La loi du 2 décembre 2002 réglemente la manière dont les entreprises peuvent recouvrer leurs factures impayées auprès des consommateurs.
À l’heure actuelle, il y a encore une grande liberté contractuelle à ce sujet. L’entreprise détermine elle-même le délai dans lequel le consommateur doit payer la facture, quels frais de recouvrement seront facturés en cas de non-paiement et à partir de quand etc. Le consommateur accepte ces conditions contractuelles lors de la conclusion du contrat avec l'entreprise et est ainsi protégé par le droit de la consommation.
La loi du 2 décembre 2002 contient déjà un certain nombre de dispositions pour la protection des consommateurs:
- En matière de recouvrement amiable de dettes, est interdit tout comportement ou pratique qui porte atteinte ou est susceptible de porter atteinte à la vie privée ou à la dignité humaine du consommateur. La loi mentionne notamment:
– Tout écrit ou comportement qui tend à créer une confusion quant à la qualité de la personne dont il émane;
– Les mentions qui contiennent des menaces juridiques inexactes ou des informations erronées sur les conséquence du défaut de paiement;
– Les mentions sur l’enveloppe indiquant que la lettre concerne le recouvrement d’une créance;
– L’encaissement des montants non légalement autorisés;
– Les démarches auprès des voisins, de la famille ou de l’employeur ou tenter de recouvrer la dette auprès d’une personne autre que le débiteur;
– Les tentatives de recouvrement de la créance en présence d’un tiers;
– Les démarches visant à faire signer au débiteur une lettre de change,une cession de créance ou une reconnaissance de dette;
– Le harcèlement du débiteur lorsque celui-ci indique qu’il conteste la dette;
– Les appels téléphoniques et les visites domiciliaires entre 22h et 8h. - Tout recouvrement amiable d’une dette doit commencer par une mise en demeure écrite, adressée au consommateur, qui doit contenir un certain nombre de mentions obligatoires. La loi mentionne notamment:
– L’identité, le numéro d’entreprise, l’adresse, le numéro de téléphone et la qualité du créancier (originaire);
– Le nom, l’adresse, le numéro d’entreprise et les données de l’autorité de contrôle compétent au sein du SPF Economie de la personne qui procède au recouvrement amiable de la créance;
– Une description claire des montants qui sont dus (en ce compris les intérêts et les clauses pénales);
– La mention selon laquelle d’autres mesures de recouvrement peuvent être prises si le paiement n’est pas effectué dans le délai spécifié;
– Lorsque le recouvrement est effectué par un avocat, un officier ministériel ou un mandataire de justice, la phrase: “ Cette lettre concerne un recouvrement amiable et non un recouvrement judiciaire (assignation au tribunal ou saisie).
Il y a une période d’attente obligatoire d’au moins 15 jours après l’envoi de la mise en demeure, durant laquelle le consommateur peut procéder au paiement, avant que d’autres mesures de recouvrement puissent être prises.
De nombreux projets de loi ont déjà été présentés pour modifier la loi du 2 décembre 2002 et la rendre plus favorable pour le consommateur. L’objectif est d’éviter l’accumulation de dettes et l’endettement en cas de non-paiement, par la facturation d’intérêts, de clauses pénales, de frais de recouvrement etc. Par exemple, il a déjà été proposé de plafonner les frais de recouvrement et les intérêts de retard, de prolonger le délai de paiement, d’introduire un premier rappel de paiement obligatoire qui serait gratuit etc.
Désormais, une autre modification est sur la table: l’avant-projet de loi portant insertion du livre XIX «Dettes du consommateur» dans le Code de droit économique. Cela permettrait non seulement de modifier la loi du 2 décembre 2002, mais aussi de l’intégrer dans le Code de droit économique. La modification proposée va encore plus loin que par le passé: les dispositions légales couvriraient désormais tout recouvrement de dettes à l’encontre d'un consommateur quelle qu’en soit l’origine
(par exemple tant les factures que les crédits) et la loi s’appliquerait également aux créances qui existaient déjà avant la modification de la loi. Les nombreuses propositions législatives ont invariablement suscitées des critiques de la part des entreprises. Le service consultatif du Conseil d’État a déjà critiqué l’impact d’une modification sur la liberté d’entreprise. Une modification effective de la loi n’a pas (encore) été apportée.
La protection des consommateurs en difficulté financière est bien sûr une bonne chose. Cependant, on peut se demander si cet objectif est atteint en rendant le recouvrement amiable des factures impayées plus difficile par les entreprises.
Après tout, donner aux consommateurs plus de temps pour payer leurs factures leur permet de faire d’autres achats qu’ils ne peuvent pas se permettre, ce qui crée l’effet inverse. De plus, l’impact d’un recouvrement de créances plus difficile et plus lent sur l’entreprise ne doit pas être sous-estimé. En attendant longtemps le paiement des factures, la trésorerie est attaquée, de ce fait l’entreprise elle-même encourt des arriérés de paiement, ce qui est un facteur important de faillite. L’entreprise ne pourra pas non plus récupérer tous les coûts (supplémentaires) d’un recouvrement amiable, ce qui entraînera une perte de revenus, ce qui est tout sauf évident dans le contexte économiques actuel (inflation, coûts salariaux élevés, post corona etc.).
Le fait d’accorder au consommateur plus de temps pour payer est également en contradiction avec les délais de paiement plus stricts et plus courts qui ont été récemment introduits dans les transactions commerciales (entre entreprises). Un changement qui vient juste d’être mis en place pour améliorer la situation de liquiditédes entreprises…
Le législateur devra donc trouver un juste équilibre entre la protection du consommateur vulnérable d’une part et la protection du pouvoir d’entreprise et de la liberté d’entreprise d’autre part.
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