L’instauration d’un délai de révision prolongé de 25 ans pour l’application de la TVA sur les locations immobilières à partir du 1er janvier 2019 requérait encore certaines dispositions d’exécution détaillées. Celles-ci nous sont enfin parvenues avec la publication des modifications apportées à l’arrêté royal n° 3 (cliquez ici). Outre la constatation selon laquelle le calcul de la révision pour les biens loués deviendra une question complexe à l’avenir, l’on note avec satisfaction qu’un régime neutre en matière de TVA est prévu pour la cession de biens loués avec option TVA.
Comme nous l’avons déjà mentionné dans les lettres d’information précédentes (cliquez ici), l’introduction du délai de révision prolongé de 25 ans est une mesure compensatoire à l’introduction du système optionnel pour la TVA et la location immobilière. Nous avons également déjà signalé que ce délai de révision prolongé était problématique eu égard aux dispositions européennes de la directive TVA 2006/112/CE. En outre, la manière dont ce délai de révision spécial devait être appliqué dans la pratique n’était pas claire. Ce problème est actuellement traité dans le cadre d’une modification de l’arrêté royal n° 3. Nous résumons ci-dessous les principaux éléments des nouvelles règles.
1) Mise en service comme point de départ pour le calcul du délai de révision
Tout d’abord, l’introduction du délai de révision prolongé a été l’occasion d’aligner pleinement les règles de révision des actifs mobiliers et immobiliers. Alors que, pour les biens immobiliers, le point de départ du délai de révision avait déjà été fixé il y a quelques années au 1er janvier de l’année de la première mise en service, cette règle est désormais étendue aux biens meubles professionnels. Toujours en ce qui concerne les biens meubles professionnels, le délai de révision ne devra plus être évalué par date de facture.
Ce point a surtout son importance pour le calcul de la révision TVA en ce qui concerne les actifs professionnels dont la construction/constitution prend plusieurs années. Attention, cette nouvelle règle ne s’applique pas aux biens meubles professionnels pour lesquels le droit à déduction date d’avant le 1er janvier 2019.
Un ajustement des règles de révision est également prévu en cas d’assujettissement à la TVA mixte, où le calcul de la révision finale des actifs professionnels est basé sur l’année de la première mise en service. Le Rapport au Roi contient un exemple chiffré bien clair sur ce point.
2) Concours du délai de révision prolongé avec d’autres délais de régularisation
L’arrêté royal limite le nouveau délai de révision de 25 ans aux immeubles loués avec option TVA, conformément aux dispositions légales (article 44, §3, 2°, d du C.TVA). Un règlement complexe est en cours d’élaboration pour compenser le concours avec les autres délais de révision existants. En particulier, la question se pose de savoir ce qui se passe lorsqu’un bâtiment tombe initialement dans le délai de révision de 15 ans existant (par exemple, pour activités économiques propres) et est ensuite loué à un tiers avec option TVA pendant cette période. En théorie, dans une telle situation, on relève 2 délais de révision (15 et 25 ans).
L’arrêté royal n° 3 modifié stipule que le délai de révision de 25 ans s’applique toujours dès qu’un bâtiment est loué avec option TVA, à moins qu’un premier bail avec option TVA ne soit conclu après l’expiration du délai de révision initial de 15 ans.
Si le délai de révision de 25 ans remplace le délai de révision de 15 ans, les règles suivantes s’appliquent :
- Le transfert a lieu à partir du 1er janvier de l’année où l’immeuble est loué avec option TVA ;
- Le délai de révision de 25 ans est présumé avoir commencé le 1er janvier de l’année au cours de laquelle le bâtiment a été mis en service pour la première fois.
En d’autres termes, si, au cours des 15 premières années, un bâtiment n’est plus destiné aux fins propres soumises à la TVA, mais est loué avec option TVA, les années déjà écoulées resteront « acquises » en termes de révision de la TVA. Ces années ne doivent plus être prises en compte dans un futur calcul de révision. Le montant qui est encore sujet à révision en cas de passage à la période de révision de 25 ans est déterminé sur la base du montant qui peut encore être révisé à ce moment-là dans le cadre de la période de révision de 15 ans.
Le Rapport au Roi contient un exemple chiffré détaillé qui clarifie ces principes. Dans ce contexte, il est clair qu’à l’avenir, le calcul des révisions concernant des immeubles loués deviendra un exercice complexe. Ce sera surtout le cas si le bâtiment est composé de différentes parties pouvant être louées et/ou utilisées séparément. Il ressort en effet du Rapport au Roi que, dans un tel cas, chaque partie indépendante doit être considérée séparément, à la fois pour déterminer le point de départ du délai de révision et pour déterminer le délai de révision applicable.
