Le texte ci-dessous est le compte-rendu du discours prononcé par Maître Sébastien Olivier, Bâtonnier de l’Ordre des avocats du barreau de Liège-Huy, lors de la prestation de serment des avocats stagiaires à l'occasion de la séance solennelle de la Cour d'appel le 27 septembre 2024.
Madame la Première Présidente,
Monsieur le Président,
Mesdames les Conseillers,
Madame l’Avocat général,
Mesdames, Messieurs les Bâtonniers,
Chères Consœurs, Chers Confrères,
Mesdames, Messieurs,
Mes chers nouveaux confrères et nouvelles consœurs, c’est évidemment à vous que je m’ adresse en premier. Vous venez de prêter serment. C’est un moment unique de votre vie. Je vous adresse toutes mes félicitations !
Ce serment n’est pas seulement l’aboutissement de votre parcours universitaire, mais c’est surtout un choix de vie : celui de défendre, avec intégrité et indépendance, des hommes et des femmes, leur honneur, leurs droits fondamentaux, leurs intérêts.
La prestation de serment n’est pas une simple formalité. Elle est bien plus. Parce qu’en prononçant le serment, vous qui portez pour la première fois la robe, vous devenez avocat. Le serment est le gage de la confraternité, de la loyauté, de l’indépendance de l’avocat. La robe est le symbole de l’égalité entre les avocats.
Libre est l’avocat et vous le serez encore plus si vous usez de cette liberté pour convaincre. Respectez vos clients, vos confrères, les magistrats et les greffiers.
Ils vous respecteront en retour.
Notre profession est passionnante ! Elle nécessite du travail, de l’engagement, de l’excellence, de la persévérance. Elle sera parfois angoissante par les responsabilités qui seront les vôtres. Vous allez découvrir qu’il vous faudra répondre à deux exigences : courage et humilité.
Mais quel est le rôle de l’avocat ?
Du point de vue sociétal, son travail au quotidien fait vivre l’Etat de droit et en garanti la pérennité. Ce rôle est essentiel tant ce grand principe, même s’il est central et fondateur, est aujourd’hui malmené.
Du point de vue des justiciables, il s’agit de la défense de leurs intérêts particuliers. Pour définir ce rôle si difficile, je ne peux mieux faire que de citer la phrase de feu Monsieur le bâtonnier Jean-Marie Defourny : « l’avocat est là pour dire ce qui doit être dit. » Cette phrase peut paraître anodine, mais elle renferme en réalité toute l’ampleur de ce qui vient de devenir, il y a quelques minutes, votre devoir. En effet, il ne s’agit pas pour l’avocat de relayer simplement et mécaniquement auprès des instances judiciaires les desiderata de son client tels qu’ils lui sont exprimés. Il vous faudra éclairer votre client, souvent le raisonner, parfois lui dire non, et toujours passer tout ce qu’il vous livre au tamis du bon sens, des règles de droit, et de leurs intérêts. C’est aussi la signification du serment que vous venez de prêter. Cette détermination de ce qui doit être dit relève de l’obligation de l’avocat et même de son art. En toute circonstance, ne perdez jamais votre indépendance et la distance que vous devez conserver vis-à-vis de vos clients. C’est à cette seule condition que vous agirez de manière professionnelle et que vous serez respectables et respectés. En un mot, comme en cent, les passions de vos clients ne sont pas et ne doivent jamais devenir les vôtres !
Le métier d’avocat est aussi un art nourri de créativité et de rigueur. Vous allez conseiller, défendre quotidiennement des clients de toutes origines sociales, de toutes nationalités avec une grande accessibilité et une grande transparence vis-à-vis d’eux.
Nous aussi les avocats, nous sommes entrés dans une révolution numérique : intelligence artificielle, bigdata, blockchain… Les "robots" peuvent remplacer les codes, mais la robotique doit rester au service de l’avocat et non l’inverse. L’intelligence artificielle va opérer une transformation profonde des marchés, dont celui du droit. Notre profession n’échappera pas à ce phénomène général qui nécessite de repenser en profondeur notre valeur ajoutée. Mais les avocats ne vont pas disparaître car rien ne pourra remplacer les métiers qui requièrent de l’intuition et du jugement, ce qu’aucune machine ne peut apporter.
J’ai prononcé il y a quelques instants le mot humilité. L’avocat modeste est une espèce rare. Les deux termes paraissent même se contredire. Ne serait-ce pas même tout simplement un oxymore ?
