Sur l’absolue nécessité de l’assistance d’un avocat lors de l’interrogatoire de police
par Mtrs. Christian Clement, Koen De Backer & Jan Beldé.
Le 19 octobre 2020, le tribunal correctionnel de Termonde a rendu un jugement déjà mémorable sur lequel, en fait, on ne peut ni en dire ni en écrire assez. Après tout, notre client CVH a été acquitté de meurtre, bien qu’il ait (plusieurs fois) avoué son implication à la police en 2011.
Cependant, ces aveux ont été faits dans des circonstances – pour le moins que l’on puisse en dire – douteuses. Surtout, elles ont été faites par un suspect vulnérable sans l’assistance d’un avocat, de sorte que ce client s’est avéré incapable de résister à la pression non autorisée exercée sur lui par les interrogateurs.
Le jugement
Les juges ont donc estimé que toutes les auditions de CVH devaient être exclues du dossier, et dans leur jugement détaillé et bien argumenté de 52 pages, on peut lire, entre autres, ce qui suit:
“… De verbalisanten hebben met deze kwetsbaarheid onvoldoende rekening gehouden tijdens hun verhoren, hoewel ze reeds van dag 1 op de hoogte waren van de mentale beperkingen van CVH. … Meer nog: beklaagde voert aan bij de behandeling van de zaak voor de bodemrechter dat de politie een enorme druk op hem heeft gelegd. Deze bewering wordt ook aannemelijk gemaakt door de gegevens van het dossier. … Uit al deze elementen blijkt dat de verbalisanten een ongeoorloofde druk hebben uitgeoefend op de bijzonder kwetsbare beklaagde CVH. … CVH vertelde nadien in zijn verhoren mogelijk in essentie dat wat de speurders van hem wilden horen. Hiervoor putte hij wellicht uit de details die hij als inwoner van Temse kende ‘van het openbaar gerucht’, de gegevens die hij in de cel van O. had vernomen, aangevuld met details die hij – in antwoord op de vragen van de onderzoekers- bij elkaar heeft gegokt, om zo de onderzoekers ter wille te zijn. … Het is duidelijk dat om al de bovenstaande redenen de verhoren van CVH afgelegd op 20.10.2011, 23.10.2011, 24.10.2011, 26.10.2011 (plaatsaanduiding), 14.11.2011 en 16.11.2011 uit de debatten dienen geweerd te worden. Het gebruik van een deel of het geheel van deze verhoren zou strijdig zijn met het recht op een eerlijk proces. Het feit dat het hier gaat om het misdrijf moord, sommige verhoren audiovisueel werden geregistreerd, beklaagde CVH slechts laat in de procedure zijn verklaring terug intrekt en het onderzoek werd geleid door een onafhankelijke onderzoeksrechter en beoordeeld wordt door professionele rechters, doet aan de bovenstaande beoordeling geen afbreuk. …”
Traduction libre:
“Les verbalisateurs n’ont pas suffisamment tenu compte de cette vulnérabilité lors de leurs interrogatoires, alors qu’ils étaient déjà conscients des limites mentales de CVH dès le premier jour. … De plus, l’accusé affirme que, lors du traitement de l’affaire devant le juge du fond, la police a exercé une pression énorme sur lui. Cette allégation est également rendue plausible par les données contenues dans le dossier. … Tous ces éléments montrent que les verbalisateurs ont exercé une pression excessive sur l’accusé CVH particulièrement vulnérables. … CVH a peut-être dit dans ses interrogatoires l’essentiel de ce que les enquêteurs voulaient entendre de lui. Pour cela, il a peut-être utilisé des détails qu’il connaissait en tant qu’habitant de Temse, “de la rumeur publique”, les détails qu’il avait entendus dans la cellule d’O., complétés par des détails qu’il a mis en jeu ensemble – en réponse aux questions de l’enquêteur – afin de plaire aux enquêteurs. … Il est clair que, pour toutes les raisons susmentionnées, les auditions de CVH qui se sont tenues les 20.10.2011, 23.10.2011, 24.10.2011, 26.10.2011 (nom de lieu), 14.11.2011 et 16.11.2011 doivent être exclus des débats. Le recours à tout ou partie de ces auditions serait contraire au droit à un procès équitable. Le fait que cela concerne le crime de meurtre, que certaines des auditions ont été enregistrées sur support audiovisuel, que l’accusé CVH n’a pu tirer sa déclaration que tard dans la procédure et que l’enquête a été menée par un juge d’instruction indépendant et jugée par des juges professionnels, n’affecte pas l’appréciation ci-dessus. …”
Nous recommandons aux lecteurs critiques qui pensent par exemple que « quelqu’un qui avoue un crime l’a de toute façon commis et doit être condamné » ou qu’« on a encore laissé sortir un coupable grâce à un avocat procédural » de mordre sur sa chique et de lire l’intégralité du récit suivant avant de se faire une opinion …
La théorie
Depuis l’arrêt Salduz du 20 novembre 2008 de la Cour européenne des droits de l’homme, tout suspect dans une enquête pénale a le droit d’être assisté par un avocat pendant son audition. La raison de ce jugement était la condamnation en Turquie de Yusuf Salduz, alors âgé de 17 ans, qui avait avoué avoir participé à une manifestation illégale du PKK. Par la suite, cependant, il est apparu que Yusuf Salduz avait subi des pressions et avait été battu lors de l’audition de la police, ce qui lui a valu de faire de faux aveux. Depuis lors, la Cour européenne des droits de l’homme exige qu’un avocat soit présent à chaque interrogatoire afin de vérifier que ses droits de l’homme et ses droits de la défense sont respectés.
