Toute entreprise, au gré de son activité, peut se retrouver confrontée à des difficultés économiques, passagères ou structurelles, dues à divers facteurs tels qu’une pression concurrentielle importante, une mauvaise gestion administrative ou encore la faillite de certains clients importants. Afin d’éviter la faillite ou la liquidation de l’entreprise et tenter d’assurer la continuité de celle-ci, le législateur belge a instauré, par la loi du 31 janvier 2009, la possibilité, pour l’entreprise en difficulté, de solliciter l’octroi d’une procédure de réorganisation judiciaire auprès du tribunal de l’entreprise. Les dispositions qui traitent de cette procédure sont insérées dans le livre XX du Code de droit économique.
Cette procédure présente l’objectif principal de protéger le débiteur contre les voies d’exécution de ses créanciers dans la perspective d’un accord amiable ou collectif ou encore d’un transfert sous autorité judiciaire. Afin de trouver un équilibre entre les droits du débiteur liés au maintien de ses activités économiques et les droits des créanciers, et de lutter contre l’utilisation abusive de la réorganisation judiciaire ayant pour seul objectif de paralyser les saisies en cours, le législateur belge a adopté les articles XX. 44 et XX. 51 du C.D.E. Ces articles traitent de la question de l’impact du dépôt d’une requête en réorganisation judiciaire et de l’ouverture de la procédure sur les saisies en cours.
L’objectif imparti à cette brève contribution est de présenter l’impact du dépôt d’une requête en réorganisation judiciaire et de l’ouverture d’une telle procédure sur les saisies-exécutions mobilières en cours que l’actif visé soit corporel ou incorporel.
Saisie-exécution mobilière
Le dépôt de la requête – article XX. 44 du C.D.E.
Le simple dépôt de la requête en réorganisation judiciaire prévoit de principe une suspension de la réalisation des biens du débiteur, meubles ou immeubles. Si l’article ne prohibe pas, au sens strict, la saisie-exécution mobilière en cours, celle-ci se voit effectivement suspendue par le dépôt de la requête et les biens ne pourront être réalisés à la suite de celle-ci.
Ce principe de suspension de la réalisation des biens meubles du débiteur connaît deux exceptions :
- Si le jour fixé pour la vente des meubles saisis échoit dans un délai de deux mois suivant le dépôt de la requête, les opérations peuvent se poursuivre. Néanmoins, à la demande du débiteur, le tribunal peut autoriser la suspension de la vente après entente du jugé délégué et du débiteur en ses moyens. Si la vente se poursuit, l’huissier répartira le prix entre les créanciers privilégiés spéciaux, le solde étant remis au débiteur ou au praticien de la liquidation.
- L’article XX. 45, §5, du C.D.E. prévoit que la demande en réorganisation est dépourvue d’effet suspensif si elle émane d’un débiteur ayant sollicité l’octroi d’une telle procédure moins de douze mois plus tôt, sauf décision contraire du tribunal.
Quel est l’impact du dépôt de la requête sur une saisie-arrêt-exécution en cours ?
L’article XX. 44 du C.D.E. prohibe la réalisation des biens du débiteur. A proprement parler, en matière de saisie-arrêt-exécution, il ne s’agit pas d’une réalisation. Faudrait-il toutefois attendre le jugement d’ouverture de la procédure ? Le tribunal de l’entreprise de Gand, dans une décision du 21 décembre 2018, semble trancher en ce sens. Toutefois, une telle solution, d’un point de vue économique et prenant en considération l’objectif de redressement du débiteur, nous paraît critiquable et constitue une différence de traitement entre la saisie-exécution portant sur un bien meuble corporel et celle portant sur un actif incorporel.
L’ouverture de la procédure – article XX. 51 du C.D.E.
Qu’en est-il de la saisie-exécution mobilière en cours lorsque le tribunal décide d’ouvrir la procédure ?
Dès le jugement d’ouverture de réorganisation, toute saisie-exécution en cours se dénature en saisie conservatoire (article XX. 51, §1er, alinéa 2, du C.D.E). Par ailleurs, les articles XX. 50, alinéa 1er et XX.51, §1er, alinéa 1er, du même code érigent en principe la suspension des voies d’exécution, concept englobant toute saisie-exécution.
Ce principe de suspension des voies d’exécution connaît toutefois une exception. Si le jour fixé pour procéder à la vente forcée du bien meuble échoit dans un délai de deux mois suivant le dépôt de la requête, les opérations peuvent se poursuivre.
Selon une certaine frange de la doctrine, le solde éventuel qui resterait de la vente mobilière ne peut être laissé à disposition du débiteur en raison du caractère conservatoire de la saisie. Une autre solution, soutenue par d’autres auteurs, revient à charger l’huissier de procéder au paiement des créanciers hypothécaires et privilégiés spéciaux, le solde revenant au débiteur ou au praticien de la liquidation en cas de transfert.
Quel est l’impact de l’article XX. 51 du C.D.E. sur une saisie-arrêt-exécution en cours ? En principe, une telle mesure se voit suspendue et à vocation à se dénaturer en saisie conservatoire. Aucune exception, contrairement à la saisie mobilière portant un meuble corporel, n’est prévue à cette suspension de principe dès lors qu’il n’y a pas de « vente forcée » à proprement parler en matière de saisie-arrêt-exécution. Cette différence de traitement résultant des textes légaux nous semble injustifiée.
Jean Boileau, avocat du barreau de Liège-Huy
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