Il peut sembler très tentant pour de bons amis de fonder ensemble une entreprise pour, par exemple, brasser des bières régionales. Ce n’est toutefois pas nécessairement toujours une partie de plaisir. Cela peut éventuellement donner lieu à des divergences d’opinion : vous voulez rester un acteur local, mais votre ami veut conquérir le marché global. Votre ami dépense la fortune naissante de votre entreprise en voyages d’affaire et de détente « inutiles », pendant que vous passez vos journées à travailler.
Il arrive que des conflits ne permettent plus à des associés de continuer à travailler ensemble. Il est alors certainement toujours préférable de trouver une solution amiable, avec l’aide d’un avocat si nécessaire. Cela n’est toutefois pas toujours possible.
Afin d’éviter une liquidation ou une faillite, vous avez depuis 1995 la possibilité d’exclure un associé de la société, ou de vous en retirer.
Le Président du Tribunal de Commerce, siégeant comme en référé, se positionnera alors sur une « exclusion » ou un « retrait ».
Mais attention à l’effet boomerang !
Si le Président du Tribunal de Commerce estime que votre ami / associé est plus apte à diriger l’entreprise et que celui-ci demande votre exclusion, vous pourriez être exclu de la société[1].
Par souci de clarté, vous trouverez ci-dessous une comparaison de l’ « exclusion » et du « retrait » sous la forme d’un tableau.
Exclusion | Retrait | |
Quand ? | Vous souhaitez exclure un actionnaire. | Vous voulez vous retirer de la société. |
Objectif | L’actionnaire devra vous « vendre » ses parts dans la société. | Les autres actionnaires devront « acheter » vos parts dans la société. |
Participation minimale du demandeur | 30% (ou 20%) des parts[2] (seul ou avec d’autres actionnaires). | Aucune condition. |
Motifs | De justes motifs (qui sont imputables à l’actionnaire que l’on souhaite exclure) doivent être présentés pour motiver l’exclusion. Ces motifs sont appréciés sur base de l’intérêt de la société.
La Cour de cassation a ainsi décidé que « ces justes motifs doivent être d’une nature telle que le maintien dans la société de l’actionnaire dont l’exclusion est demandée mette en péril les intérêts fondamentaux ou la continuité de l’entreprise » [3].
Des exemples classiques sont l’abus de majorité ou de minorité ou d’autres manquements graves.
Il arrive souvent que l’on soit face à des demandes croisées d’exclusion. Chaque partie souhaite alors exclure la partie adverse de la société. Le juge doit alors apprécier lequel des associés offre le plus de garanties pour la survie de la société[4], et décide là aussi en fonction de l’intérêt de la société[5]. |
De justes motifs (qui ne sont pas imputables à la partie qui souhaite se retirer) doivent être présentés.
Ces motifs sont appréciés sur base de l’intérêt (propre) de l’associé souhaitant se retirer[6].
La Cour de cassation a ainsi décidé que « ces justes motifs doivent être d’une nature telle qu’il ne peut être raisonnablement demandé à l’associé qui demande la cession de rester associé »[7]. |
Pour quel prix ? | Le prix sera déterminé par le juge, généralement en recourant à l’aide d’un expert (réviseur d’entreprise,…). |
Le juge dispose naturellement d’un large pouvoir d’appréciation en ce qui concerne la question des justes motifs, tant en cas d’ « exclusion » que de « retrait ». Il va sans dire que la décision dépendra avant tout des faits et des circonstances de chaque litige.
Si vous avez d’autres interrogations concernant ces questions, n’hésitez pas à prendre contact avec nos spécialistes . Ils répondront volontiers à vos questions.
Alexis Paquot
Joost Peeters
STUDIO LEGALE
[1] S. De Geyter, “Geschillenregeling en duurzame onenigheid tussen vennoten” (note sous Gent 12 oktober 2015), NjW 2017, p. 282.
[2] Voy. art. 334 (SPRL) en 636 (SA) du Code des sociétés pour plus de précisions.
[3] Cass. 21 mars 2014, RW 2014-2015, p. 1611.
[4] Gand, 12 octobre 2015, NjW 2017, p. 280.
[5] Art. 334 Code des sociétés ; Trib. Com. Bruxelles, 16 septembre 2015, TBH 2016, p. 476 ; Trib. Com. Anvers, 23 septembre 2013, TRV 0215, p. 251, note.
[6] M. CALUWAERTS, « l’Exclusion et le retrait forcé comme solution aux litiges entre associés » in Ed., Les conflits au sein des sociétés commerciales ou à forme commerciale, Jeune Barreau de Bruxelles, 2004, p. 190.
[7]Cass., 28 novembre 2011, RW 2012-2013, nr.1, p. 18.
0 commentaires