Quelles sont les options comptables et/ou fiscales dont dispose un investisseur tax shelter en cas de décision négative (contestée) de la cellule tax shelter? L'instruction interne 2017/I/31 du 27 avril 2017 relative aux sanctions applicables au traitement des dossiers fiscaux dans le cadre des contrôles dans le dossier Corsan avait pour objectif de proposer une résolution clémente et souple pour les investisseurs lésés dans cette affaire. Il semble que cette instruction ne soit en pratique pas appliquée (de manière cohérente), entraîne des complexités procédurales et n'apporte pas (toujours) de solution aux investisseurs non-liés au dossier Corsan.
La pratique a montré que les difficultés relatives au Tax Shelter ne sont pas toujours liées à l'affaire Corsan : les investisseurs peuvent toujours être confrontés à une décision (partiellement) négative de la part de la cellule Tax Shelter, en particulier lorsque ce service estime que toutes les conditions de la législation sur le Tax Shelter ne sont pas remplies. Il est devenu courant que les sociétés de production contestent ces décisions (partiellement) négatives de la cellule Tax Shelter devant le tribunal de première instance de Bruxelles.
Nonobstant une telle procédure judiciaire en cours, les investisseurs doivent immédiatement –hic et nunc– faire des choix comptables et fiscaux sans avoir la moindre idée de l'issue finale de cette procédure. En raison notamment du retard considérable pris par les juridictions bruxelloises, les investisseurs risquent donc d'être confrontés à des années d'incertitude fiscale.
Une lacune dans la législation
Comme aucune réglementation n'a (à ce jour) été prévue pour remédier à cette incertitude fiscale, les conseillers ont souvent recours à l'instruction Corsan.
Dans une première hypothèse, cette instruction prévoyait de facto une exonération des intérêts de retard et une renonciation à la majoration d'impôt pour les investisseurs qui, dans le délai de quatre ans après la signature de la convention-cadre, avaient ajouté le bénéfice provisoirement exonéré à leur résultat imposable. Ces investisseurs ont été confrontés à une imposition conforme à leur propre déclaration fiscale, puisque la réserve Tax Shelter précédemment exonérée a été spontanément incluse dans les réserves imposables.
Un deuxième scénario décrivait la situation des investisseurs qui, dans l'attente de l’attestation Tax Shelter définitive, n'avaient pas inclus le montant du bénéfice précédemment exonéré dans les réserves imposables. En d'autres termes, cette catégorie d'investisseurs a continué à bénéficier de l'exemption provisoire. L'instruction Corsan a précisé dans ce contexte qu'aucun intérêt de retard ni aucune majoration d'impôt ne serait dû pour ces investisseurs non plus.
Enfin, dans un troisième cas de figure, l'instruction stipulait explicitement que des intérêts de retard et une majoration d'impôt étaient bien dus, notamment lorsque les investisseurs avaient procédé à l’exonération définitive des montants. Dans ce cas, ces investisseurs ont agi comme s'ils avaient reçu l’attestation définitive (via une augmentation de la situation de début des réserves dans la déclaration à l’impôt des sociétés).
Plus de quatre ans après l'instruction, il apparaît que chacun des trois scénarios a ses avantages et ses inconvénients et qu'il faut examiner au cas par cas quel scénario est le plus adapté à l’investisseur concerné.
Des écueils procéduraux dans le premier scénario?
Dans des cas spécifiques, le choix du premier scénario peut être souhaitable, car dans ce cas – conformément à l'instruction Corsan – aucun intérêt de retard ni aucune majoration d'impôt ne sont dus. Certains investisseurs ont donc opté pour cette approche, malgré le fait qu'ils n’étaient pas d’accord avec la non-obtention de l'avantage fiscal. Certains investisseurs ont même mentionné ce désaccord dans une annexe à leur déclaration à l'impôt des sociétés. Après l’établissement de l’imposition et la taxation du bénéfice précédemment exonéré (comme déclaré), les investisseurs ont contesté le fondement de l’imposition via une réclamation.
