La régionalisation des impôts et notamment des droits de succession depuis 1989 a entrainé des modifications en fonction de la région dans lequel le défunt a eu son dernier domicile *.
Le régime de l’évaluation sera abordé ici, plus particulièrement la réglementation qui a changé en Flandre depuis 2015. En effet, l’expertise préalable a été abolie en Flandre alors qu’elle est maintenue dans les deux autres régions du pays. Elle a été remplacée par la Charte de Qualité pour l’établissement des rapports d’évaluation.
Les héritiers ont toujours le choix – et ceci dans l’entièreté du Royaume – de déterminer eux-mêmes la valeur vénale des biens immobiliers dépendant de la succession, souvent avec le concours de leur Notaire. Cette valeur n’est alors pas contraignante pour l’Administration qui peut signifier une insuffisance ou émargement sur base de leur propre évaluation, ou lors d’une vente ultérieure à la déclaration si le prix de vente est supérieur à la valeur déclarée. Cette sanction impliquera, après discussion éventuelle entre les héritiers et l’administration, le paiement de droits supplémentaires, égaux aux droits éludés et éventuellement d’une amende si la différence entre la valeur déclarée et celle estimée par l’Administratiojn dépasse un certain pourcentage.
Pour éviter ces désagréments et surprises et surtout afin de préserver l’égalité entre citoyens, la procédure d’expertise préalable existe en région bruxelloise et wallonne. Cela consiste à désigner un expert choisi par les héritiers et l’Administration qui va, en respectant une certaine procédure (caractère contradictoire, visite des biens immobiliers en présence des parties, dépôt du rapport à la Justice de Paix, …) déterminer la valeur qui sera, sauf en cas d’erreur matérielle, contraignante pour les parties.
Depuis le « Decreet houdende de Vlaamse Vastgoedcodex” du 12 décembre 2014 (M .B 12/01/2015) cette procédure n’existe plus en Flandre et est remplacée par la Charte de Qualité.
Le législateur a choisi exclusivement le Géomètre-Expert comme partenaire – il l’est déjà depuis 2010 pour l’évaluation des biens immobiliers des Provinces, communes et CPAS en Flandre – afin de réaliser ces évaluations répondant aux critères impératifs contenus dans cette Charte de Qualité. Les Géomètres-Experts assermentés inscrits au tableau des Conseils Fédéraux ont pu faire leur demande et ceux qui figurent dans la liste des experts peuvent donc être désignés par les héritiers ou ayant-droits pour réaliser ces évaluations.
Le Géomètre-Expert est tenu de renseigner les éléments suivants dans son rapport au risque de le voir refuser par l’Administration : notamment l’identification de l’expert qui rédige le rapport, l’identification du ou des requérants, le but de l’évaluation (par exemple une déclaration de succession), la date de référence de l’évaluation (qui correspond à la date du décès), la date de la visite, l’identification et la description précise du bien immobilier à estimer, la situation, les plans des différents locaux à chaque étage avec leur destination, des photos, l’énumération des équipements , des largeurs de façade, des surfaces (bâties, totales et utiles), les spécificités des constructions (âge, qualité, confort, état d’entretien), des données urbanistiques, d’un éventuel classement, de l’existence éventuelle d’un droit de préemption, de la situation en fonction des zones inondables, des données juridiques (servitudes, location). Il recherche et décrit les points de comparaison qu’il utilise pour évaluer le bien, spécifie la méthode d’évaluation et motive la valeur.
Il rédige son rapport et le clôture avec une formule de serment prévue par le décret.
Le Géomètre-Expert désigné est également tenu de certaines formalités (acceptation de la mission, convocation, manière dont sont calculés ses honoraires) et doit délivrer son rapport endéans les trois mois de sa désignation (abrogé par le nouveau décret).
Le rapport accompagne alors la déclaration de succession et l’Administration s’engage à ne pas contester la valeur déclarée.
Depuis le 24/12/2017, date du nouveau décret, ce n’est plus exclusivement le Géomètre-Expert qui peut être désigné pour établir des rapports d’évaluation, mais aussi des « experts-évaluateurs », titre qui n’existe pas jusqu’alors (après acceptation par l’Administration de leur demande).
C’est à mon sens une disposition assez malheureuse car le Géomètre-Expert est – comme l’avait d’ailleurs justifié l’Administration dans son précédent décret de 2015 et la Cour Constitutionnelle dans son arrêt de 2012 – le seul professionnel indépendant et outillé, jouissant non seulement de la formation et de l’expérience nécessaires à l’exercice de l’évaluation, mais qui est à la fois assermenté, respectueux de son code de déontologie (avec notamment la souscription obligatoire d’une assurance en responsabilité civile et soumis au contrôle par les Conseils Fédéraux.
* C'est en effet le domicile du défunt qui va déterminer le lieu de la déclaration de succession et par conséquent le régime de l’évaluation. Il peut arriver que le défunt possédait des biens dans une autre région du pays. Ces biens immobiliers seront évalués suivant la procédure d’application dans la région dans laquelle il était domicilié. C’est ainsi que l’expert sera amené à évaluer suivant la charte de qualité des biens situés en région bruxelloise et wallonne. De même qu’il pourra être désigné en expertise préalable pour des biens immobiliers situés en région flamande si le défunt était domicilié hors de Flandre et qu’il possédait des propriétés en Flandre.
Texte écrit par Patrick Bladt, Géomètre-Expert
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