Lorsqu’il m’a été demandé d’apporter ma contribution au Liber amicorum Redelijk eigenzinnig … , le sujet de l’entreprise en difficulté s’est naturellement imposé. Le sujet est d’une brûlante actualité et la restructuration des entreprises fut l’un de mes sujets de prédilection de Philippe Colle.
Je n’en veux pour preuve que, lorsque la notion d’entreprise en difficulté entra enfin dans notre droit belge à l’occasion de la réforme sur la faillite et le concordat judiciaire en 1997, c’est la définition que Philippe Colle lui avait donnée qui fut retenue dans les travaux préparatoires de la loi du 8 juillet 1997 sur le concordat judiciaire.
Dans ma contribution à ce Liber amicorum, il m’a paru tout d’abord utile de définir les caractéristiques de l’entreprise en difficulté car les juristes confondent trop souvent les difficultés de trésorerie (la cessation de paiement et l’ébranlement du crédit) et les difficultés financières qui sont les premiers signes qui doivent conduire les entreprises et leurs consultants à réagir. Pour expliquer clairement cette situation et son évolution, j’ai utilisé un tableau décrivant « l’entonnoir des entreprises en difficulté » qui permet aux juristes de mieux poser le diagnostic de l’état de l’entreprise malade.
Les juristes confondent trop souvent les difficultés de trésorerie (la cessation de paiement et l’ébranlement du crédit) et les difficultés financières.
Après avoir rappelé les différentes dispositions éparses que contenait notre arsenal législatif pour rencontrer les situations des entreprises en difficulté et leurs conséquences sur leurs stakeholders (par exemple, la procédure de « sonnette d’alarme ») et avoir évoqué la législation du 31 janvier 2009 sur la continuité des entreprises, je me suis focalisé sur les nouvelles mesures préventives ou procédures « out of the court » que le législateur a introduit par la loi du 11 août 2017 qui a fait entrer la loi du 2009 dans le Livre XX du Code de droit économique.
J’y ai expliqué notamment la mesure préventive phare qu’était le « pré-pack » ou « stil faillissement » qui fut abandonné à la fin des travaux préparatoires mais qui a rejailli, tel un phoenix dans la loi du 21 mars 2021 par la « mini-PRJ » ou « PRJ silencieuse », introduite à l’article XX.39/1 du CDE.
Il ressort de la pratique que cette nouvelle procédure qui a le mérite de la rapidité et surtout de la confidentialité est fréquemment utilisée par les entreprises en difficulté en 2021 et 2022.
Ces mesures correspondent parfaitement aux besoins actuels des entreprises qui, après s’être vues priver, pour la plupart, de chiffre d’affaires pendant les confinements ordonnés par nos autorités durant la pandémie du Covid, se trouvent maintenant confronter à une augmentation exceptionnelle des charges, due à l’inflation alors que leur chiffre d’affaires redémarre à peine.
Si, contrairement à ce qui avait été annoncé, le nombre de faillites n’a pas augmenté durant la pandémie grâce aux aides des autorités publiques et aux suspensions des procédures de récupérations des créances de l’ONSS et du fisc, la situation actuelle est toute différente car, comme lors de la crise pétrolière des années 70, nos autorités gouvernementales ne pourront pas faire face à la cascade des difficultés qui vont avoir une ampleur macroéconomique.
Je concluais sa modeste intervention en faisant part de ma conviction que dans un monde de communication ou tout va de plus en plus vite, les procédures « of the court », silencieuses, rapides et peu coûteuses, représentent des avantages indéniables.
Dans ces temps perturbés, il appartient aux praticiens d’être imaginatifs, ce qui permettra de faire redémarrer notre économie grâce aux moyens mis à disposition.
Dans ces temps perturbés, il appartient aux praticiens d’être imaginatifs, ce qui permettra de faire redémarrer notre économie grâce aux moyens mis à disposition qui sont autant de procédures qui rassemblent les avantages de la continuité et d’un contrôle judiciaire marginal.
Au temps de Confucius, une maxime enseignait que « quand les gros maigrissent, les maigres meurent ». Grâce aux mesures préventives mises en place, l’on pourra sans doute sauver des entreprises grâce à une cure d’amaigrissement assistée par des professionnels du droit et du chiffre.
Jean Pierre Renard
Avocat aux barreaux du Brabant wallon et de Bruxelles
Juge suppléant du tribunal de l’entreprise du Brabant wallon
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