Les nouvelles règles en matière de fiscalité taxe Caïman 2.1 peuvent entraîner des effets secondaires cover

19 Apr 2024 | Tax & Private Equity

Les nouvelles règles en matière de fiscalité taxe Caïman 2.1 peuvent entraîner des effets secondaires

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Il existe une ombre au tableau en ce qui concerne la fiscalité belge : il s’agit de la taxe Caïman 2.1. La loi du 22 décembre 2023 a réformé les règles relatives à la taxe Caïman sur un certain nombre de points essentiels. Désormais, la taxe Caïman s’applique également aux constructions juridiques détenues indirectement par l’intermédiaire d’une entité qui n’est pas elle-même une construction juridique.

En ce qui concerne les OPC, la disposition relative aux fonds dédiés a été élargie de manière à ce qu’ils puissent eux aussi être visés par la taxe Caïman. Il est important de noter que la taxe Caïman affecte également l’application de la taxe annuelle sur les comptes de titres (TACT). La question qui se pose ici est de savoir si l’extension de la taxe Caïman aux constructions juridiques détenues indirectement s’applique également à la TACT. Une autre question importante qui se pose est de savoir si la TACT doit alors être calculée immédiatement sur la valeur totale (moyenne) des comptes-titres détenus via les constructions juridiques, ou si l’on peut se limiter à la part proportionnelle de l’investisseur belge.

De la construction en chaîne à la construction intermédiaire

Comme nous l’avons déjà évoqué dans notre newsletter du 13 décembre 2023, les nouvelles règles fiscales (loi du 22 décembre 2023) ont pour effet d’étendre la taxe Caïman aux constructions juridiques détenues indirectement. Selon les anciennes règles, une « construction en chaîne » était entendue comme un ensemble de constructions juridiques formées d’une construction mère et de toutes ses constructions filiales. Il était essentiel que chacune des entités soit considérée comme une construction juridique à part entière. Dans la mesure où une entité de la chaîne n’était pas considérée comme une construction juridique, les entités sous-jacentes ne pouvaient pas être considérées comme des « constructions en chaîne ». En vertu de la réglementation “top-down” précédemment applicable, les constructions en chaîne étaient donc soumises à la taxe Caïman dans les cas où des constructions juridiques étaient superposées. L’application de la taxe Caïman était donc interrompue dans le cas où la chaîne était rompue par une entité qui n’était pas qualifiée de construction juridique en soi. Les nouvelles règles applicables à partir du 1er janvier 2024 élargissent la définition de « fondateur » et remplacent le terme « construction en chaîne » par l’utilisation les termes « construction intermédiaire ». L’utilisation des termes « construction intermédiaire » permet désormais de viser des constructions juridiques dans une chaîne où toutes les entités de cette chaîne ne sont pas, elles-mêmes, des constructions juridiques. Un contriubable peut donc être visé par la taxe Caïman, par exemple, en détenant des actions dans une société belge (non cotée) ou dans une société établie dans un autre État membre ou dans un pays tiers (même si ces sociétés ne sont pas considérées comme des constructions juridiques au sens de la norme de 1 % ou de 15 %). Une participation très limitée peut suffire dans ce cas.

Concept de construction juridique et d’OPC

Les nouvelles règles prévoient que les OPC publics, institutionnels et privés ne seront soumis à la taxe Caïman que s’il s’agit d’un fonds dédié compartiment ou d’un fonds dédié. Selon les nouvelles dispositions, cela s’applique également (contrairement aux règles actuelles) aux fonds situés en dehors de l’EEE.

En outre, les nouvelles règles relatives à la Taxe Caïman prévoient un élargissement de l’application de la taxe aux OPC par le biais de la nouvelle définition des fonds dédiés. Désormais, une participation de personnes liées détenant ensemble plus de 50 % des actions d’un OPC sera qualifiée de compartiment de fonds dédié, ce qui entraînera l’application de la taxe Caïman. Avec cette nouvelle disposition, un compartiment sera également soumis à la taxe Caïman si, par exemple, 51% des actions sont détenues par une famille, même si 49% des actions sont détenues par des « tiers » non apparentés. Ce n’était pas le cas sous l’ancienne réglementation. Ce qui est important ici, c’est que (du moins selon une lecture littérale du texte légal) la taxe Caïman s’applique également au « petit actionnaire » s’il est résident belge ou contribuable à l’impôt belge des personnes morales.

Quid des OPC belges ?

Veuillez noter qu’un OPC établi en Belgique ne pourra jamais être considéré comme une construction juridique car la définition des constructions juridiques de type 2 (article 2, §1, 13, b) du CIR92) fait référence à un niveau d’imposition (inférieur à 15%) du revenu imposable « déterminé conformément aux règles applicables pour l’établissement de l’impôt belge sur les revenus correspondants ». Par conséquent, la taxe CaÏman ne peut pas s’appliquer à un compartiment de fonds dédié d’une société d’investissement belge (par exemple une Sicav belge), puisqu’il est de toute façon soumis à un régime belge d’impôt sur les sociétés.

