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Le « V.I.E. » dans la nouvelle convention fiscale franco-belge
Opgelet: dit artikel werd gepubliceerd op 30/12/2021 en kan daardoor verouderde informatie bevatten.

Annoncée depuis plusieurs années, la nouvelle convention préventive de la double imposition entre la France et la Belgique a finalement été conclue. Parmi les nombreux changements apportés par cette nouvelle convention, il en est un qui pourrait presque passer inaperçu : le traitement des revenus des personnes occupées en Belgique sous le régime français du Volontariat International en Entreprise (« VIE »).

Cette Newsletter rappelle brièvement les grandes lignes de ce régime français souvent méconnu en Belgique, en décrit les enjeux à la lumière des contrôles fiscaux ciblés qui ont été menés ces dernières années, et détaille le traitement fiscal que la nouvelle convention réservera dorénavant aux revenus des personnes occupées sous ce statut en Belgique.

Le régime du VIE

Introduit depuis l’année 2000 dans la législation française1, le Volontariat International (« VIE » lorsqu’il est exercé en entreprise2) se présente comme l’exercice d’une ou plusieurs mission(s) de service civique qu’un ressortissant français (ou un ressortissant d’un Etat membre de l’Union européenne ou de l’Espace économique européen), âgé de 18 à 28 ans, exerce à l’étranger pour une durée de 6 mois minimum et de 24 mois (éventuellement cumulés) maximum.

En vue de sa mission à l’étranger, le volontaire conclut une convention avec Business France, l’agence publique française en charge du développement international des entreprises françaises et de la coopération internationale, qui est notamment sous la tutelle du Ministère de l'Économie et des Finances. Le volontaire a ainsi un statut public, et est formellement placé sous l’autorité de l’ambassade de France du pays d’accueil, Business France ayant un rôle de gestion administrative, de conseil et d’accompagnement.

De son côté, l’entreprise d’accueil doit faire partie d’un groupe français, qui dispose de personnel dans sa structure en France et dont les activités s’étendent à l’international. Au moment de l’affectation du volontaire, l’entreprise d’accueil conclut elle aussi un contrat avec Business France, de sorte qu’il n’existe pas de lien contractuel (formel) avec le volontaire.

Selon la législation française, le volontaire perçoit au cours de sa mission une indemnité forfaitaire d’entretien, correspondant à une indemnité de base (d’environ 724 euros par mois en 2021) et à une indemnité géographique (pour la Belgique, d’environ 1.260 euros par mois en 2021)3. À cette indemnité forfaitaire mensuelle peuvent encore s’ajouter des indemnités de transport ainsi qu’une éventuelle indemnité de logement proposée par l’entreprise d’accueil (accordée contre une minoration de l’indemnité géographique). Il n’est ainsi pas rare en Belgique que le volontaire perçoive une indemnité mensuelle totale de plus de 2.500 euros par mois.

En France, ces indemnités sont exonérées de l’impôt sur le revenu et de cotisations sociales (CSG, CRDS et cotisations sociales ordinaires). Pour l’entreprise d’accueil, le coût d’une mission de VIE est également présenté comme très attractif : pas de cotisation sociale patronale et un forfait limité de frais (de l’ordre de 240 à 470 euros selon le chiffre d’affaires et le nombre de volontaires en poste), facturé par Business France pour la gestion administrative et une assurance privée protégeant chaque volontaire. L’attractivité pour les entreprises a encore été renforcée par les aides financières récemment décidées par le gouvernement français, en particulier le « Chèque Relance VIE » (aide de 10.000 euros pour une nouvelle mission ou une prolongation de minimum 12 mois).

Le site internet de Business France recense actuellement plus de 400 offres de mission de VIE auprès d’entreprises établies en Belgique. Sur plus de 14.000 volontaires en poste dans le monde en 2020, au moins 1.500 personnes auraient été en poste en Belgique4.

La qualification en Belgique des indemnités de VIE

Le régime du VIE, auquel les groupes internationaux français font couramment appel depuis près de vingt ans, a fait l’objet ces dernières années de contrôles fiscaux (et sociaux) ciblés auprès des sociétés belges de ces groupes.

