La directive 2015/849/UE du 20 mai 2015, qui a pour objectif de lutter contre le blanchiment d’argent et le financement du terrorisme, impose aux Etats membres de mettre en place, dans un registre central, un dispositif d’identification des bénéficiaires effectifs des sociétés et entités juridiques constituées sur leur territoire. Sur ce plan, la directive a été transposée en droit français (dite « Loi Sapin II »). Ces textes ont modifié le Code monétaire et financier français.
Une nouvelle obligation a alors été mise à la charge des sociétés (commerciales et civiles), des groupements d’intérêt économique et d’autres entités tenues de s’immatriculer au Registre du Commerce et des Sociétés (RCS): identifier et déclarer leur(s) bénéficiaire(s) dans un registre dont la gestion a été confiée, en France, par les pouvoirs publics, aux greffiers des tribunaux de commerce.
Ainsi, toute société et entité juridique immatriculée au RCS avant le 1er août 2017 devait, au plus tard le 1er avril 2018, déclarer au greffe ses bénéficiaires effectifs. Pour celles immatriculées à compter du 1er août 2017, le document doit parvenir au greffe au moment de l’immatriculation ou dans les 15 jours.
Quelles sont les entités soumises aux obligations resultant de la loi ?
Sont visées par les dispositions légales les personnes morales immatriculées au registre du commerce et des sociétés, à l’exclusion des sociétés dont les titres sont admis à la négociation sur un marché réglementé en France, dans l’espace économique européen ou dans un état tiers imposant des obligations semblables.
Sont ainsi concernées:
- Les sociétés et groupements d’intérêt économique ayant leur siège dans un département français et jouissant de la personnalité morale.
- Les sociétés commerciales dont le siège est situé hors d’un département français (les sociétés étrangères) et qui ont un établissement dans l’un de ces départements.
- Les autres personnes morales (dont les sociétés civiles) dont l’immatriculation est prévue par les dispositions législatives ou réglementaires.
Qui est considéré comme bénéficiaire effectif?
La notion de bénéficiaire effectif est définie par la réglementation sur le blanchiment. Il s’agit des personnes physiques qui, en dernier lieu, possèdent ou contrôlent la société ou pour le compte de qui une opération ou une activité est réalisée.
Sont considérées comme telles les personnes physiques qui détiennent, directement ou indirectement, plus de 25 % du capital ou des droits de vote de la société (approche dite « mathématique ») ou exercent, par tout autre moyen, un pouvoir de contrôle sur la société (approche dite « juridique »).
L’ingénierie patrimoniale et sociétaire donne lieu à l’existence de nombreux cas particuliers que les textes ne visent pas spécifiquement. Afin d’aider les sociétés déclarantes dans leur entreprise, le Conseil national des greffiers des tribunaux de commerce a construit des fiches pratiques dans lesquelles sont présentés plusieurs cas de figure vis-à-vis desquels le Conseil se prononce sur celles des personnes physiques pouvant être considérées comme bénéficiaires effectifs. Il convient toutefois de noter que ces fiches ne font pas nécessairement loi et que la doctrine et la pratique, qui se sont également prononcées sur plusieurs de ces cas, ne partagent pas nécessairement les opinions du Conseil national précité.
Lorsqu’aucune personne physique n’a pu être identifiée selon les critères ci-dessus le bénéficiaire effectif à déclarer est, par défaut, le représentant légal de la société.
Comment la déclaration doit-elle prendre forme ?
Il s’agit d’un document à déposer au greffe du tribunal de commerce dont dépend la société déclarante française ou l’établissement français de la société déclarante étrangère.
Ce document doit être daté et signé par le représentant légal de la société déclarante et doit contenir: (i) la dénomination, la forme juridique, l’adresse du siège et le numéro unique d’identification de la société complété par la mention RCS suivie du nom de la ville où se trouve le greffe auprès duquel elle est immatriculée (ou, pour les sociétés étrangères, ses numéro et lieu d’immatriculation dans un registre public) en (ii) l’identité, les date et lieu de naissance, la nationalité et l’adresse personnelle des bénéficiaires ainsi que les modalités du contrôle exercé sur la société et la date à laquelle les intéressés sont devenus bénéficiaires effectifs de la société.
Les sociétés en cours de constitution n’ayant pas la personnalité morale n’ont pas d’organe qui la représente légalement. Le document les concernant peut alors être daté et signé par la personne (associé ou tiers) à qui les associés ont donné mandat d’accomplir les formalités d’immatriculation de la société.
Sanctions?
Le président du tribunal de commerce, d’office ou sur requête du procureur de la République ou de toute personne justifiant y avoir intérêt, peut, soit enjoindre, au besoin sous astreinte, à une société qui n’y aurait pas procédé de déposer au greffe le document relatif à ses bénéficiaires effectifs, soit désigner un mandataire chargé d’accomplir cette formalité.
En cas d’inexécution de l’injonction, le greffier constate le non-dépôt du document et le président du tribunal statue sur les mesures à prendre. Il procède, s’il y a lieu, à la liquidation de l’astreinte.
Le fait de ne pas déposer le document relatif aux bénéficiaires effectifs ou de déposer un document comportant des informations inexactes ou incomplètes est puni de six mois d’emprisonnement et de 7500 euros d’amende. Les personnes à qui cette infraction peut être imputée sont, semble-t-il, la société elle-même (car l’obligation de dépôt est à sa charge) et le représentant légal, qui accomplit les formalités de publicité sous sa responsabilité. En cas de constitution de la société, la personne chargée d’accomplir les formalités d’immatriculation (associé ou tiers) peut être poursuivie.
Les personnes physiques déclarées coupables de ce délit encourent également les peines d’interdiction de gérer et de privation partielle des droits civils et civiques. Les personnes morales déclarées pénalement responsables encourent, outre une amende de 37.500 euros, un certain nombre d’autres peines.
Vous puvez lire une version plus élaborée de cet article de William Bordet dans Fiscalité des Placements.
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