Engagée en République centrafricaine depuis 2015, Avocats Sans Frontières y mène divers projets et études visant à renforcer l’état de droit et promouvoir l’accès à la justice. Grâce à son travail de terrain, ASF a pu constater que face aux difficultés d’accès à l’avocat et à une justice étatique de qualité, les citoyens centrafricains ont largement délaissé la justice étatique au profit d’acteurs de proximité, tels que les chefs de quartiers, les leaders religieux, les organisations de la société civile, etc. Pour ASF, toute stratégie d’aide au développement ne tenant pas compte de cette pluralité d’acteurs et de pratiques de résolution de conflit ne correspond pas aux besoins et moyens d’action et est dès lors d’avance vouée à l’échec.
Une justice étatique défaillante
Les institutions judiciaires centrafricaines, déjà fragiles avant la crise de 2013, se sont effondrées lors de la crise. Dans leur parcours de justice, les Centrafricains doivent faire face à de nombreux obstacles. D’une part, le faible déploiement des tribunaux étatiques au-delà de la capitale compromet gravement l’accès matériel au prétoire de justice. D’autre part, les forces de l’ordre s’érigent bien souvent en instances de justice et traitent, en interne et sans compétences légales, les cas qui leur sont rapportés. Par ailleurs, de nombreux cas de corruption, d’extorsions, d’intimidations et de détentions arbitraires sont rapportés.
Des avocats peu accessibles
Le coût élevé des services, le manque criant d’effectif et la nature des cas traités (principalement en droit économique), rendent l’accès à un avocat peu réaliste pour une vaste majorité des Centrafricains. Les avocats jouissent malgré tout de la confiance de la population. Nombreux se disent prêts à leur confier leurs cas, à condition que la tarification soit proportionnée à leurs moyens.
Une justice alternative prépondérante
Face à la faible présence d’institutions judiciaires étatiques et à leurs dérives, de nombreux Centrafricains saisissent des forums de proximité pour résoudre leurs conflits (chefs de villages, chefs de quartiers, leaders religieux, etc.). Si elle a l’avantage d’être plus accessible, cette forme de justice – dite alternative – n’est pas exempte de toute critique. D’une part, elle crée des conflits de compétence et des confusions dans le chef de citoyens. D’autre part, des cas de discrimination, de corruption et d’intimidation y sont aussi dénoncés.
La nécessité d’envisager le système de justice centrafricain de manière holistique
Sur le terrain, ASF constate que beaucoup de stratégies mises en place pour améliorer l’accès à la justice en RCA se limitent au renforcement du système de justice étatique. Pour ASF, de telles stratégies ne tiennent pas compte de la pluralité d’acteurs et de pratiques et ne correspondent pas aux réalités de terrain, de sorte qu’elles sont vouées à l’échec.
Partant, ASF exhorte l’ensemble des acteurs engagés pour l’accès à la justice en RCA à tenir compte de ces réalités et à adapter leurs stratégies d’intervention en conséquence.
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