En Belgique, ces “droits Salduz” n’ont été finalement transposés que dans la loi du 13 août 2011, qui a été publiée au Moniteur belge le 5 septembre 2011. Cette publication précisait que les droits Salduz ne prendraient effet qu’à partir du 1er janvier 2012 dans notre royaume.
Ces dates sont très importantes dans l’histoire de notre client CVH, car ses auditions ont toutes eu lieu entre le 5 septembre 2011 et le 1er janvier 2012. Au moment de ces auditions, les interrogateurs savaient pourtant très bien ce qui allait se passer, mais ces enquêteurs ont décidé de profiter des derniers mois pour conclure rapidement une longue enquête de meurtre “à l’ancienne”…
Le contexte
L’affaire concerne un meurtre non résolu survenu en juin 2009. Après 2 ans d’enquête, les enquêteurs n’avaient toujours pas trouvé une brèche. En octobre 2011, le père de CVH s’est rendu pour la énième fois au poste de police de Temse, car son fils était terrorisé par plusieurs personnes du quartier. Et pour la énième fois, on l’a envoyé se promener. Sous le coup de l’émotion, il crie en sortant: «Mon fils devrait-il finir comme ce Turc? En effet, un dépliant venait d’être distribué à Temse pour obtenir des informations sur ce meurtre non résolu, ce qui a de nouveau ravivé les discussions au sujet de ce meurtre. Pour la première fois, le père de CVH a soudainement attiré l’attention de la police, lui qui l’avait si longtemps suppliée. Cependant, cet appel à l’aide a déclenché un cauchemar, qui durera plus de 9 ans.
Peu de temps après, son fils, CVH, notre client, a été arrêté. Il était reconnu que CVH était mentalement retardé et qu’il était considéré comme un jouet pour les délinquants du quartier. Ils ont pris son argent et son téléphone portable, ils ont “emprunté” sa voiture et se sont moqués de lui. La police savait trop bien que CVH était une cible facile. Son implication présumée dans le meurtre a été déduite du fait qu’au moment du meurtre, son téléphone portable avait émis près de l’antenne-téléphonique. C’était aussi l’antenne téléphonique près de laquelle il vivait, mais les enquêteurs ont laissé cet élément de côté pour les besoins de la cause. A Temse, il y a 2 antennes téléphoniques, donc tous ceux qui y vivent étaient des suspects potentiels.
CVH a été mis sous cellule le 20 octobre 2011, à côté d’un soi-disant autre suspect, O., qui avait déjà été interrogé par la police juste avant. Leur conversation dans la cellule a été entendue. Sur cet enregistrement, vous pouvez entendre comment l’autre suspect raconte le meurtre d’un Turc et qui, selon la police, l’a fait. Vous pouvez également entendre comment CVH n’a aucune idée de qui il s’agit et pourquoi il est là.
