Ce pourrait être le titre d’un feuilleton télévisé, tant conseiller un entrepreneur ou un cadre sur le meilleur achat fiscal d’une voiture de société s’est complexifié avec le temps. Cette saga n’est certainement pas terminée.
Mes confrères experts-comptables se souviennent probablement de l’époque où lorsqu’un client nous demandait notre avis pour sa prochaine voiture, deux ou trois questions suffisaient pour bien aiguiller sa décision : sous 14,000 km annuels, la moyenne belge, il ne fallait pas penser au diesel. Par contre avec un kilométrage annuel supérieur à 30.000, ce choix s’imposait progressivement. Nous aidions aussi à choisir entre un leasing, un renting ou un achat propre en fonction du bilan de la société et de l’option d’achat. C’était simple et efficace.
Puis les choses ont commencé à se compliquer, avec l’apparition des avantages de toute nature et des dépenses non admises fiscalement. Les premiers sont le montant qui s’ajoute au salaire pour compenser l’utilisation privée de la voiture qui n’est donc plus gratuite. Les secondes sont une part des frais de véhicules que les sociétés ne peuvent déduire. Les voitures étaient réparties en sept catégories, selon leur degré de pollution au CO2. Puis ces catégories ont disparu depuis 2020 : chaque voiture a son taux de déductibilité propre en référence à un taux pivot de 120 grammes de CO2 par kilomètre.
Beaucoup de critères à prendre en compte
De plus en plus, d’autres critères se sont invités dans l’arbre de décision, au principal rang desquels la motorisation électrique, thermique ou hybride. Tant que l’on roule aux carburants fossiles, l’approvisionnement partout en Europe n’est pas un problème puisque l’on trouve des stations-service partout. C’est par contre nettement moins évident pour recharger une voiture électrique, en ville comme à la campagne.
Par ailleurs, le supplément de prix, que l’on constate entre 10.000 et 15.000 euros pour un véhicule électrique par rapport au même à moteur thermique, est loin d’être négligeable. Cette différence était nettement moins importante lorsqu’il s’agissait de comparer deux motorisations thermiques, l’une au diesel et l’autre à essence.
Pour en avoir le cœur net, nous avons comparé le coût indicatif sur cinq années de deux voitures de gamme moyenne dotées de moteurs à essence (parce que le diesel n’a plus franchement la cote) à un équivalent électrique dans la même marque. Nous avons choisi des véhicules (Renault et Nissan) au prix d’achat TTC entre 45.000 et 50.000 euros. Nous avons tenu compte de la plupart des coûts, connus ou prévisibles, sur une période de cinq années. Certes, une partie de ces coûts devrait être individualisée, à savoir le pourcentage de TVA récupérable ou le bonus-malus influençant les primes d’assurances.
Nous avons tenu compte du prix d’achat catalogue réduit de la moitié de la TVA non récupérable, de l’impôt des sociétés sur la partie des dépenses non admises de cet achat, d’un budget de frais annuel de 2.000 euros pour couvrir la police d’assurance, les entretiens (quoique quasiment nuls en véhicule électrique), les freins et pneus… de même que l’éventuel impôt sur ces frais. Nous avons aussi considéré les taxes à la (mise en) circulation et le supplément de cotisations sociales et d’impôts qu’un dirigeant de société devrait payer sur l’avantage de toute nature sans tenir compte de sa dégressivité. Ce faisant, nous approchons le prix de revient de la voiture en cinq ans, hors coût du carburant qui nous a paru trop imprévisible en électrique. De même, la reprise éventuelle dans cinq ans n’est pas incluse dans nos simulations.
Nous avons fait ce test pour une nouvelle Renault Austral Iconic essence/hybride au prix catalogue de 44.278 euros, comparée à une Renault Mégane E-tech, également dans sa version Iconic, au prix catalogue de 51.032 euros. Ces montants s’entendent après déduction d’une remise “Fleet” que les sociétés peuvent obtenir. Au bout de cinq ans, incluant les frais décrits ci-dessus, l’Austral aura coûté 51.586 euros et la Megane E-Tech 62.513 euros. Cela plaide pour la motorisation à essence/hybride sans conteste mais le carburant pourrait compenser cette différence sur la durée.
La seconde comparaison effectuée oppose une Nissan Qashqai ePower de la nouvelle génération, coûtant 43.850 euros à une équivalente électrique, la Nissan Leaf 100 % électrique au prix d’achat de 43.458 euros, remise fleet déduite. Le calcul des coûts globaux sur 5 années nous amena à 69.411 euros pour la Qashqai à 55.221 euros pour la Leaf. La différence est nettement plus importante que dans le cas des Renault. Elle va même dans le sens inverse car la motorisation de la Nissan Qashqai lui est fiscalement défavorable (2.478 euros de taxe à l’immatriculation et déductibilité fiscale de 41 %).
Que peut-on déduire de ces exemples ? D’une part que si acheter une voiture électrique nécessite un investissement plus important au départ, ses coûts fiscaux et d’utilisation sont inférieurs. Cela semble confirmer d’autres études concluant à ce qu’une voiture électrique ne deviendrait moins chère qu’une thermique comparable à partir de 60.000 à 100.000 kilomètres au compteur, selon le modèle. Et d’autre part que choisir sa voiture est comme entrer dans un labyrinthe soumis à des critères variant dans le temps. Plusieurs entrées et sorties sont possibles, le tout étant si vous y entrez de trouver le chemin et la sortie qui vous conviendront le mieux.
Charles Markowicz, expert-comptable certifié, médiateur agréé Costmasters
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