Aujourd’hui encore, la plupart des petites et moyennes entreprises utilisent principalement le support papier classique, que ce soit pour leurs documents comptables ou sociaux. Pour beaucoup, un bureau paperless est donc encore un rêve lointain. Le traitement électronique de l’information progresse néanmoins. Dans la présente contribution, nous évoquerons le cadre législatif de manière générale et nous mettrons en lumière les possibilités d’informatisation des documents comptables et sociaux.
Depuis un certain temps déjà, l’Europe s’attelle à l’élaboration d’un cadre législatif relatif à l’informatisation et à la substitution des documents papier (le règlement eIDAS du 23 juillet 2014). Ce règlement sert de base à la réglementation belge actuelle en matière d’informatisation des documents comptables.
Les principales règles en matière de tenue et de conservation des documents comptables sont regroupées dans les articles III.82 à III.95 du Code de droit économique et dans l’arrêté royal du 21 octobre 2018 portant exécution de ces articles. En outre, toute une série d’autres lois et arrêtés royaux règlent différents sous-aspects de l’informatisation. Il n’est donc pas toujours simple de s’y retrouver, ce qui ne facilite évidemment pas l’introduction d’un environnement commercial sans papier. Nous nous concentrerons sur les principes généraux, puisque ceux-ci aussi sont apparemment méconnus.
Liberté de choix
La législation actuelle donne aux entreprises la liberté de choix en ce qui concerne la tenue et la conservation des livres et documents. En matière de tenue et de conservation des livres, une entreprise peut choisir entre le registre classique, relié ou broché, avec mention du nombre de pages, ou un système informatisé. Depuis l’arrêté royal du 25 janvier 2005, la tenue d’une comptabilité entièrement électronique est autorisée, de même que la conservation de tous les livres sur un support informatique. La conservation des livres peut se faire sur un support papier ou sur un support informatique. En cas de conservation sur un support informatique, l’irréversibilité et l’accessibilité des données conservées doivent être garanties.
Conditions d’une comptabilité électronique
Le fait qu’une entreprise tienne sa comptabilité de manière exclusivement électronique ne la dispense pas des obligations qui s’appliquent à la tenue d’une comptabilité classique, sur papier. L’arrêté royal du 21 octobre 2018 le mentionne également de manière explicite. En effet, il ne se réfère qu’aux principes applicables à la comptabilité sur papier (voir ci-dessous) et précise qu’une entreprise doit toujours veiller à ce que sa comptabilité soit conforme aux dispositions légales et réglementaires en la matière, sans que la loi ou l’arrêté royal prévoie des prescriptions ou des garanties supplémentaires pour ce qui concerne la tenue d’une comptabilité électronique.
L’application de chacun des principes classiques de la comptabilité papier à une comptabilité exclusivement électronique n’est pas clairement expliquée. Le Code de droit économique et les arrêtés d’exécution ne prévoient qu’un certain nombre de possibilités. Nous vous les détaillons ci-après.
Un arrêté royal précise que les systèmes informatisés utilisés doivent comporter les garanties suivantes pour la tenue et la conservation des livres:
- la continuité matérielle;
- la régularité;
- l’irréversibilité;
- l’accessibilité.
Le Code de droit économique définit l’irréversibilité de la manière suivante: “Les livres sont tenus par ordre de dates, sans blancs ni lacunes. En cas de rectification, l’écriture primitive doit rester lisible.” Le Code ne donne pas d’autres précisions concernant la manière d’interpréter/de réaliser concrètement ces garanties pour le cas où une entreprise changerait par exemple de logiciel comptable.
Dans une comptabilité électronique, non seulement les fichiers contenant les livres et les pièces justificatives doivent être conservés (de manière inaltérable), mais également les programmes et les systèmes permettant de lire ces fichiers pendant la période de conservation. Et ce, pour garantir que chaque état comptable puisse être présenté et réimprimé pendant la période de conservation minimale (voyez ci-dessous pour les délais). Dans ce cas aussi se pose la question de savoir comment procéder en cas de mise à jour, ou lorsqu’un logiciel n’est plus commercialisé, ou que l’utilisateur change de fournisseur de logiciels, etc. Vous le constaterez: beaucoup de questions restent sans réponse.
Période de conservation
La période et le mode de conservation, de même que la forme dans laquelle les documents doivent être conservés, varient selon le type de document. Voici un bref rappel des périodes de conservation pour les principaux documents. En cas de comptabilité exclusivement électronique, le support utilisé pour ces livres doit garantir, pendant toute la durée de la période de conservation imposée, l’inaltérabilité et l’accessibilité des données qui y sont enregistrées. Comme nous l’avons déjà signalé, le respect de cette mesure n’est pas évident et soulève de nombreuses questions.
Documents sociaux
Avant de clore la présente contribution, nous évoquerons encore brièvement l’informatisation des documents sociaux dans l’entreprise. Ce processus est moins courant que l’informatisation des documents comptables, peut-être en raison des nombreuses formalités (coûteuses) qui vont de pair avec une éventuelle informatisation.
L’obligation de rédaction, la remise au travailleur et la conservation des documents sociaux sont réglées par un arrêté royal du 23 octobre 1978, datant donc déjà de plus de quarante ans, qui n’est manifestement pas adapté à la demande sans cesse croissante d’informatisation. Les documents sociaux doivent en principe être conservés pendant cinq ans. Depuis 2007, le législateur prévoit la possibilité de créer et de conserver uniquement de manière électronique certains documents sociaux et autres utilisés dans le cadre de la relation travailleur-employeur.
Certains documents salariaux (le compte individuel, l’état des prestations, les fiches salariales) peuvent être établis et conservés exclusivement sous format électronique depuis 2007, moyennant toutefois un accord entre l’employeur et le travailleur. Cet accord est valable pour l’année calendrier en cours. A l’expiration de ce délai, tant le travailleur que l’employeur peuvent revenir sur cet accord et l’une des deux parties peut exiger que certains documents soient (de nouveau) communiqués sous format papier.
Les différents types de contrats de travail peuvent également être envoyés et conservés sous format électronique, mais ces formalités requièrent, outre l’accord du travailleur, une signature électronique. Il est important de noter que si l’employeur recourt à l’envoi et à l’archivage électroniques de tels documents, il doit faire appel à un “service d’archivage électronique externe” qui archive également ces documents. Il s’agit le plus souvent du secrétariat social de l’entreprise.
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Cet article de Sébastien Van Damme et Laura Bruynseels a déjà apparu dans le bulletin “Pacioli” (nr. 488).
Il est possible de consulter l’article intégral via le site web de l’Institut des Comptables et Fiscalistes Agréés (IPCF).
Sébastien VAN DAMME
Laura BRUYNSEELS
BUYSSENS Avocats en droit social
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