Les auditions
Par la suite, CVH est interrogé par la police, durant un peu moins de 10 heures d’affilée. Ceci de 20h à 6h du matin. Il ne reçoit pas l’assistance d’un avocat et n’a pas été autorisé à prendre la parole avant. L’audition a été filmée dans son intégralité, ce qui (si vous avez des avocats qui se donnent la peine de regarder et d’analyser ces heures de tournage) s’avérera être son salut par la suite. Les images montrent qu’il s’endort même à la fin de l’audition. Après lui avoir parlé pendant des heures, il continue d’abord de nier. En raison d’un problème dit technique, il manque alors 15 minutes d’enregistrement, après quoi CVH procède soudainement aux aveux …
En tant qu’auteur du meurtre, il identifie les personnes qui lui ont été communiquées par le précédent suspect, juste avant l’audition. Lui-même n’aurait pourtant vu que la façon dont le corps était disposé.
Les jours suivants, CVH sera à nouveau interrogé durant 7h45 et 11 heures. Chaque fois jusqu’à après minuit. Il fera des confessions de plus en plus étendues, mais il expliquera aussi beaucoup de choses qui n’étaient pas du tout plausibles. Au cours de ces longues auditions, CVH avouera également qu’il était impliqué dans le meurtre.
Un détail important est qu’il explique des choses qui se sont passées à Temse, comme le fait que les organes génitaux de la victime ont été coupés et mis dans sa bouche. Le fait que ce ne soit pas du tout vrai aurait dû attirer l’attention des enquêteurs. Mais ces policiers ont fait de leur mieux pour commencer à ajuster les constatations aux déclarations CVH…
En tant qu’avocats de CVH, nous avions déjà réalisé qu’il n’avait rien à voir avec les faits, mais qu’il ne pouvait pas résister à la pression des enquêteurs lors des auditions. Nous avons demandé au juge d’instruction de pouvoir assister à chaque interrogatoire, mais il a refusé de nous laisser faire. CVH avait par la suite reçu un document de notre part déclarant qu’il ne souhaitait pas être interrogé sans avocat, qu’il a pris avec lui lorsque la police est venue le sortir de prison pour l’interroger. Les images montrent comment l’enquêteur impliqué se moque de lui avec ce papier et lui dit que ses avocats essaient de le manipuler et de ne pas l’aider correctement. Cet enquêteur lui dit également qu’ils ont déjà suffisamment de preuves de ce qui s’est passé et qu’ils n’auraient même pas besoin de sa déclaration.
Les interrogateurs étaient bien sûr conscients qu’ils étaient filmés, mais ils semblaient parfois perdre cela de vue. La soi-disant “confession” de tous les prétendus détails et prétendues connaissances de l’auteur n’a “malheureusement” pas été enregistrée. Ce n’est qu’avec l’intervention de la Chambre des mises en accusation de Gand que nous avons, en tant qu’avocats, pu remettre la caméra durant l’audition et ce, avec une réticence claire et perceptible des enquêteurs. La solution ? Faire une pause et poursuivre la conversation dans le couloir… Heureusement, il s’est avéré que le micro était assez puissant pour capter partiellement les conversations dans le couloir, et nous avons pu entendre comment CVH a déclaré à plusieurs reprises qu’il n’avait rien à voir avec les faits. Les enquêteurs se sont alors mis en colère, ils ont dit que le jury se moquerait de lui et que ses déclarations feraient la différence entre 5, 8 ou 30 ans.
Qui avouerait un meurtre ? (Allez dis !)
Il est difficile pour la plupart des gens de comprendre que quelqu’un puisse avouer quelque chose qu’il n’a pas fait, et certainement pas un meurtre. Même pas sous la pression de la police. Cependant, la recherche scientifique a prouvé le contraire à plusieurs reprises. Il y a aussi d’autres raisons pour lesquelles quelqu’un avoue quelque chose qu’il n’a pas fait, comme le fait de vouloir porter le chapeau ou de ne pas pouvoir résister aux pressions de la police. Un faux aveu est le résultat d’une combinaison de plusieurs facteurs, dont le fait d’avoir un suspect réceptif ou docile et en face, un interrogateur qui exerce des pressions et est suggestif. Mais les circonstances de l’interrogatoire peuvent également y contribuer. Par exemple, le risque de faux aveux augmente lors d’interrogatoires très longs et/ou nocturnes. Lorsqu’une situation fait que la personne interrogée estime que l’interrogatoire ne prendra fin que si elle avoue. En raison de la fatigue, il est également moins en mesure de surveiller les conséquences de ses aveux. En conséquence, il choisit la voie apparemment la plus facile, simplement parce qu’il veut s’en débarrasser.
