Comme nous avons déjà pu l’écrire au travers de plusieurs notes précédentes, le droit des marques est certainement un des droits de propriété intellectuelle les plus accessibles aux entreprises et aux PME en particulier.
Peuvent constituer une marque tous les signes, notamment les mots, y compris les noms de personnes, ou les dessins, les lettres, les chiffres, les couleurs, la forme d’un produit ou de son conditionnement, ou les sons, à condition que ces signes soient propres à:
a. distinguer les produits ou les services d’une entreprise de ceux d’autres entreprises; et
b. être représentés dans le registre d’une manière qui permette aux autorités compétentes et au public de déterminer précisément et clairement l’objet bénéficiant de la protection conférée à leur titulaire. (Article 2.1 de la convention Benelux en matière de Propriété intellectuelle)
La marque est donc un signe qui peut prendre plusieurs « aspects » (des mots, des logos, des formes, …). Ce signe sert à identifier les produits et/ou les services fournis par une entreprise permettant de les distinguer de ceux d’autres entreprises concurrentes.
La première fonction de la marque est donc certainement une fonction d’identification, c’est-à-dire qu’elle permet au public d’identifier le produit ou le service vendu par l’entreprise titulaire de ladite marque.
Fonction publicitaire
La marque a également une fonction dite publicitaire. En effet, l’entreprise, qui fait l’effort de protéger sa marque pour la vente de ses produits et/ou services, se servira de cette même marque pour faire sa publicité. A titre d’exemple, on peut citer les publicités radiophoniques mettant en scène la marque sonore de la SNCF, que tous les voyageurs passant par une gare française ont, un jour, entendu. Ce jingle permet aujourd’hui, dès les premières notes, sans pourtant être présent dans une gare, d’identifier l’entreprise et les services qu’elle offre.
Il n’est pas inutile ici de rappeler que, outre ces avantages très clairs de distinction par rapport à la concurrence, la marque présente aussi l’avantage de son faible coût !
En effet, un enregistrement ‘classique’ d’une marque Benelux, par exemple, valable dix ans (renouvelable à vie) pour trois classes de produits et/ou services (trois étant le nombre de classes le plus fréquemment choisi par les déposants) engendre le paiement d’une taxe à l’Office Benelux de, seulement, 352 € (taxe non soumise à la TVA). Pour une seule classe, la taxe est de 244 €.
Une fois sa marque enregistrée, le titulaire de celle-ci peut bien sûr l’utiliser de manière exclusive, ce qui implique qu’il peut faire interdiction au tiers de recopier purement et simplement celle-ci, voire de trop fortement s’en inspirer, risquant par-là de créer un risque de confusion.
Cette interdiction de copie, plus ou moins à l’identique, est connue de tous !
La propriété intellectuelle et les réseaux sociaux
Les réseaux sociaux, comme Facebook par exemple, sont extrêmement attentifs lorsqu’un titulaire de propriété intellectuelle leur dénonce une violation à leurs droits.
En effet, des systèmes internes de plaintes, pour violation de droit de marque par exemple, sont mis en place par les réseaux sociaux. Ceux-ci font eux-mêmes l’analyse de la plainte et si celle-ci est jugée fondée, de manière même parfois brutale, les gestionnaires de ces réseaux rendent inaccessibles – parfois de manière définitive !- les pages des PME qui sont taxées de contrefaçon de marques, comme dans notre exemple.
Dans pareille situation, il n’y a pas beaucoup de place pour un débat contradictoire qui permettrait à celui qui se fait accuser de contrefaçon de faire valoir ses arguments, comme l’on pourrait le retrouver devant le magistrat dans le cadre d’une procédure « classique » en cessation de contrefaçon.
Quid des « # … » ?
L’utilisation, aujourd’hui très répandue, des hashtags peut constituer une nouvelle source de conflit.
De manière tout à fait classique, l’utilisation d’une marque par quelqu’un d’autre que son titulaire nécessite que celui-ci donne, à tout le moins, son accord pour ladite utilisation, souvent contre rémunération d’ailleurs (licence).
Cependant, et notamment avec l’essor de Tweeter, première plateforme à avoir lancé les « # », la pratique du « #NIKE ; #PEPSI ; #COCA ; … » autorise le référencement de produits, de services ou de personnes qui sont parfois des marques enregistrées, sans pour autant que l’accord du titulaire de la marque soit nécessaire.
Il est vrai en effet que le « #… » peut servir de publicité pour le titulaire d’une marque. Cela permet en effet la diffusion de la marque, au travers de diverses publications, ce qui remplit la fonction publicitaire de la marque.
Cependant, ce même « # … » ne peut être utilisé par un concurrent pour identifier ses propres produits et créer par là un éventuel risque de confusion. Dans cette hypothèse, l’utilisation du hashtag associé à une marque enregistrée peut constituer une atteinte au droit des marques et déclencher le courroux du titulaire de cette dernière.
En guise d’exemple, prenons une PME qui vend des accessoires de mode, sacs, chaussures, ou autres, en faisant de la publicité via ses réseaux sociaux. Sur sa page Facebook, elle utilise des « # Chanel » ou « # Louboutin » ou encore « # LouisVuitton », alors que l’entreprise en question n’est pas une distributrice officielle de ces produits…
Le risque sera alors très grand que le(s) titulaire(s) des marques en question dénonce(nt) cette pratique auprès du gestionnaire de Facebook qui, quasiment immédiatement, rendra toute la page de cette PME inaccessible, parfois de manière définitive. Imaginez les conséquences si la PME fautive ne vend ses produits que via la publicité qu’elle fait sur les réseaux…
Soyez donc vigilants dans l’utilisation de vos « #… » !
Damien Dessard – avocat au Barreau de Liège-Huy
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