Malgré l'avis négatif de l'autorité de protection des données (APD), le registre patrimonial a été considérablement élargi depuis le 31 janvier 2022. Une expansion qui semble porter atteinte au droit du citoyen à la vie privée et laisse la porte plus qu'entrouverte à un impôt sur la fortune.
Le registre PCC (en abrégé), ou le Point de contact central de la Banque nationale, a été créé en 2011 pour surveiller et sanctionner plus efficacement la fraude fiscale (1). Jusqu'à récemment, seuls les comptes courants et les comptes bancaires étaient inclus, mais depuis le 31 janvier, les soldes des comptes et la valeur des polices d'assurance-vie et des investissements dans des comptes de titres ont également été ajoutés au registre patrimonial. Une évolution qui fait sourciller les experts fiscaux. L'année dernière, la Cour constitutionnelle avait déjà été saisie d'une demande d'annulation du chapitre pertinent de la loi-programme du 20 décembre 2020 (2). Un arrêt de la Cour est attendu dans le courant de cette année.
L'introduction du registre patrimonial a considérablement simplifié le travail du contrôleur fiscal. Avant l'introduction du registre, l'auditeur devait contacter le contribuable en cas de suspicion de fraude, et en cas de non-coopération, l'auditeur devait écrire à toutes les banques en espérant que le contribuable y possède un compte bancaire. Désormais, l'auditeur peut consulter les données financières dans une base de données centrale. Un objectif noble du législateur pour lutter plus efficacement contre la fraude fiscale (3).
Toutefois, certains spécialistes de la fiscalité s'interrogent sur la nécessité d'inclure les soldes des comptes des investisseurs belges dans le PCC et soupçonnent une autre raison que la prévention du blanchiment d'argent. L'élargissement du PCC signifie qu'à partir du 31 janvier, les biens mobiliers de tous les Belges sont dans le registre (4). Un excellent outil pour un nouvel impôt sur la fortune, disent les fiscalistes qui craignent, à juste titre, que les informations de la PCC ne soient bientôt aussi utilisées à de nouvelles fins de taxation (5).
Une autre préoccupation est la question de savoir qui a et aura accès au registre. Avec l'élargissement de la PCC, le registre contient soudainement un certain nombre de données très sensibles, ce qui nécessite une certaine vigilance quant aux personnes autorisées à consulter le registre. Le registre a été consulté 153.000 fois l'année dernière, soit trois fois plus qu'en 2020. Les consultations massives prouvent à quel point le registre est facile d'accès et mettent davantage en danger la vie privée des citoyens (6). Non seulement les autorités fiscales, mais aussi le SPF Finances et le SPF Justice, les huissiers et les notaires ont accès au registre – chaque fois sous certaines conditions.
Ainsi, les notaires n'ont accès au registre que via Fednot lors de la déclaration d'une succession. Les consultations avec les autorités fiscales ne sont autorisées qu'en cas de suspicion de fraude fiscale et uniquement avec le consentement des hauts fonctionnaires (7). Les huissiers n'ont accès qu'à la demande d'un juge en cas de saisie conservatoire de tiers.
L'APD a précédemment émis un avis négatif au gouvernement (8). "Une centralisation inutile, extrêmement poussée et risquée des données financières (personnelles), disproportionnée par rapport aux objectifs visés", peut-on lire. Cet avis a été ignoré par le gouvernement qui a fait valoir que l'élargissement de la PCC devrait contribuer à la lutte contre la fraude fiscale en augmentant la transparence des données du contribuable.
Conclusion
Avec l'extension du PCC, le gouvernement sait désormais combien d'argent se trouve sur vos comptes. Officiellement, il s'agit de s'attaquer plus efficacement à la fraude fiscale, mais certains experts fiscaux craignent un double agenda de la part du gouvernement. Un impôt sur la fortune serait certainement l'une des possibilités à cet égard. En outre, l'extension du registre patrimonial semble éroder le droit à la vie privée maintenant que des organismes autres que le gouvernement auront également accès à aux données financières de vous et moi. Il reste à voir si l'élargissement passe le test de la Cour constitutionnelle…
Joost Peeters (Studio-Legale)
Références
(1) Voir l’article 322 § 3 CIR 92
(2) https://www.ejustice.just.fgov.be/eli/wet/2020/12/20/2020044541/justel#LNK0010
(3) https://moneytalk.knack.be/geld-en-beurs/belastingen/eerst-het-vermogensregister-dan-de-belasting/article-longread-1824241.html
(4) Il est vrai que les actions nominatives détenues par les investisseurs dans le registre des actions d'une société ne sont pas incluses dans le PCC. Mais pour les personnes physiques qui détiennent directement ou indirectement un pourcentage suffisant (25 %) de droits de vote ou de participation au capital d'une société, ces informations se trouveront déjà dans le registre UBO.
(5) https://moneytalk.knack.be/geld-en-beurs/belastingen/eerst-het-vermogensregister-dan-de-belasting/article-longread-1824241.html
(6) https://www.tijd.be/ondernemen/banken/register-met-bankrekeningen-drie-keer-meer-ingekeken-in-2021/10357963.html
(7) Les fonctionnaires des impôts ayant au moins le grade de conseiller peuvent donner une autorisation spéciale à un fonctionnaire ayant au moins le grade d'attaché.
(8) https://www.gegevensbeschermingsautoriteit.be/publications/advies-nr.-122-2020.pdf
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