Les travaux publics qui affectent la voirie, surtout s’ils se prolongent, peuvent engendrer un dommage économique pour les entreprises. Les travaux de construction du tram à Liège, dont l’achèvement est sans cesse repoussé, en sont certainement l’un des exemples les plus calamiteux.
Le décret wallon du 2 mai 2019 « instaurant une indemnité compensatoire en cas de travaux sur la voie publique » prévoit une indemnisation limitée, mais pratiquement automatique, à charge de la Région wallonne, pour les petites entreprises (moins de dix travailleurs) dont l’accès au site d’exploitation est entravé pour les clients.
Minimum 20 jours consécutif
L’indemnité compensatoire ne peut être obtenue que si les travaux entravent l'activité du site d'exploitation durant au minimum vingt jours consécutifs et si l’activité concernée requiert un contact avec la clientèle.
L’entrave n’existe par ailleurs au sens du décret que si « l'accès pédestre au site d'exploitation est fortement détérioré » ou si « les emplacements de parking spécifiques au site d'exploitation ou les emplacements de parking à proximité immédiate du site d'exploitation et habituellement utilisés par la clientèle ne sont pas accessibles ».
L’indemnisation ne peut donc pas être obtenue par toutes les entreprises. Elle ne concerne pas non plus tous les types d’entraves.
100 € par jour ou plus ?
Le montant de l’indemnisation est en toute hypothèse souvent insuffisant (100 EUR par jour par entreprise, pendant au maximum 60 jours), en particulier lorsque les travaux se prolongent pendant de nombreux mois ou années.
Le droit civil offre toutefois une autre possibilité d’indemnisation.
De longue date, la jurisprudence considère, sur le fondement même du droit de propriété, qu’il doit exister un équilibre entre les propriétés immobilières voisines, et qu’un propriétaire doit faire un usage de son bien de telle manière qu’il ne rompe pas cet équilibre. Il s’agit de la théorie des « troubles anormaux de voisinage ».
Lorsqu’une personne ou une entreprise subit un dommage parce que le propriétaire voisin a adopté un comportement rompant l’équilibre entre propriétés, elle peut saisir le juge et obtenir une indemnité à charge du voisin responsable. Il appartient bien entendu à cette personne ou entreprise de démontrer l’existence d’un trouble anormal de voisinage et d’un dommage.
Il est généralement considéré que cette indemnité ne doit pas couvrir tout le dommage subi, mais seulement être suffisante pour rétablir l’équilibre précité.
Cette théorie, auparavant jurisprudentielle, est désormais expressément consacrée par l’article 3.101 du Code civil.
Nuisance anormale
Une indemnisation pour trouble anormal de voisinage peut également être demandée lorsque la nuisance anormale est causée par des travaux publics. La jurisprudence considère toutefois, dans cette hypothèse, que le trouble n’est anormal que s’il dépasse « les charges que tout citoyen doit supporter dans l’intérêt collectif ». En d’autres termes, le juge doit, lorsqu’il examine la question du caractère anormal du trouble, prendre en compte le fait que la vie en commun implique d’accepter certains désagréments causés par des autorités publiques dans l’intérêt général.
Lorsqu’une entreprise subit une perte de revenus pendant quelques semaines, le temps de la réfection d’une voirie, elle subit vraisemblablement une charge que toute personne doit accepter dans l’intérêt collectif, et elle n’a donc pas le droit à une indemnisation. Si ces mêmes travaux s’éternisent pendant des mois – ou dans le cas de la construction des voies de tram à Liège – des années, le trouble peut vraisemblablement être qualifié d’anormal et le dommage subi peut alors être indemnisé, à charge de l’autorité responsable des travaux. En fonction du Code judiciaire, une action pour trouble anormal de voisinage doit en principe être introduite devant le juge de paix. Une telle action doit par ailleurs être introduite dans les cinq ans de la survenance du dommage.
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