaboration du plan financier.
Le plan financier ne doit pas être rendu public. Le CSA stipule seulement que les fondateurs doivent soumettre un plan financier au notaire avant la constitution de la société, qui à son tour conservera le document et l'examinera pour sa légalité externe.
Avec l'introduction du CSA, le concept de capital initial suffisant a également acquis un rôle crucial dans la constitution d'une SRL. L'accumulation d'un capital initial suffisant est désormais devenue une obligation de droit positif. Il appartient aux fondateurs d'évaluer si le capital initial est suffisant. En effet, ils devront évaluer si, et dans quelle mesure et via quelle structure, les moyens de financement collectés peuvent conduire à un capital initial adéquat. La norme générale de diligence raisonnable doit être considérée comme une ligne directrice à cet égard [4].
Enfin, l'article 5:16, 2° du CSA stipule que les fondateurs d'une société sont solidairement responsables envers les parties intéressées des obligations de la société en cas de faillite prononcée dans les trois ans suivant l'acquisition de la personnalité juridique, si le capital initial, au moment de la constitution, était manifestement insuffisant pour l'exécution normale des activités prévues pendant au moins deux ans.
La responsabilité spéciale du fondateur prévue à l'article 5:16, 2° du CSA ne peut donc être invoquée que si un certain nombre de conditions sont réunies. (i) Il ne s'applique qu'aux fondateurs de l'entreprise. (ii) En outre, une créance pour insuffisance apparente de l'actif initial n'est recevable que si la faillite est prononcée dans les trois ans suivant l'acquisition de la personnalité juridique par la société. (iii) Le terme "apparent" de l'article 5:16, 2° du CSA indique déjà que le tribunal ne peut vérifier que marginalement si les fondateurs ont souscrit un patrimoine initial suffisant. En pratique, le critère du fondateur normal, clairvoyant et consciencieux est mis en avant[5]. (iv) Enfin, le droit d'action pour insuffisance apparente du capital initial n'est accessible à l'administrateur de la faillite qu'au profit des créanciers conjoints[6].
Si l'on ne remplit pas les conditions de la responsabilité spéciale du fondateur de l'article 5:16, 2°du CSA, on peut toujours essayer de tenir un fondateur responsable de l'insuffisance du capital initial sur la base de l'article 5:3 du CSA. Ce faisant, il est fait appel au régime commun de responsabilité fondé sur l'article 1382 du Code civil. Il faut donc prouver la faute, le dommage et le lien de causalité entre les deux, ce qui n'est pas toujours facile.
En guise de conclusion générale, on peut dire que le remplacement du capital minimum dans la SRL par un plan financier et un capital initial suffisant est effectivement un pas en avant. Le capital minimum ne tenait pas compte de l'activité envisagée et mettait toutes les SPRL dans le même panier. Pour le législateur, il suffisait de réunir 18 550 euros. Avec le plan financier, le législateur oblige les entrepreneurs à réfléchir à deux fois pour savoir si des moyens financiers suffisants ont été réunis pour un fonctionnement réaliste de la société à constituer au cours des premières années. Elle conduit, d'une part, à une meilleure protection des fondateurs eux-mêmes et, d'autre part, à une meilleure protection des créanciers par l'introduction d'un régime spécial de responsabilité du fondateur.
Références
[1] MvT, Parl.St. Kamer 2017-18, nr.3119/001, 12.
[2] MvT, Parl.St. Kamer 2017-18, nr.3119/001, 129.
[3] Kh. Gent (afd. Brugge) 2 januari 2017, TIBR 2019/1, RS, noot L. DE MEULEMEESTER.
[4] M.WYCKAERT en B. VAN BAELEN, “Wie is er bang van de kapitaalloze BV?” in M. WYCKAERT (ed.), Themis 105 – Vennootschapsrecht, Brugge, die Keure, 2018, (33) 41.
[5] C. VERSTAPPEN, “Het financieel plan als (enig) instrument bij de beoordeling van oprichtersaansprakelijkheid wegens kennelijk ontoereikend kapitaal” (noot onder Antwerpen 16 april 2015), RAGB 2016, (448) 451; Bergen 17 mei 1994, TBH 1996, 202; Luik 5 mei 1995, JLMB 1997,626.
[6] H. BRAECKMANS en R. HOUBEN, Handboek Vennootschapsrecht, Antwerpen, Intersentia, 2012, 551; G. BLOMMAERT, “Financieel plan, toereikend aanvangsvermogen en oprichtersaansprakelijkheid in de kapitaalloze BV”, DAOR.2021/2 – N°138 22.
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