« Le temps est le maître absolu des hommes. Il est tout à la fois leur créateur et leur tombe » (William Shakespeare)
Le temps est l’obstacle majeur que rencontre ma liberté. Il m’impose son rythme. Je ne peux revivre le passé. Je ne maîtrise pas le futur. Je suis dans l’instant et souvent je n’en profite pas.
Aujourd’hui la plupart d’entre nous ont mal à leur temps et ne savent pas que cela se soigne. Le monde occidental se plaint du manque de temps. Serait-ce le mal du siècle ? L’homme moderne a réussi à développer la santé, le bien-être matériel, la vitesse, la communication, mais il n’a pas encore réussi à maîtriser le temps (voir à ce propos « L’art du temps » de Jean-Louis Servan-Schreiber).
Des mouvements se développent : le slow flood pour se réapproprier la table, la méditation pour se réapproprier le moment, la sobriété heureuse pour se réapproprier la consommation.
Et l’avocat, quel est son rapport au temps ? L’avocat a été formé à maîtriser les risques. Il n’aime donc pas en prendre, en ce compris financier. Il veut fournir à son client une information sans risque. Il dit ne pas pouvoir maîtriser le temps de la procédure du règlement des conflits. Pour maîtriser son risque financier, il a choisi de vendre son temps. Et jusqu’à la fin du 20ème siècle, cette solution lui a été très profitable puisqu’il était seul à détenir l’expertise juridique. Il se trouvait en quelque sorte en situation de monopole.
Cependant, comme il a transféré le risque du temps à son client (qui le paie au temps passé sous forme de taux horaire), il n’a pas appris à gérer son temps de la manière la plus efficiente : il n’en n’a aucun incitatif. Il ne cherche qu’à faire plus d’heures.
La révolution numérique est pourtant en train de changer les choses. L’accélération des échanges, la complexité des questions juridiques, la multiplicité des données et l’inflation réglementaire augmentent la pression sur le temps. Il faut faire toujours plus vite avec moins. Et dans cette course, l’avocat est perdant parce qu’il a construit jusqu’ici son business model sur la facturation du temps et sur un système de production pyramidal : les collaborateurs expérimentés rapportent plus que leur coût et ce surplus est partagé par les associés qui trônent au sommet de la pyramide. Le maintien d’un tel modèle repose sur le contrôle au lieu de l’intelligence collective et de la confiance.
Les évolutions technologiques constituent donc une menace fondamentale pour le modèle actuel. L’automatisation des documents, la facilité d’accès à la connaissance, l’intelligence artificielle, les communications électroniques, tous ces outils remettent en cause le monopole de la connaissance de l’avocat, tout en accélérant et facilitant les processus de production.
L’avocat n’ayant pas appris à maîtriser le temps, il se retrouve donc souvent soit submergé, soit survolté avec, pour certains au moins, un burn-out à la clé. D’autres, ne pouvant plus faire la part du temps, sont condamnés à tout investir dans leur activité professionnelle. Et dans cette course contre la montre, l’avocat est perdant. Tout joue contre lui. Le client a pris conscience de la dictature du taux horaire. Il veut du résultat et de l’écoute et par contre. Il refuse de payer la formation des plus jeunes, de payer les recherches qui peuvent être réalisées par des robots, de régler de longues consultations alors qu’il veut une réponse claire et constructive.
Le jeune avocat (de la génération Y ou millenium) n’est quant à lui plus prêt à sacrifier tout son temps à sa profession. Il souhaite trouver un équilibre entre vie privée et professionnelle. Il est entré dans le monde agile, mobile, collaboratif. Il veut trouver sens, passion et sérénité.
Pour paraphraser Emmanuel Macron : « Make the lawyer great again ». Il est grand temps que l’avocat change de modèle et entre dans le monde du sens et de la valeur ajoutée au temps.
Regardez la série d’interviews avec Me van Wassenhove ici.
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