17 mrt 2021 | Tax & Private equity

Gesplitste aankoop van een onroerend goed in België: een tsunami van administratieve beslissingen

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Opgelet: dit artikel werd gepubliceerd op 17/03/2021 en kan daardoor verouderde informatie bevatten.
Samenvatting: Een veel gebruikte techniek om de fiscale druk op erfgenamen te verminderen, is de gesplitste aankoop van onroerend goed voorafgegaan door de schenking van geld. Klassiek kopen de ouders bij een dergelijke constructie het vruchtgebruik van het onroerend goed en schenken ze aan hun kinderen de nodige fondsen om de naakte eigendom te financieren. Dit is uiteraard een fiscaal erg gunstige techniek: de onrechtstreekse schenking kan in sommige gevallen ontsnappen aan schenkbelasting en bij het overlijden van de ouders dooft het vruchtgebruik automatisch uit, waardoor het onroerend goed vrij van erfbelasting aan de kinderen toekomt. Deze werkwijze zou ideaal zijn, ware er niet artikel 9 van het Wetboek Successierechten en 2.7.1.0.7 VCF. Rafaël Alvarez Campa (associate bij Everest Law) licht de techniek in meer detail toe in onderstaand Franstalig artikel.

Ce n’est pas un secret : l’impôt successoral est très élevé en Belgique. Partant de ce constat, les Belges ont toujours su faire preuve de créativité pour réduire au maximum la charge fiscale qui pèse sur leurs héritiers. L’une des techniques les plus courantes est celle de l’achat scindé d’un bien immeuble précédé d’une donation des fonds. Classiquement, il s’agit pour les parents qui vont acquérir l’usufruit du bien de donner les fonds à leurs enfants afin de leur permettre d’acquérir la nue-propriété du même bien. Cette technique simple est très avantageuse sur le plan fiscal. En effet,  si la donation prend la forme d’une donation indirecte, aucun droit de donation n’est dû. Par ailleurs, au moment de l’extinction de l’usufruit qui intervient au décès des parents, aucun droit de succession ne doit être payé.

door Rafaël Alvarez Campa

Tout cela serait bien entendu trop évident s’il n’y avait pas l’article 9 du code des droits de succession/article 2.7.1.0.7 du code flamand de la fiscalité, selon lesquels: « Les biens meubles ou immeubles qui ont été acquis à titre onéreux par le défunt pour l’usufruit et par un tiers pour la nue-propriété, ainsi que les titres au porteur ou nominatifs qui ont été immatriculés au nom du défunt pour l’usufruit et au nom d’un tiers pour la nue-propriété sont considérés, pour la perception des droits de succession et de mutation par décès exigibles du chef de l’hérédité du défunt, comme se trouvant en pleine propriété dans la succession de celui-ci et comme recueillis à titre de legs par le tiers, à moins qu’il ne soit établi que l’acquisition ou l’immatriculation ne déguise pas une libéralité au profit du tiers ».

Ces dispositions prévoient ainsi une présomption de legs en vertu de laquelle le bien acquis de la manière décrite ci-dessus est présumé faire partie intégrante de la succession du défunt (parent-usufruitier) avec la conséquence que les enfants (nus propriétaires) sont redevables de l’impôt successoral. Cette présomption légale peut toutefois être renversée si le nu-propriétaire parvient à démontrer que l’achat démembré ne déguise pas une libéralité à son profit. Pour renverser cette fiction légale, le nu-propriétaire doit démontrer qu’il disposait de fonds suffisants avant l’acquisition du bien et que ces fonds ont été utilisés pour l’acquisition de la nue-propriété.

La question de la preuve contraire à apporter pour renverser la présomption de legs a toujours été au centre de nombreuses controverses dont l’administration fiscale fédérale et le Vlabel ne sont pas étrangers dès lors que les décisions adoptées pas ces autorités ont été nombreuses et fluctuantes, voire contradictoires.

Ces contradictions ont débuté dès l’insertion de la nouvelle notion d’abus fiscal dans l’article 106 du code des droits de succession, qui s’applique aux opérations juridiques posées à partir du 1er juin 2012[1].

Ainsi, d’abord incluse dans la liste noire des opérations juridiques suspectes (circulaire n°8/2012 du 19 juillet 2012), l’opération d’achat scindé précédé d’une donation au nu-propriétaire a ensuite été retirée de cette liste (circulaire n°5/2013 du 10 avril 2013) avant de seulement quelques jours plus tard revenir dans le viseur de l’administration qui a alors considéré qu’une donation préalable de fonds ne sera plus admise comme preuve contraire (décision du 19 avril 2013).

Devant un tel tourbillon de décisions contradictoires, l’administration fiscale fédérale a été contrainte de prendre une décision claire. Dans sa décision du 18 juillet 2013, elle a posé le principe selon lequel,  pour tous les actes juridiques accomplis à partir du 1er septembre 2013, la donation de fonds précédant l’acquisition scindée n’est plus acceptée comme preuve contraire sauf si la donation a été soumise au droit d’enregistrement ou si le donataire peut démontrer qu’il a pu disposer librement des fonds. Dans ce dernier cas, il appartient au donataire de démontrer que cette donation n’était pas destinée au financement de l’acquisition de la nue-propriété.