Un autre élément récurrent est le système de récompenses et de pénalités, selon la déclaration. Lorsque l’accusé déclare quelque chose qui n’est pas du goût des interrogateurs, ceux-ci élèvent la voix, menacent et répètent la question jusqu’à ce que la réponse soit à leur goût. Lorsque le suspect déclare quelque chose que les enquêteurs veulent entendre, ils deviennent plus amicaux, le complimentent et lui accordent même des faveurs.
Un dernier facteur important qui peut contribuer est la fausse représentation d’autres éléments du dossier. Par exemple, en déclarant que le suspect a été désigné par d’autres comme étant l’auteur de l’infraction, ou en disant qu’il existe déjà des preuves établissant la culpabilité du suspect. Il est même possible de créer une atmosphère dans laquelle l’accusé faisant un faux aveu devient en fait véritablement convaincu qu’il doit être l’auteur du crime.
N’hésitez pas à assouvir votre curiosité et/ou vos réticences à ce sujet en regardant les docu-série « When They See Us » (à propose du Central Park Five), « Making a Murderer » en « The Confession Tapes », uniquement disponible sur Netflix.
Les experts
Afin d’enquêter sur tous ces risques, en tant qu’avocats de CVH, nous avons fait appel à deux éminents experts : d’une part, un professeur spécialisé dans les interrogatoires de police et, d’autre part, un professeur qui peut parler avec autorité des suspects vulnérables. Leur tâche consistait à déterminer si CVH était un suspect vulnérable et si les interrogatoires de la police étaient acceptables. Plus précisément, ils devaient également évaluer s’il y avait des indications de faux aveux.
Leur expertise a été claire et dévastatrice pour les interrogateurs. Ils ont été choqués par ce qu’ils ont constaté sur les images vidéo et ils n’ont pas mâché leurs mots. Les propres experts en comportement de la police, qui ne voyaient initialement aucun problème avec les interrogatoires, ont dû reconsidérer leur opinion lors de l’audience. Pendant le traitement de l’affaire au fond, ils se sont joints à nos experts pour déclarer que les interrogatoires n’avaient pas été menés comme ils auraient dû l’être.
Le procès
Lors de l’audience finale du tribunal correctionnel, les juges ont été confrontés à trois questions principales. Les interrogatoires faits sans l’assistance d’un avocat devaient-ils rester dans le dossier ? Des pressions non autorisées ont-elles été exercées sur CVH ? CVH et les co-accusés désignés par CVH ont-ils été impliqués dans le meurtre ?
Le ministère public (MP) était déjà d’avis qu’il devrait y avoir et qu’il y aura une condamnation. D’une part, les procureurs (car ils étaient même deux pour cette affaire) ont pensé que la police n’avait effectivement pas procédé à un interrogatoire très soigné, mais que d’autre part, il s’agissait d’un meurtre et la famille avait droit à une condamnation. Des éléments très vagues ont été retenus pour prouver le meurtre, ignorant grosso modo toutes les preuves contraires. Et elles étaient nombreuses…
Avec beaucoup de difficulté, l’enquêteur en question est finalement venu témoigner à l’audience. Il trouvait que tout allait bien et que CVH était définitivement un délinquant. Il a formellement nié qu’une conversation ait eu lieu dans le couloir, même après qu’on lui ait dit que cette conversation avait été enregistrée. Le Comité P a enquêté mais ne s’est pas prononcé. Le ministère public a classé sans suite. Après son témoignage, le soi-disant “super flic” a fait un high-five avec les collègues qui l’ont soutenu sur les bancs publics, au fond de la salle d’audience…
Heureusement, les juges étaient d’une qualité différente et étaient très critiques. Après des débats longs et approfondis, ces juges sont arrivés aux conclusions mentionnées ci-dessus, à savoir que les auditions devaient être exclues du dossier, en raison de l’absence d’assistance d’un avocat. Ils sont parvenus à cette conclusion sur base de la vulnérabilité de l’auditionné, des circonstances dans lesquelles les interrogatoires se sont déroulés et leur fiabilité.
Le fait que CVH était un suspect vulnérable est incontestable. Même l’enquêteur principal avait admis dans son témoignage que la police le savait. CVH avait un QI de 66, il savait difficilement lire et écrire et avait l’âge mental d’un enfant de 10 ans. En bref, il était mentalement retardé et c’était clair et immédiatement perceptible lors des interrogatoires, où il ne comprenait même pas la moitié des mots. CVH ne comprenait visiblement pas quels étaient ses droits et avait besoin de quelqu’un qui puisse l’aider à les respecter, à savoir un avocat.
