5 Jul 2021 | Tax & Private Equity

Les meandres de la Taxe sur les Operations de Bourse : questions choisies
  • Revue Fiscalité des Placements

    La fiscalité des produits d’épargne et de placement est en pleine évolution en Belgique, ainsi qu’au niveau européen. L’échange international d’informations financières concernant les comptes bancaires et produits d’assurance connaît souvent de nouvelles applications. Cette revue vous informera de manière systématique de ces nouvelles évolutions au niveau national et international en matière: - du traitement fiscal des produits de placement en Belgique et dans les pays limitrophes - des corporate actions - de l’échange d’informations financières - de l’évolution du secret bancaire - de la croissance de la transparence fiscale - de la protection de la vie privée La revue offre des articles d’actualités, ainsi que des analyses approfondies. Des spécialistes réputés proposeront une analyse rigoureuse des développements importants. Un comité de rédaction composé de représentants des secteurs financiers belge et européen, ainsi que de représentants des grands cabinets d’avocats ou des grands bureaux de fiscalistes, veilleront à la qualité des textes.

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Un observateur distant de la Taxe sur les Opérations de Bourse (TOB) pourrait avoir la faiblesse de croire que, depuis l’élargissement de son champ d’application en 2017 aux opérations conclues ou exécutées via un intermédiaire professionnel établi hors de Belgique, dont la validité fut confirmée par les cours belges et européennes, la TOB n’avait plus évolué et son application se déroulait sans heurt. Il n’en est rien.

Force est de constater que cet impôt, qui approche les 110 ans d’existence, recèle encore des zones d’ombre, en partie en raison de l’évolution des instruments financiers, mais aussi, et surtout, en raison de textes légaux peu explicites.

Outre les principales évolutions législatives depuis 2017, nous aborderons ci-après certaines questions auxquelles les praticiens et les redevables sont confrontés et nous tenterons de dégager quelques pistes de réflexion ou solutions pratiques à cet égard.

Détermination du taux applicable aux opérations sur actions/parts d’OPC

Le taux de TOB applicable à une opération est notamment fixé suivant que l’OPC qui fait l’objet de l’opération est ou non offert au public en Belgique.

Pour rappel, les OPC belges et étrangers qui font l’objet d’une offre publique en Belgique, ainsi que leurs compartiments, doivent être inscrits sur des listes établies et tenues à jour par la FSMA, conformément aux articles 148 et 149 de la loi du 3 août 2012.

Toutefois, ces listes ne reprennent pas les codes ISIN (International Security Identification Number) qui permettent d’identifier les actions des OPC et compartiments en question. L’absence de ces codes a pour conséquence qu’actuellement, pour déterminer le régime TOB applicable, il convient de faire une recherche par dénomination de l’OPC ou du compartiment. Interrogée à cet égard, la FSMA ne semble, pour l’heure, pas vouloir ajouter les codes ISIN à ses listes, ne s’estimant pas « compétente » pour cet ajout dès lors qu’il aurait un but d’application de la loi fiscale.

Cette situation est absurde et regrettable. De nombreux fonds portent des noms très proches voire quasi-identiques. Ceci crée non seulement de la confusion pour les redevables (et l’administration fiscale) chargés de la bonne application de la TOB (l’identification sur base du nom étant moins efficace qu’une reconnaissance sur base d’un numéro unique et surtout, très difficile à automatiser) mais, d’une façon plus générale, pour les investisseurs également puisqu’ils auront, quant à eux, des difficultés à s’assurer que les fonds dans lesquels ils investissent sont ou non repris sur les listes.

Les taux applicables en matière de TOB varient selon qu’une opération d’achat/vente ou de rachat porte sur des actions de capitalisation ou de distribution d’un OPC.

Extension de l’exemption de TOB aux fonds institutionnels (et privés ?) étrangers

Avant sa modification par la loi du 25 décembre 2017, l’article 126/1, 3° CDTD exemptait de la TOB « les opérations ayant pour objet des parts d’organismes institutionnels de placement collectif ou des sociétés immobilières réglementées institutionnelles. ».

Par « organismes institutionnels de placement collectif » il était (indirectement) renvoyé aux OPCA institutionnels de droit belge (visés au titre II de la L. OPCA), c’est-à-dire ceux qui recueillent leurs moyens financiers exclusivement auprès « d’investisseurs éligibles » (c’est-à-dire essentiellement ceux intervenant à titre professionnel).