Cette dernière décision de l’administration fédérale a été reprise par le Vlabel dans sa position 15004 du 19 janvier 2015 mais le Conseil d’Etat a par un arrêt du 12 juin 2018 annulé cette position en jugeant qu’elle était contraire au principe général de sécurité juridique et au principe de légalité de l’impôt.[2] En effet, pour le Conseil d’Etat, la position du Vlabel (et donc de l’administration fédérale) ajoute à la loi en ce qu’elle oblige notamment à soumettre la donation au droit d’enregistrement pour apporter la preuve contraire alors que l’exigence d’une telle condition ne ressort nullement des travaux parlementaires et du texte légal.

En réponse, le Vlabel a confirmé qu’il n’appliquera plus cette position dans le futur et que les contribuables concernés doivent introduire une réclamation contre l’impôt indument perçu (positon du 15 juin 2018.

De son côté, l’administration fédérale n’a réagi que bien plus tard en adoptant une décision le 23 septembre 2019. Elle y précise qu’il n’est pas requis «que la donation ait eu lieu par acte authentique: il suffit de prouver (…) que les fonds ont le cas échéant été donnés (par acte authentique ou sous seing privé, par don manuel ou par donation indirecte) avant l’acquisition. Dès que l’acquéreur de la nue-propriété peut prouver qu’il était propriétaire des fonds avant l’opération visée à l’article 9 du C. succ. et qu’il les affectivement affectés au payement du prix de celle-ci, il est sans intérêt de savoir depuis combien de temps des fonds lui ont été donnés par l’acquéreur de l’usufruit : dans cette hypothèse, l’article 9 du C. succ.ne s’applique pas (…). »

Complétant cette décision, l’administration fiscale fédérale a adopté une nouvelle décision le 26 juin 2020[3] par laquelle, outre le principe énoncé ci-dessus, elle précise que pour établir que l’opération d’acquisition n’est pas une libéralité déguisée, la preuve de la date de la donation préalable des fonds au donataire doit être établie par tous les moyens légaux, à l’exception du serment et des simples affirmations des parties elles-mêmes ou des documents émanant d’elles.

Quant à la preuve du moment où la donation doit être réalisée, l’administration précise qu’il s’agit du moment du paiement par le donataire/nu-propriétaire du prix de la nue-propriété. Ainsi, si le paiement d’un acompte est prévu dans un compromis de vente, c’est la date de cet acte qui devient le moment déterminant.

Enfin, l’administration indique que cette décision devient applicable à toutes les opérations juridiques réalisées à partir du 1er aout 2020.

Il en résulte que, à partir de cette date, pour les successions bruxelloises et wallonnes, auxquelles s’applique cette décision du 26 juin 2020, les donataires doivent démontrer qu’ils disposaient des fonds suffisants pour financer l’achat de la totalité de la nue-propriété dès la signature du compromis si un acompte est dû à ce moment. À défaut, la preuve contraire ne sera pas rapportée.

De son côté, le Vlabel a adopté une nouvelle position le 28 septembre 2020 (position n° 20067) pour les achats scindés effectués à partir du 14 octobre 2020. Par cette position, le Vlabel fait sien  l’approche fédérale en n’exigeant plus que la donation préalable doive être authentique ou être soumise au droit d’enregistrement ou encore que la date certaine soit requise.  En même temps, la Vlabel se démarque de la décision de l’administration fédérale en ce qu’il pose le principe que les fonds doivent avoir été donnés avant l’acte authentique d’achat qu’il y ait paiement ou non d’un acompte dès de la signature du compromis de vente.

S’il est bien entendu à regretter que les positions ne sont pas parfaitement identiques dans les trois Régions, l’on peut toutefois se réjouir des décisions adoptées qui permettent enfin, après bien des années, de cerner les obligations en matière de preuve contraire dans le cadre de l’acquisition scindée précédée d’une donation.

Rafaël Alvarez Campa,  Avocat associé Everest Law

[1]  N’est pas opposable à l’administration, l’acte juridique ni l’ensemble d’actes juridiques réalisant une même opération lorsque l’administration démontre par présomptions ou par d’autres moyens de preuve visés à l’article 185 et à la lumière de circonstances objectives, qu’il y a abus fiscal.

Il y a abus fiscal lorsque le redevable réalise, par l’acte juridique ou l’ensemble d’actes juridiques qu’il a posé, l’une des opérations suivantes :

  1. une opération par laquelle il se place, en violation des objectifs d’une disposition du présent Code ou des arrêtés pris en exécution de celui-ci, en-dehors du champ d’application de cette disposition ; ou
  1. une opération par laquelle il prétend à un avantage fiscal prévu par une disposition du présent Code ou des arrêtés pris en exécution de celui-ci, dont l’octroi serait contraire aux objectifs de cette disposition et dont le but essentiel est l’obtention de cet avantage.

Il appartient au redevable de prouver que le choix de cet acte juridique ou de cet ensemble d’actes juridiques se justifie par d’autres motifs que la volonté d’éviter les droits d’enregistrement.

Lorsque le redevable ne fournit pas la preuve contraire, l’opération est soumise à un prélèvement conforme à l’objectif de la loi, comme si l’abus n’avait pas eu lieu.

[2] C.E., 12 juin 2018, n° 241.761, Rec. gén. enr. not. 2018/8, n° 27.139.

[3] Rép. RJ, N° S 9/06-07.

 

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