En outre, les juges ont été particulièrement sévères à l’égard de l’interrogateur. Il a été établi que CVH a été interrogé à plusieurs reprises entre 7 et 11 heures d’affilée, de nuit et qu’il était manifestement trop fatigué, que la police l’a mis sous pression et qu’on a parlé sur lui dans le couloir. Il a également été établi qu’il a été dit à CVH que s’il n’avouait pas avoir utilisé son téléphone lors des faits, ils iraient chercher sa sœur. Enfin, il y avait les récompenses avec de la pizza ou des frites après avoir coopéré selon leur scénario ou après avoir fait des aveux.
Du point de vue de la défense, nous avons trouvé le refus de l’assistance d’un avocat pendant les interrogatoires si flagrant, qu’il aurait fallu les interdire immédiatement. C’est ce que la Cour européenne des droits de l’homme avait décidé dans sa première jurisprudence. Après une certaine agitation à propos de cette exclusion automatique des preuves, la Cour européenne des droits de l’homme avait adapté sa jurisprudence avec l’arrêt Ibrahimi. Un certain nombre d’arguments ont été avancés pour compenser l’absence éventuelle d’un avocat. Le tribunal a décidé que ces arguments devaient de toute façon être réexaminés, ce que nous avions bien sûr fait autant dans nos conclusions et dans nos plaidoiries, en tant qu’avocats. Les interrogatoires ont échoué sur presque tous les arguments, ce qui a amené le tribunal à prononcer, à juste titre, l’exclusion des interrogatoires. Le tribunal a également indiqué que les interrogatoires étaient extrêmement peu fiables et que les interrogateurs avaient exercé des pressions injustifiées.
Dès la première audience, la procureur avait indiqué que les déclarations de CVH étaient cruciales dans cette affaire. En fait, elle voulait dire que, sans ces déclarations, il n’y aurait aucune preuve. En effet, de l’ADN avait été trouvé, mais ne correspondait pas aux suspects. Aucune des traces retrouvées ne pouvait être reliée aux suspects, il n’y avait pas de motif clair et, en y regardant attentivement, les relevés des contacts téléphoniques n’étaient pas très incriminants.
Après le rejet des aveux, les juges ont donc examiné s’il y avait d’autres éléments objectifs pouvant être liés à CVH ou à l’un des autres accusés. Il n’y en avait pas. CVH et les autres ont été acquittés, à juste titre. Après un cauchemar de 9 ans.
Les premiers bilans
Un arrière-goût amer demeure. À ce jour, l’interrogateur en question n’a pas été publiquement appelé à rendre des comptes par le ministère public, et ce alors même que le ministère public a tenté de faire payer un meurtre à des innocents. Alors qu’il était en fait clair qu’eux aussi ne croyaient pas à cette histoire, mais qu’ils ne voulaient pas perdre la face car ils tenaient à leur honneur. Cette attitude nous fait nous interroger sincèrement et ouvertement sur les droits de la défense dans notre pays et sur la loyauté de ceux qui devraient nous protéger. Que les innocents de cette histoire doivent être dédommagés pour cette tragédie semble évident, mais il est très douteux que nos agents des forces de l’ordre soient cette fois-ci assez courageux pour prendre eux-mêmes les mesures nécessaires.
Nous espérons que le lecteur critique a persévéré jusqu’à la fin de l’histoire. Si cela lui a permis de comprendre que le droit de la défense et à l’assistance d’un avocat sont des valeurs essentielles, la mission est réussie. Il existe déjà de nombreux cas d’erreurs judiciaires dans le monde entier à la suite de faux aveux. En plus de “Central Park Five”, vous pouvez également rechercher sur Google “le meurtre de Keillers Park”, “le meurtre de la villa d’Arnhem”, “Ina Post” et “les meurtres de Putten”. Si l’enquêteur qui vous interroge est convaincu que vous êtes coupable, il fera tout ce qu’il peut pour le prouver et tout le monde est capable de faire de faux aveux.
L’avocat est une partie essentielle dans la salle d’interrogatoire. Vous avez toujours le droit d’être assisté par un avocat et ne vous laissez jamais convaincre d’y renoncer.
Christian Clement, Koen De Backer et Jan Beldé, Studio Legale/Studio Penale
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