L’exemption n’était donc applicable ni aux actions de classe institutionnelle émises par des OPC belges non exclusivement « institutionnels » ni à des OPC étrangers, même ceux réservés à des investisseurs professionnels. Ceci avait, par exemple, pour conséquence que les rachats d’actions de capitalisation de classe institutionnelle émises par des OPC étrangers eux-mêmes offerts au public en Belgique étaient soumis à la TOB au taux de 1,32 %.

La loi du 25 décembre 2017 a modifié l’article 126/1, 3° du CDTD comme suit : [sont exemptes de la taxe] « les opérations ayant pour objet les droits de participation d’un organisme de placement collectif réservés aux investisseurs institutionnels ou professionnels, ou des sociétés immobilières réglementées institutionnelles. ».

Dans les travaux parlementaires il est précisé que : « (…) l’article 126/1, 3° CDTD clarifie que l’exemption concerne également les droits de participation d’un organisme de placement collectif réservé aux investisseurs institutionnels ou professionnels.

Cet ajout garantit que les transactions impliquant les parts d’un organisme de placement collectif étranger institutionnel répondant aux conditions fixées peuvent également bénéficier de cette exemption, même s’il n’est pas strictement qualifié d’organisme de placement collectif institutionnel ou de société immobilière réglementée institutionnelle. » (nous soulignons).

Ainsi, ce n’est donc plus l’OPC lui-même qui doit être réservé à des investisseurs « institutionnels » ou « professionnels » mais la classe d’actions concernée. La nouvelle rédaction de l’article 126/1, 3° CDTD permet donc d’exempter de TOB outre (comme auparavant) les opérations portant sur des actions ou parts d’OPCA institutionnels belges mais également celles ayant pour objet :

  • des actions/parts de classe institutionnelle émises par des OPC belges autres que des OPCA institutionnels ;
  • des actions/parts de classe institutionnelle (ou leur équivalent selon le droit étranger) émises par des OPC de droit étranger.

On soulignera toutefois que l’exemption n’est applicable, selon nous, que pour autant qu’il s’agisse d’actions ou parts véritablement réservées aux investisseurs « institutionnels ou professionnels ». Si les statuts permettent la souscription de ces actions ou parts par d’autres types d’investisseurs (par exemple des particuliers agissant à titre privé) ou à des investisseurs institutionnels ou professionnels qui agiraient pour compte de tiers n’étant pas des investisseurs institutionnels ou professionnels, il nous parait que l’exemption devra être refusée.

Compte tenu du texte légal, la seule possibilité d’avoir d’autres investisseurs que des institutionnels ou des professionnels suffit, à notre avis, à exclure les actions ou parts en question du bénéfice de l’exemption. En d’autres termes, l’exemption ne peut s’appliquer à de telles actions ou parts même si l’investisseur est in fine un institutionnel ou un professionnel, mais ce dernier pourra éventuellement faire valoir une autre exemption qui lui est propre (par exemple, l’article 126/1, 2° CDTD pour une compagnie d’assurance ou autre institution financière).

On ne peut s’empêcher de relever par ailleurs que la loi ne modifie pas l’article 126/1, 10° CDTD qui exempte les opérations « ayant pour objet des parts d’organisme privé de placement collectif. ».

La notion d’obligation – Influence du nouveau Code des sociétés et associations

En 2017, nous écrivions que le terme « obligation » repris à l’article 121, § 1er, 1° CDTD qui établit la liste des titres soumis dont les transactions sont soumises au taux de 0,09 % (devenu 0,12 %) devait être compris comme incluant « tous les types d’obligations belges ou étrangères ayant un capital garanti ».

A défaut de définition autonome dans le CDTD, il faut en effet considérer, conformément au droit commun, que les obligations portent en leur cœur une convention de prêt dont la caractéristique essentielle est la garantie de capital (c’est-à-dire l’engagement par l’émetteur de rembourser au moins le capital engagé).

Inversement les transactions sur les titres sans garantie de capital doivent être imposées aux taux de 0,27 % (devenu 0,35 %) et nous donnions en exemple une obligation « reverse convertible », considérant que cet instrument entraine, pour l’investisseur, le risque de se voir attribué, au moment du remboursement, des actions ayant une valeur inférieure à celle du capital investi.