Le nouveau texte légal prévoit qu’une société, association, établissement, organisme ou entité n’est pas une construction juridique si elle est établie dans un Etat ou une juridiction appartenant à l’Espace Economique Européen, sauf s’il s’agit (en ce qui concerne les OPCVM et les fonds alternatifs) « 1° d’un cas visé à la disposition sous 13° /1, deuxième à quatrième alinéas ». Il s’agit de la définition des compartiments et des fonds dédiés. Les fonds dédiés constituent une exception à la règle générale selon laquelle les OPC qualifiés sont exclus de la définition de la construction juridique. Cette disposition renvoie à l’exception concernant (entre autres) les OPC exclus, qui constituent à leur tour une exception à la définition principale de la construction juridique de type 2 (seuil de 15 % comparé une société belge). On ne peut donc que conclure qu’un OPC alternatif ou OPCVM belge avec composition de fonds dédié ne peut JAMAIS être une construction juridique. Si l’on ne tombe pas sous le coup de la règle principale, on ne tombe pas non plus sous le coup de l’exception à la règle principale, ni de l’exception à l’exception à la règle principale. Par ailleurs, il convient de noter que dans les travaux parlementaires de la loi du 22 décembre 2023, le ministre des Finances a très explicitement reconnu que les OPC établis en Belgique ne peuvent plus être considérés comme une construction juridique après le transfert de leur siège de l’étranger vers la Belgique. On peut se référer à cet effet au Doc 55, 3697/014, pp. 24-25.

Impact du concept de construction juridique sur la TACT

Les modifications susmentionnées de la notion de construction juridique sont susceptibles d’avoir des effets secondaires sur la taxe annuelle sur les comptes de titres. Selon l’article 201/3, 8° du Code des droits et taxes divers (ci-après « CDTD »), le titulaire d’un compte-titres est défini comme le(s) titulaire(s) du compte-titres, y compris le(s) fondateur(s) des constructions juridiques, constructions filiales, constructions mères et constructions en chaîne dans le cadre desquelles le compte est détenu. L’article 201/3, 9° CDTD définit le fondateur comme la personne considérée comme fondateur d’une construction juridique en application de l’article 2, §1, 14° du Code des impôts sur les revenus 1992. Cependant, le terme « construction intermédiaire » n’a pas

été inséré dans le CDTD. On peut toutefois se demander si cet argument est suffisant. Si la loi doit être interprétée comme signifiant que la détention indirecte de constructions juridiques conduit à la transparence fiscale non seulement pour l’impôt des personnes physiques et des sociétés, mais également pour la TACT, il s’agirait d’un « effet secondaire » dont les conséquences pourraient être considérables.

Impact de la répartition proportionnelle de la TACT ( ?)

Si une société étrangère qualifiée de construction juridique a plusieurs actionnaires, la question se pose de savoir comment la répartition doit être effectuée à l’égard de l’actionnaire (belge et « fondateur »). Strictement parlant, le CDTD ne fait pas référence à l’article 5/1 du CIR92 et donc pas à la règle d’attribution au prorata de la taxe Caïman. Néanmoins, à notre avis, il y a de bons arguments pour soutenir que la règle du prorata de l’article 5/1, §1, cinquième alinéa du CIR92 a, à cet égard, un impact sur la TACT, de sorte que la valeur des comptes titres étrangers détenus par des constructions juridiques ne peut être attribuée per analogiam (pour la détermination de la base imposable de la TACT) qu’au fondateur, au prorata de sa participation. À notre avis, cette conclusion possible découle du fait que le législateur fiscal a inclus les concepts de « fondateur » et de « construction juridique » en se référant explicitement aux dispositions légales du CIR92. Le législateur a mélangé deux réglementations juridiques différentes en renvoyant brièvement aux notions de construction juridique et de fondateur, cela ne permet pas pour autant au Trésor belge de choisir « à la carte » les règles de l’une ou l’autre loi afin de revendiquer le résultat le plus avantageux pour lui. Le “renvoi” aux notions de construction juridique et de fondateur doit donc être lu comme « y compris l’attribution au prorata de la taxe Caïman (article 5/1 du CIR92) ». Dans ce contexte, il convient de mentionner que l’exposé des motifs de la loi du 17 février 2021 soulignait très clairement l’application « parallèle » de l’article 5/1 du CIR92 (Parl.St., n° 55-1708/001, 12-13) en ce qui concerne la TACT, bien que cela ne ressorte nulle part de la loi elle-même.

