Lorsqu’un usager est victime d’un accident de la route, il doit démontrer sa perte de revenus que la compagnie d’assurances de la personne responsable devra indemniser. Il n’est pas toujours évident de démontrer combien l’on gagnait et surtout combien on aurait gagné, par type de revenus, jusqu’à la retraite ou jusqu’à son décès.
Il peut arriver à tout un chacun d’être victime d’un accident de roulage. Jeune ou âgé, salarié, pensionné, indépendant ou rentier, les conséquences en sont multiples: physiques, psychologiques et très souvent économiques, mais toujours uniques.
Des cas réels incluent ce dirigeant victime d’un chauffard “fantôme” à l’un des carrefours réputés dangereux de Bruxelles; après plusieurs mois d’hôpital, il perdit son entreprise et son patrimoine immobilier. Ou ce salarié du service public bénéficiant de nombreux avantages salariaux. Un accident le priva de toute promotion future. Ou cet entrepreneur en bâtiments qui roulait en vélo et que l’accident, au sortir d’une forêt priva de travailler durant une année.
Pas de règle générale
Les troubles de vie ou de jouissance varient: lourds ou légers, graves ou non. Il n’y a pas de règle générale, que des cas particuliers aux conséquences plus ou moins dramatiques. La perte économique sera insignifiante pour l’un, moins primordiale que sa peur à tout jamais de reprendre la route. Les séquelles physiques subies par une autre l’obligeront à changer de fonction, à perdre certains avantages salariaux et à sacrifier son plaisir professionnel.
Pour une troisième, un simple déplacement automobile l’aura privée de son travail, causé la faillite de son entreprise, rendue incapable de rembourser ses crédits et impliqué la perte de son patrimoine immobilier.
Il revient en principe à la compagnie d’assurances de la personne responsable d’indemniser la victime qui doit, quant à elle, démontrer l’importance de son dommage. Ce n’est pas toujours facile, tant humainement que techniquement de revenir en arrière pour prouver sa perte de revenus. Non seulement durant la période d’incapacité mais encore par après, jusqu’à la pension ou même le décès.
Si les deux parties n’arrivent pas à trouver un accord, la victime doit s’adresser au tribunal qui charge éventuellement un ou deux experts de lui donner un avis: l’un médical et l’autre économique.
Coût économique
Armée de patience car les procédures sont souvent très longues (et coûteuses), il lui faut construire un dossier de ses prétentions sur base de ses flux de revenus antérieurs. Dans notre pays où la défiscalisation des revenus est un sport national, un des points de discorde est régulièrement la prise en compte des avantages en nature: leur valeur est-elle leur coût économique ou le montant forfaitairement imposé?
Lorsque la victime est salariée, son âge, les composantes de son package financier et sa progression de carrière sont également discutées voire disputées: les primes étaient-elles récurrentes, quelle part des revenus formaient-elles, quand aurait-elle été promue…?
Le niveau de revenus et de dépenses est aussi impactant sans pouvoir en tirer de conclusions hâtives et systématiques. Dans un dossier dramatique, un pensionné écrasé par une voiture avait eu des revenus limités qu’il consacrait principalement à sa famille restée au pays. Sans preuves bancaires de ses transferts d’argent, son dossier était faible.
Quant aux indépendants à la tendance d’optimiser leurs revenus, le revers de la médaille peut devenir conséquent en cas de dommage à justifier: comment démontrer que l’on gagnait plus que ne le montrent les avertissements-extraits de rôle? La discussion porte non seulement sur la valeur réelle de certains avantages mais encore sur la nature fixe ou variable, compressible ou non de certains frais, impactant non seulement le revenu passé mais encore la proportion de réduction possible du dommage.
Revenus futurs
La prévision des revenus futurs, par extrapolation du passé ou non, est souvent une pierre d’achoppement entre victimes et compagnies d’assurances. Selon l’âge de la victime, le futur peut former la plupart de l’indemnisation.
Prévoir les revenus futurs jusqu’au décès n’est pas toujours évident et des hypothèses doivent être dressées pour chaque catégorie de revenus: professionnels, mobiliers immobiliers et divers. Il faut intégrer les progressions salariales ou fonctionnelles, les cessions d’entreprises et les faillites possibles ou prévisibles. Les flux de perception des revenus doivent être estimés jusqu’à la fin de leur perception.
Il est toujours préférable que les parties transigent en conciliation ou médiation, faisant chacune des concessions à l’autre. Mais ce n’est pas toujours possible en pratique, auquel cas les tribunaux tranchent sur base des avis techniques que les experts judiciaires leur ont rendus.
Charles Markowicz
Associé Costmasters Fiduciaire – Centre de Résolution de Conflits
Cet article a été publié à L’Echo du 9 mai 2019.
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