L’entrée en vigueur le 1er mai 2019 du nouveau Code des Sociétés et Associations (CSA) et la doctrine récente[1] nous amènent à nuancer cette analyse.

L’article 7.64 CSA parait toujours qualifier les obligations de « contrat de prêt ». On en déduit que le principe de la restitution intégrale du capital investi qui résulte du droit commun reste donc une caractéristique essentielle des obligations. Toutefois, l’article 7.62 du même code prévoit quant à lui que « La société anonyme peut contracter des emprunts sous la forme d’émission d’obligations, le cas échéant convertibles en actions, la conversion pouvant intervenir indifféremment, selon les conditions d’émission, soit à l’option de l’obligataire ou de la société, soit automatiquement, le cas échéant, à certaines conditions. (…) ».

Cette disposition a donc pour effet de qualifier « d’obligations » non seulement celles qui sont convertibles en actions au choix de l’investisseur (comme le prévoyait déjà l’ancien article 485 du Code des sociétés) mais également les « reverse convertibles ».

Comme l’a souligné la doctrine, cette inclusion n’est certainement pas inconciliable avec la notion de prêt dans l’hypothèse où le remboursement a lieu en actions « nouvelles ». Dans ce cas, en effet, l’émission de ces actions suppose que l’investisseur apporte sa créance de remboursement au capital de l’émetteur. Le fait que la valeur de marché des actions reçues soit éventuellement inférieure à la valeur d’apport est indifférent ; entre les parties, il y a bien eu, fut-ce « un instant de raison », un remboursement du capital investi (suivi de l’apport). De telles obligations « reverse convertibles » sont bien des obligations dont les transactions doivent être soumises au taux de 0,12 % prévu à l’article 121, § 1er, 1° CDTD.

La réponse est moins évidente par contre, lorsque le remboursement a lieu par l’attribution d’un nombre pré-convenu d’actions existantes. Il semble qu’il y ait alors dans ce cas une véritable perte en capital possible si, au moment du remboursement, ces actions ont une valeur de marché inférieure à celle du capital investi. Il n’y a toutefois pas encore de réponse définitive car, comme on l’a vu, le texte de l’article 7.62 CSA ne parait pas nécessairement exclure des obligations « reverse convertibles » remboursées en actions existantes et même dans cette hypothèse, le remboursement pourrait éventuellement lui aussi être décomposé en deux temps : un remboursement en espèce (fut-ce un « instant de raison ») suivi d’un achat, à un prix pré-convenu (et par hypothèse supérieur à la valeur de marché au moment où il a lieu), des actions existantes.

Du point de vue de la TOB, il nous parait donc qu’il faut considérer que les opérations d’achat/vente d’obligations « reverse convertibles » doivent être soumises au taux de 0,12 % (plutôt qu’au taux de 0,35 %). C’est certainement le cas pour celles qui prévoient un remboursement en actions « nouvelles » et il existe des arguments importants pour soumettre également à ce même taux « réduit » celles qui prévoient un remboursement en actions existantes.

Le problème pratique est évidemment que cette différence entre type de remboursement n’est pas toujours directement apparente et nécessitera souvent la consultation des prospectus concernés …

Antoine Dayez, avocat associé LLJ

Mathieu van Overeem, avocat LLJ


Lisez le taxte intégral dans Revue Fiscalité des Placements (RFP).

  • Revue Fiscalité des Placements

    La fiscalité des produits d’épargne et de placement est en pleine évolution en Belgique, ainsi qu’au niveau européen. L’échange international d’informations financières concernant les comptes bancaires et produits d’assurance connaît souvent de nouvelles applications. Cette revue vous informera de manière systématique de ces nouvelles évolutions au niveau national et international en matière: - du traitement fiscal des produits de placement en Belgique et dans les pays limitrophes - des corporate actions - de l’échange d’informations financières - de l’évolution du secret bancaire - de la croissance de la transparence fiscale - de la protection de la vie privée La revue offre des articles d’actualités, ainsi que des analyses approfondies. Des spécialistes réputés proposeront une analyse rigoureuse des développements importants. Un comité de rédaction composé de représentants des secteurs financiers belge et européen, ainsi que de représentants des grands cabinets d’avocats ou des grands bureaux de fiscalistes, veilleront à la qualité des textes.

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