Mais rassurez-vous : personne n’a jamais commencé au sommet. Quand vous sortirez d’une audience l’égo passablement cabossé et désespéré car votre maître de stage vous aura confié une cause qui l’est tout autant, que votre adversaire vous aura fait griller à petit feu en vous rappelant que l’enfer ce sont les autres, et que le juge vous aura fait mesurer l’étendue de ce qu’il vous reste à apprendre, vous vous souviendrez de mon propos.
Un brin d’humilité vous aidera à supporter les échecs et à rendre vos victoires supportables… surtout pour les autres. Si à chaque affaire perdue, vous vous chargez de rancœur, si à chaque affaire gagnée, vous gonflez votre égo, votre vie et celle de vos proches sera insupportable. Une fois l’affaire terminée, oubliez aussi vite la victoire que la défaite. Soyez capable de prendre soin de vous et de vos proches. C’est aussi cela l’humilité.
Quelle chance d’entrer dans la profession d’avocat à un moment où tout est possible ! Il vous faudra innover, trouver de nouvelles solutions pour défendre des causes justes qui restent l’apanage de l’avocat. Il vous faudra ne pas avoir peur de vous engager dans les modes alternatifs de règlement de conflits, tout en restant fidèles à nos règles déontologiques qui constituent la morale d’une profession et garantissent le respect de l’éthique.
Enfin, ne perdez pas de vue que l’avocature est aussi une communauté confraternelle et solidaire, soutenue par des ambitions collectives. Celles-ci sont portées par les Ordres et les Jeunes Barreaux. Impliquez-vous dans cette dynamique collective au bénéfice de vos barreaux. Cette profession est désormais la vôtre !
Il me paraît à présent à la fois naturel et important de réserver quelques mots aux maîtres de stage. Ce jour est aussi celui de votre engagement. J’ai donné cours au Centre de formation professionnelle et j’en ai même été le directeur, mais laissez-moi vous dire qu’il n’est aucun cours, aussi éclairant soit-il, et qu’il n’est aucun ouvrage, aussi précis et didactique puisse-t-il être, qui est susceptible de remplacer votre présence auprès de votre stagiaire et les conseils
que vous lui prodiguez.
J’ajoute que vous êtes devenus maîtres de stage parce que la profession et le conseil de l’Ordre vous font confiance. L’agrément en qualité de maître de stage était autrefois une simple formalité, mais depuis quelques temps déjà, elle ne l’est plus, et donc l’Ordre vous fait dorénavant plus que confiance, il vous fait vraiment confiance.
L’appréciation qu’un avocat stagiaire portera sur l’entrée dans sa profession dépend essentiellement de vous, et si vous avez sollicité votre agrément, c’est parce que vous savez que votre bureau s’enrichira de la présence d’un jeune avocat récemment formé aux évolutions du droit et aux technologies diverses et variées, qui parfois – concédons-le – nous laissent bien démunis.
Ne soyez pas avare du temps que vous consacrerez à vos stagiaires : toute heure passée à leur expliquer ce qui doit être dit et fait dans un dossier, vous la récupérerez cent fois dans les autres dossiers que vous lui confierez.
Permettez-moi également de dire quelques mots aux nombreuses personnes présentes dans le public. Mesdames et Messieurs, si votre fils, votre fille, votre ami ou amie, votre frère ou votre sœur a aujourd’hui prêté serment, c’est aussi grâce à votre soutien. Ce jour est donc aujourd’hui le vôtre et c’est également à vous que je réserve mes félicitations. Vous vous souviendrez longtemps de l’angoisse des examens, peut-être par exemple de celui de théories du droit (je m’adresse ici aux liégeois) mais le temps de la récompense est venu ! Savourez-le pleinement !
Chers nouveaux confrères et nouvelles consœurs, je termine en me tournant à nouveau vers vous.
Soyez fiers et dignes de la robe que vous portez ! Portez-la humblement au service de vos clients et de la Justice !
Battez-vous pour la pérennité de la profession, battez-vous pour défendre la liberté de chacun, battez-vous pour défendre la société dans laquelle vous voulez vivre, et je peux alors vous assurer que votre vie professionnelle sera riche et passionnante.
Le futur est à vous, en avant !
Sébastien OLIVIER
Bâtonnier de l’Ordre des avocats du barreau de Liège-Huy
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