Depuis le 26 novembre 2021, environ 2 000 chauffeurs et beaucoup plus de passagers ne pourront plus utiliser l'application UberX. Cette question a été tranchée par la Cour d'appel de Bruxelles. Entre-temps, une ordonnance réparatrice temporaire a été approuvée en vue d'une réforme ultérieure et définitive des taxis bruxellois, afin que les chauffeurs Uber, sous des conditions strictes, puissent à nouveau opérer dans la capitale.
23 septembre 2015. Dans son ordonnance de cessation, le Tribunal de l’entreprise néerlandophone de Bruxelles[1]imposait une interdiction de l'application UberPop car Uber travaillerait avec des particuliers qui transportent des personnes contre rémunération. Ce faisant, Uber ferait une concurrence déloyale aux compagnies de taxi, puisque les chauffeurs Uber ne seraient pas obligés de détenir une licence de taxi. Pour chaque trajet illégal via UberPop, la société devra payer une amende de 10 000 euros. En réaction à cette situation, Uber a lancé UberX, une application par laquelle Uber ne coopère qu'avec des chauffeurs qui possèdent une license LVC, un permis de louer un véhicule avec chauffeur, comme les chauffeurs de limousine.[2]
En Europe également, la discussion quant à la qualification de la plateforme Uber comme entreprise de transport a fait couler beaucoup d’encre. Comme déjà décrit dans notre article précédent : UBER – Entreprise de transport[3], la Cour de justice a décidé en 2017[4]que le service d'Uber devait être qualifié de service de transport et non de service de la société de l'information. Cette décision a été motivée par une question préliminaire dans le cadre d'un litige opposant les chauffeurs Uber à une association professionnelle de chauffeurs de taxi de la ville de Barcelone, au motif que les chauffeurs Uber conduisaient sans licence, ce qui violerait le droit espagnol de la concurrence. Les chauffeurs Uber devaient donc se conformer à la réglementation espagnole sur les taxis afin de ne pas commettre un acte de concurrence déloyale.[5]
Chez nous, le 16 janvier 2019, le Tribunal de l’entreprise francophone de Bruxelles a jugé que la "société de taxis" Uber respectait la législation bruxelloise sur le transport payant de personnes. Uber agirait en tant qu'intermédiaire sans offrir de services de taxi. Sur la base de ce jugement, Uber a été autorisé à continuer à offrir ses services à Bruxelles, au grand dam de la FeBeT, Fédération Belge des Taxis. Cette dernière a donc fait appel du jugement, car les chauffeurs Uber abuseraient de leur licence LVC.[6]
C'est dans le cadre de cette procédure que la Cour d'appel a maintenant décidé de renverser cette décision et d'étendre l’ordonnance de cessation de 2015 à l'application UberX. Depuis le 26 novembre 2021 vers 18 heures, Uber n'est plus autorisé à proposer ses services par le biais d'UberX sous peine d'amendes. Seuls les chauffeurs titulaires d'une licence de taxi seraient encore autorisés à travailler via UberX.[7]
Entre-temps, le 10 décembre, le gouvernement bruxellois est parvenu à un accord sur une solution temporaire[8]en vue d'une réforme ultérieure et définitive des taxis bruxellois. Ce dispositif temporaire sera d’application jusqu'à l'entrée en vigueur de l'ordonnance sur la réforme du secteur des taxis, qui devrait établir un statut unique pour la profession. Ainsi, les chauffeurs Uber pourront reprendre la route dans des conditions strictes.
Par exemple, ils ne seront autorisés à conduire que sur la base d'un permis d'exploitation demandé au plus tard le 15 janvier 2021, et les conducteurs devront prouver, entre autres, qu'ils offrent leurs services plus de 20 heures par semaine en moyenne. Les trajets devront également être commandés à l'avance via une plateforme ; le démarchage physique des clients est interdit. Enfin, ils ne seront pas autorisés à se poster sur la voie publique ou aux stations de taxis réservées.[9]
"Mon gouvernement a travaillé très dur et nous sommes heureux de pouvoir proposer aujourd'hui une solution temporaire, qui devrait permettre aux chauffeurs affectés par la décision d'Uber de reprendre le travail rapidement. Cette proposition respecte les décisions de justice rendues ces dernières années sur cette plateforme électronique et ouvre en même temps la voie à la future ordonnance qui établira un statut unique propre à cette profession. J'en suis très heureux", a déclaré le Premier ministre Rudi Vervoort.[10]
Mais moins de trois semaines plus tard, le gouvernement bruxellois a opté pour une interprétation différente de l'ordonnance réparatrice temporaire. Ainsi, les conducteurs possédant une licence LVC wallonne ou flamande ne seraient plus autorisés à travailler dans la capitale. Le ministre-président Rudi Vervoort menace même de retirer la licence d'Uber s'il s'avère qu'Uber autorise délibérément les chauffeurs flamands et wallons à conduire à Bruxelles. La saga Uber ne semble donc pas encore arrivée à son terme.
A suivre, sans aucun doute…
Si vous avez encore des questions après avoir lu cet article, n'hésitez pas à nous contacter.
Joost Peeters, Studio Legale
Références:
[1] https://www.ie-forum.be/www.delex-backoffice.nl/uploads/file/IEFBE/IE-Forum_nl%20Voorz_%20NL%20Rechtbank%20van%20Koophandel%20Brussel%2023%20september%202015,%20IEFbe%201541%20(Uber%20BVBA%20tegen%20Taxi%20Radio%20Bruxellois).pdf
[2] https://www.standaard.be/cnt/dmf20211124_95747626
[3] https://www.studio-legale.be/uber-vervoersbedrijf/?lang=fr
[4] HvJ, Associacion Professioal Elite Taxi tegen UBER SYSTEMS SL, C-343/15, 20 décembre 2017
[5] Persbericht n°136/17 over Arrest C-434/15, beschikbaar op https://curia.europa.eu/jcms/upload/docs/application/pdf/2017-12/cp170136fr.pdf
[6] https://www.standaard.be/cnt/dmf20210115_97444489
[7] https://www.tijd.be/ondernemen/transport/Geen-Uber-meer-in-Brussel-vanaf-vrijdagavond/10348707
[8] https://mobilite-mobiliteit.brussels/sites/default/files/2021-12/noodordonnantie%20van%2010%20december%202021%20tot%20invoeging%20van%20een%20afwijkende%20overgangsregeling%20in%20de%20ordonnantie%20van%2027%20april%201995%20betreffende%20de%20taxidiensten%20en%20diensten%20voor%20het%20verhuren%20van%20voertuigen%20met%20chauffeur.pdf ; https://mobilite-mobiliteit.brussels/sites/default/files/2021-12/verklarende%20nota.pdf
[9]https://rudivervoort.brussels/portfolio-category/persbericht/?lang=nl;https://www.gtl-taxi.be/8_0_0_0_0_NL_Nieuws_33496_1
[10] https://rudivervoort.brussels/portfolio-category/persbericht/?lang=nl
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