Il est admis depuis un certain temps que le précompte mobilier non remboursé peut être récupéré par voie de réclamation (en vertu de l'article 366 du CIR92). Il est supposé que la restitution doive alors avoir lieu dans le délai de cinq ans prévu à l'article 368 du CIR92 (Com.I.R. 1992, n° 368/2-4). La Cour de cassation a récemment décidé (Cass. 21 décembre 2023, F.22.0056.N) que la restitution peut également avoir lieu directement devant le tribunal et que, par conséquent, la condition d'épuisement des voies de recours administratives ne s'applique pas. La Cour a ainsi rejeté le pourvoi en cassation introduit par l'administration fiscale contre un arrêt de la Cour d'appel de Gand.
Faits de l'affaire
In casu, l’affaire soumise à la Cour d'appel de Gand concernait des revenus perçus par un gérant d'entreprise provenant de sa société et qualifiés par ceux-ci de revenus mobiliers provenant de la location de la clientèle (à la suite de quoi le précompte mobilier libératoire était retenu par la société). Le précompte mobilier n'était plus repris dans la déclaration à l'impôt des personnes physiques du dirigeant d'entreprise, compte tenu de son caractère libératoire (art. 313 du CIR92). Par la suite, l'administration et la Cour d'appel de Gand ont considéré ces revenus comme des revenus professionnels (rémunération du dirigeant). Toutefois, lors de la première réclamation contre la cotisation à l'impôt des personnes physiques sur les revenus perçus de la société (revenus mobiliers ou revenus professionnels), le dirigeant d’entreprise n'avait pas (encore) demandé la restitution du précompte mobilier. A "titre très subsidiaire" (au cas où le tribunal de Gand confirmerait la qualification de rémunération du dirigeant d’entreprise), le contribuable a demandé au tribunal d'ordonner la restitution du précompte mobilier retenu à la source par la société. La cour d'appel s'est penchée sur cette question et a décidé que le précompte mobilier devait être restitué, étant donné qu'il avait été retenu à tort et transmis au Trésor public.
L'administration fiscale n'a toutefois pas pu suivre ce point de vue et a introduit un pourvoi en cassation contre ce jugement. Selon l'administration, le contribuable ne pouvait pas demander directement le remboursement du précompte mobilier devant le tribunal, étant donné que ce point n'était pas inclus dans la réclamation initiale. En effet, selon l'administration, la demande de remboursement serait soumise à ce que l'on appelle la "condition d'épuisement". Cette condition signifie que si un contribuable veut porter un litige fiscal devant le tribunal fiscal, il doit d'abord avoir introduit "le recours administratif organisé par ou en vertu de la loi" (article 1385undecies C. Jud.).
Appréciation de la Cour
La Cour de cassation ne partage pas l'avis de l'administration et rejette le pourvoi.
La Cour confirme tout d'abord que le contribuable peut effectivement demander la restitution du précompte mobilier indûment retenu et reversé au Trésor. En effet, l'article 368 du CIR92 prévoit que, à défaut d’avis de perception des précomptes professionnel et mobilier perçus autrement que par rôle, l’action en restitution de ces précomptes indûment versé au Trésor se prescrit par cinq ans à compter du premier janvier de l'année pendant de laquelle ces précomptes ont été versés.
Le législateur a ainsi instauré une prescription quinquennale pour les demandes de remboursement du précompte mobilier retenu à la source, sans qu’un enrôlement ou autre notification n'ait été effectué. Dans son arrêt, la Cour se réfère aux termes "action en restitution" et "prescription" dans la disposition de l'article 368 du CIR92, ainsi qu'à "l'historique législatif", pour ensuite conclure que :
"par cette disposition, le législateur a voulu instaurer un délai de prescription dans lequel l’action en restitution de précompte mobilier ou professionnel indument versé doit être introduite au plus tard dans le cas où les précomptes n’ont pas été enrôlés et que leur avis de perception n’a pas davantage eu lieu de sorte qu’il n’existe aucune décision administrative contre laquelle il est possible de faire une réclamation ".
La Cour a confirmé que dans ce cas particulier (c'est-à-dire s'il n'y a pas d'enrôlement du précompte mobilier et pas de notification de sa perception), il n'y a pas d'obligation d'épuisement, en l'absence de toute décision administrative susceptible de faire l'objet d'un recours.
Conclusion et recommandations
En principe, cet arrêt de la Cour est favorable au contribuable. Il permet au contribuable de saisir directement les tribunaux dans le délai de cinq ans. Fait remarquable, cet arrêt va apparemment à l'encontre de la jurisprudence antérieure de la Cour de cassation. En effet, dans son arrêt du 9 février 2018, la Cour de cassation a jugé à propos du précompte professionnel que la condition d'épuisement jouait effectivement. Toutefois, à l'époque des faits dont elle était saisie dans cet arrêt, l'article 368 CIR92 n'était pas encore applicable (l'article n'a été introduit que par la loi du 28 décembre 2011 et s'applique au précompte professionnel et au précompte mobilier payé depuis le 1er janvier 2011), de sorte que la conclusion à l'époque était différente. Toutefois, compte tenu de l'entrée en vigueur de l'article 368 du CIR92, cette jurisprudence n'est plus pertinente.
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