La pertinence de ce qui précède peut être illustrée par un exemple fictif. Un résident belge détient 0,2 % d’une SICAV luxembourgeoise. Par hypothèse, ce fonds a un investisseur institutionnel important (société suisse) qui détient 53% de la Sicav-SIF. Tous les investissements de la Sicav-SIF sont détenus par hypothèse sur un compte-titres luxembourgeois d’une valeur moyenne de 600 millions d’euros. Dans l’hypothèse où la Sicav-SIF luxembourgeoise est considérée comme une construction juridique au sens des nouvelles règles de la taxe Caïman, la transparence s’applique en principe pour la TACT. Si la règle du prorata est respectée, notre investisseur belge doit la TACT sur une base imposable de 1.200.000 euros (la valeur moyenne de sa part dans le compte-titres étant de 0,2 % de 600 millions d’euros). Avec un taux d’imposition de 0,15 %, cela donne un montant à payer de 1.800 euros.

Cependant, si la règle du prorata ne pouvait être appliquée pour la TACT, notre investisseur belge serait redevable d’une TACT de 900.000 euros par an, ce qui est totalement absurde. Appliqué à la situation de notre investisseur belge, cela équivaut presque à une « sortie annuelle », puisque la valeur moyenne de sa part dans le compte-titres n’est que de 1.200.000 euros. Il s’agirait d’une situation absurde et juridiquement inadmissible. En outre, il convient de se demander si le Trésor belge n’outrepasse pas ses compétences en matière de fiscalité internationale dans cette application, et s’il ne viole pas (dans ce cas) la convention de double imposition avec la Suisse (en ce qui concerne la répartition proportionnelle avec la société suisse), qui réserve les impôts sur le patrimoine à l’État résident.

L’exclusion de la substance s’applique-t-elle également à la TACT ?

Enfin, une question générale importante est de savoir si l’exclusion dite « de substance » s’étend également à la TACT. En effet, une construction juridique n’est pas considérée comme fiscalement transparente à l’impôt des personnes physiques pour les exercices d’imposition pour lesquels le fondateur établit dans la déclaration annuelle des impôts sur les revenus et démontre sur simple demande que la construction juridique est établie dans un État avec lequel la Belgique a conclu une convention préventive de la double imposition, ou a conclu un accord en vue de l’échange de renseignements en matière fiscale ou qui, avec la Belgique, est partie à un autre instrument juridique bilatéral ou multilatéral, pourvu que cette convention, cet accord ou cet instrument juridique permette l’échange d’informations entre les États contractants en matière fiscale, et que: (i) il soit démontré que la construction juridique exerce une activité économique substantielle, au moyen de personnel, d’équipements, de biens et de locaux, et que ses revenus sont principalement réalisés par celle-ci, et que (ii) cette activité substantielle n’a pas pour but la gestion du patrimoine privé du fondateur ou d’un des fondateurs de cette construction juridique (art. 5/1, §2, b du CIR92). Comme cité ci-dessus, le CDTD ne se réfère pas explicitement à l’article 5/1 du CIR92. Néanmoins, il n’y a pas de doute que l’exclusion de substance s’applique également à la TACT. Ici encore, l’exposé des motifs, qui souligne lui-même très clairement l’application « parallèle » de l’article 5/1 du CIR 1992 (Parl.St., n° 55-1708/001, 12-13), nous semble tout à fait pertinent.

Conclusion

La loi du 22 décembre 2024 a réformé en profondeur les règles relatives à la taxe Caïman. Il convient également de noter qu’il subsiste de nombreuses incertitudes, par exemple sur la mesure dans laquelle l’extension de la taxe Caïman se répercutera sur la TACT.

Les investisseurs qui investissent dans des fonds ou dans des sociétés non cotées ont tout intérêt à faire examiner leurs actifs en temps utile afin d’évaluer l’impact des nouvelles règles. Dans un deuxième temps, il faudra veiller à ce que toutes les informations soient collectées à temps pour respecter toutes les obligations fiscales. Il n’est pas exclu que de nombreux contribuables ne soient pas en mesure de respecter toutes les obligations. Il se peut qu’ils n’aient pas toujours accès aux informations nécessaires. Cela ne se justifie pas. Une bonne réglementation ne doit pas avoir pour conséquence que les contribuables ne soient pas en mesure de respecter leurs obligations fiscales. Un contribuable prudent veillera néanmoins à se conformer autant que possible aux nouvelles règles afin d’éviter que le SPF Finances ne soit tenté d’enquêter. C’est la seule façon d’éviter au maximum l’éventualité d’une procédure pénible à l’encontre du SPF Finances. La sagesse ancestrale « Mieux vaut prévenir que guérir » s’applique ici, tant pour le portefeuille que pour la tranquillité d’esprit.

Gerd D. Goyvaerts, Christophe Coudron et Maryll Calari

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