Cependant, la jurisprudence Corsan montre désormais qu'une réclamation contre sa propre déclaration n'est pas toujours possible. Selon cette jurisprudence, ce n'est que dans les cas où le contribuable démontre qu'il a commis une erreur, en droit ou en fait, qu'il peut s’opposer à sa déclaration. Il n’est question d’une erreur de fait que si le contribuable fait une erreur de calcul et/ou une erreur matérielle dans sa déclaration ou commet toute autre erreur ou faute grossière sans rapport avec l'appréciation juridique de son assujettissement à l'impôt ou de la détermination de sa base imposable. Une erreur de droit se produit quant à elle lorsqu’il est question d’une interprétation incorrecte de la loi ou d’une application incorrecte de la loi à des faits établis, en raison d'une méprise impliquant un élément intellectuel, un acte intentionnel ou conscient.
Une autre jurisprudence est plus indulgente : l'exigence d'une erreur de fait ou de droit serait subordonnée au droit de contester l'imposition faite sur la base d'une déclaration légalement correcte, mais dont le contribuable conteste la constitutionnalité. Il existe en effet des arguments pour soutenir que le régime du Tax shelter est inconstitutionnel, car il établirait une distinction injustifiée entre, d'une part, les investisseurs qui ont rempli toutes les conditions et qui reçoivent une attestation et, d'autre part, les investisseurs qui, bien qu'ayant rempli toutes les conditions, sont confrontés à un refus de se voir délivrer une attestation (partiellement) positive. De ce point de vue, les investisseurs qui agissent en toute bonne foi et qui ne veulent pas recevoir une attestation Tax Shelter (partiellement) positive ne pourraient pas être "punis" s'ils ont respecté les conditions qui leur sont imposées.
Cette difficulté technico-procédurale n’était toutefois pas prévue dans l’instruction Corsan.
Changement de cap après ces obstacles procéduraux : choisir le second scénario?
Le second scénario, tel que prévu par l'instruction Corsan, aboutit – comme le montre la pratique – à ce qu'aucune majoration d'impôt ou intérêt de retard ne soit appliqué par l'administration.
Toutefois, cette approche uniforme n'est plus appliquée de manière cohérente aux dossiers non-lés à l’affaire Corsan : l'administration établit alors une cotisation supplémentaire, généralement augmentée d'une majoration d’impôt (de 10 % ou plus selon le rang de l’infraction) et d'intérêts de retard rétroactifs. En d'autres termes, dans ces cas, elle applique cette pratique en dépit de l'instruction Corsan, même lorsque les investisseurs – dans l'attente du règlement du litige relatif aux attestations fiscales – ont conservé temporairement leurs réserves exonérées.
Dans ce second scénario, l'investisseur ne sera pas confronté au problème de la réclamation contre sa propre déclaration et pourra donc (continuer à) contester le fondement de l’imposition (sans cette difficulté). De cette manière, l'investisseur préserve tous ses droits, et ce en prévision de la conclusion du litige concernant les attestations fiscales.
Et si l'investisseur choisit la troisième voie?
La pratique montre que certains investisseurs, confrontés à une attestation fiscale totalement ou partiellement négative, reprennent la réserve exonérée et majorent la situation de début des réserves dans leur déclaration à l'impôt des sociétés. En d'autres termes, ils agissent comme s’ils avaient reçu une attestation fiscale (entièrement) positive.
Ces investisseurs font (généralement) l'objet d'un contrôle fiscal donnant lieu à une cotisation supplémentaire. Bien que cette catégorie d'investisseurs puisse, le cas échéant, former une réclamation recevable contre cette cotisation supplémentaire, la majoration d’impôts et les intérêts de retard ne sont nullement évités avec cette approche (ce que confirme l'instruction Corsan). Au contraire, si l'administration considère que la majoration de la situation de début des réserves a été faite dans l'intention d’éluder l'impôt, la majoration d'impôt pourrait même atteindre 50% (ou plus en fonction du rang de l’infraction). Cette majoration d'impôt pourrait donc s’avérer considérablement plus élevée que dans la situation où les réserves étaient provisoirement conservées par l'investisseur (10%). Enfin, en théorie, il ne peut pas être exclu que l'administration applique le délai d’investigation et d’imposition prolongé de sept ans, si elle estime que la méthode décrite ci-dessus constitue un indice de fraude fiscale.
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