À l’occasion de ces contrôles, l’administration fiscale belge soutenait généralement que les personnes occupées en Belgique sous le régime du VIE étaient en réalité des travailleurs salariés, et que leurs revenus devaient par conséquent être imposés en Belgique conformément aux conditions prévues à l’article 11 de l’actuelle CPDI franco-belge.

L’administration fiscale effectuait parfois des contrôles conjoints avec les autorités compétentes en matière de sécurité sociale, dont les inspecteurs sociaux interrogeaient alors directement les volontaires pour tenter d’établir un lien de subordination vis-à-vis de l’entreprise belge d’affectation, et donc l’existence d’un contrat de travail.

En 2019, dans une réponse à une question parlementaire5, le Ministre des Finances confirmait cette position en précisant que l’employeur (économique) était bien l'entreprise (belge) utilisatrice des services rendus par le prestataire sous statut VIE, tout en rappelant qu’à partir de 2019 les rémunérations versées à l’étranger par une société liée devaient faire l’objet de l’établissement de fiches fiscales ainsi que, à partir du 1er mars 2019, d’une retenue de précompte professionnel.

Dans la mesure où les indemnités versées aux volontaires occupés en Belgique constituaient de la rémunération, se posait également la question de l’assujettissement au régime belge de sécurité sociale des travailleurs salariés (ONSS).

La répartition du pouvoir d’imposition selon la nouvelle convention

La nouvelle convention franco-belge précise la qualification conventionnelle des indemnités versées aux personnes occupées en Belgique sous le régime du VIE, et détermine la répartition entre la France et la Belgique du pouvoir d’imposer ces indemnités.

Le paragraphe 10 du Protocole de la CPDI prévoit que les sommes perçues par une personne effectuant un volontariat international (avec un renvoi aux dispositions françaises relatives au VIE, ou à toute autre disposition identique ou similaire) sont soumises aux dispositions de l’article 19 de la convention, à savoir celui visant les revenus des étudiants, apprentis ou stagiaires.

Conformément à l’article 19 de la convention, lu en combinaison avec le Protocole, les indemnités des volontaires en poste en Belgique seront exclusivement imposables en France pour autant qu’ils soient résidents français (ou l’aient été juste avant le début de leur mission), sauf dans la mesure où ces indemnités sont supportées en Belgique par un établissement stable ou une société belge.

Conclusion

Contrairement à la position adoptée jusque-là par le fisc belge, la nouvelle convention établit une qualification apparemment avantageuse pour la France, en excluant dorénavant les indemnités versées dans le cadre du VIE de la notion de revenus d’un emploi salarié (pas d’application de l’article 11 de la convention franco-belge actuelle).

En effet, dans la quasi-totalité des cas, le volontaire est résident français pendant ou juste avant sa mission en Belgique. Ainsi, dès lors que les coûts de la mission seront supportés par la maison-mère française sans être refacturés à l’entreprise belge, la Belgique sera privée de tout pouvoir d’imposition sur la base de l’article 19 de la nouvelle convention, malgré que le volontaire exerce ses activités exclusivement sur le territoire belge.

Cette nouvelle qualification conventionnelle risque toutefois de ne pas régler l’ensemble des divergences liées au VIE. Ainsi, la question de la qualification en droit fiscal belge continuera à se poser dans la mesure des coûts de mission supportés par l’entreprise belge d’affectation (comme, par exemple, une indemnité de logement), et la qualification conventionnelle ne s’impose de toute façon pas formellement aux autorités belges compétentes en matière de sécurité sociale. Enfin, l’on peut s’interroger sur les éventuelles conséquences en matière de prix de transfert d’une insuffisance ou d’une absence de refacturation des coûts de mission entre sociétés liées.

Il n’est donc pas exclu que cette nouvelle qualification donne lieu à de nouvelles discussions en pratique.

Ahmed El Jilali

Mathieu Taverne

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