3) Régime spécial de révision de la TVA historique
Le nouvel article 21ter de l’arrêté royal n° 3 prévoit un régime transitoire spécial en ce qui concerne la révision de la TVA historique pour les bâtiments loués avec option TVA à compter du 1er janvier 2019. Ce régime, qui est conforme aux dispositions de l’article 21bis de l’arrêté royal n° 3 (en cas de passage à un assujettissement à la TVA pour les notaires, les huissiers de justice et les avocats), stipule essentiellement que le montant total d’une révision positive pour le passé est désormais non plus payé, mais placé sur le compte courant de TVA jusqu’à la fin de 2019.
Le but est d’absorber l’impact budgétaire des nouvelles règles en ce qui concerne les régularisations pour le passé. Tout ceci a déjà été annoncé dans une communication du SPF Finances le 9 janvier 2019 ; l’arrêté royal modifié en fournit désormais la base légale/réglementaire.
Dans ce cadre, nous notons qu’une révision positive de la TVA sur les bâtiments ordinaires sera en principe limitée, car les nouvelles règles en matière de TVA sur les biens immobiliers ne s’appliqueront pas aux bâtiments pour lesquels la TVA sur les constructions est devenue exigible avant le 1er octobre 2018. En revanche, pour la location d’un espace de stockage, compte tenu de la définition plus large de l’espace de stockage, ce plafond n’est pas fixé dans le temps et une révision peut s’avérer pertinente pour le passé.
Lors du calcul de la révision pour le passé, en principe, une partie de la TVA est perdue sur les factures correspondantes, à hauteur de x/5es ou x/15es de la période de révision déjà expirée. Toutefois, pour les bâtiments qui ne sont mis en service qu’après le 1er janvier 2019, il doit être possible de réviser 100 % de la TVA sur les factures anciennes, étant donné que le délai de révision est lié à la première année de mise en service (dans la mesure où toutes les conditions sont remplies pour une location avec option TVA).
Sur le plan formel, il convient de tenir compte du fait qu’une révision pour le passé nécessite un inventaire qui doit être soumis au contrôle TVA compétent.
4) Cession sans incidence sur la TVA d’un immeuble loué avec option TVA
Enfin, l’arrêté royal n° 3 prévoit, dans un nouvel article 21quater, un régime intéressant pour la cession de biens loués avec TVA.
Par analogie avec le régime de TVA neutre tel que défini aux articles 11 et 18, paragraphe 3 du Code de la TVA pour la cession d’une universalité ou d’une branche d’activité, une telle cession est considérée comme « neutre en matière de TVA » si le bail en question continue à courir et est donc honoré par le nouveau propriétaire. Ceci signifie concrètement ce qui suit :
- Le cédant n’est pas tenu de régulariser la TVA déduite en raison de la cession.
- Toute révision ultérieure résultant de changements de destination est à la charge du cessionnaire.
Pour le secteur immobilier, cette disposition spéciale est un facteur positif important dans les transactions d’actifs. On peut toutefois se demander pourquoi cette disposition devrait être limitée aux immeubles loués avec option TVA. En effet, on peut penser à d’autres situations dans lesquelles des bâtiments avec application de la TVA sont mis à disposition et font ensuite l’objet d’une cession (par exemple, un bâtiment loué au titre d’un bail immobilier – arrêté royal n° 30). Dans ces cas, suivant la situation effective, il est possible de recourir au régime de neutralité de la TVA des articles 11 et 18, paragraphe 3 du Code de la TVA pour la cession d’une branche d’activité, mais ce scénario est en soi beaucoup moins certain.
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Nous notons que l’application de ces nouvelles règles posera toujours diverses questions pratiques qui, entre autres choses, nécessiteront des éclaircissements supplémentaires dans une circulaire administrative. Il faudra donc encore attendre un peu.
Avec la publication des nouvelles règles de révision, il est désormais possible de déterminer avec certitude dans quelle mesure une révision positive peut désormais être effectuée pour les bâtiments loués avec option TVA. Les spécialistes de l’équipe TVA de Tiberghien sont prêts à vous assister à cet égard.
Source:
Arrêté royal du 12/05/2019 modifiant les arrêtés royaux nos 3 et 14 en ce qui concerne la taxe sur la valeur ajoutée relativement aux régularisations, MB du 27 mai 2019.
Pour de plus amples informations, n’hésitez pas à contacter:
Stijn Vastmans – Partner (stijn.vastmans@tiberghien.com)
Stein De Maeijer – Senior Associate (stein.demaeijer@tiberghien.com)
Gert Vranckx – Senior Associate (gert.vranckx@tiberghien.com)
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